Au Mali, les données du Système d’information sur les Violences basées sur le Genre rapportent qu’en 2022, sur 14.264 cas de VBG, il y a eu 15% de violence physique contre 17% en 2023 sur 15.993 cas de VBG. Pour prévenir et lutter contre ces violences tout en apportant un cadre de vie meilleur dans les foyers, des organisations et leurs partenaires ont initié des actions communautaires. Pour ce reportage, nous nous sommes intéressés à la commune I où l’Association du Sahel d’Aide à la Femme et à l’Enfance (ASSAFE) et son partenaire UNICEF ont exécuté en 2021, l’approche « maris modèles » dans le cadre de l’initiative Spotlight. Son objectif vise à engager les hommes «non violents et exemplaires» dans le dispositif de sensibilisation des auteurs de violences au sein des communautés.
Dans la commune I, ils étaient près de 300 maris modèles répertoriés et engagés par l’ASSAFE au niveau des 49 secteurs de mise en œuvre du projet Spotlight. Au-delà de ceux qui ont été répertoriés, nombreux sont des maris exemplaires qui se sont engagés dans la lutte contre les VBG dans cette commune du District de Bamako.
Fatoumata Barry, Coordinatrice à l’ASSAFE estime « qu’il ne servait à rien de mener la lutte contre les violences physiques si l’on ne sensibilise pas ces hommes (auteurs de violences). La meilleure approche demeure l’introduction des maris modèles qui, à travers des causeries éducatives, des conseils, des dénonciations arrivaient à changer le comportement des auteurs de violence. L’on est parti d’homme engagé aux maris modèles et aux hommes célibataires ». Cette introduction des « maris modèles » a considérablement réduit les violences, a indiqué Fatoumata Barry.
Les maris modèles au travail
Moussa Camara, un mari modèle raconte: « nous intervenions lorsqu’il y avait des violences, cela bien avant le projet Spotlight. Avec ce projet dans notre commune, les animatrices nous ont formé sur comment aborder les jeunes, nous les sensibilisons dans les grins et lieux de rencontre. Cela a permis aux jeunes hommes, de comprendre que la femme est loin d’être leur ennemie et qu’il faut les aider dans leur foyer toute chose qui contribue à la stabilité».
- Camara poursuit, « nombreux sont les hommes qui auparavant violentaient leurs femmes. Aujourd’hui, ils sont devenus des maris modèles. Ils nous accompagnent dans nos causeries. Nous faisons la promotion du dialogue entre l’homme et la femme. Nous leur inculquons la meilleure manière de gérer la famille. Nous leur apprenons les inconvénients de la violence dans la gestion du foyer ».
« Nous faisons des séances spéciales de causerie lorsque nous constatons un nouveau cas de violence. Nous prodiguons des conseils aux hommes» a signalé Modibo Koné, mari modèle à Boulkassoumbougou
Selon lui, au-delà des actions auprès des hommes mariés, les « maris modèles » sensibilisaient les célibataires afin de les préparer à devenir des maris exemplaires.
Nouvel engagement des époux pour leurs épouses
Mariam Camara est ménagère en commune I, elle ne s’attendait pas avec son époux. Elle témoigne sur sa nouvelle situation : « nous causons avec nos maris, ils nous aident à faire les travaux ménagers qui, autrefois, était mal perçu »
Sidibé Fatoumata Traoré, avec une mine souriante, laisse savoir que son mari ne lui donnait pas le prix des condiments. Lorsqu’elle s’en plaignait, elle était victime de violences physiques, « j’ai même eu un bras cassé lorsque mon mari a utilisé le pilon pour me frapper. Aujourd’hui mon mari a complètement changé, il me donne de l’argent pour les condiments; il m’accompagne à l’hôpital pour mes consultations pré et post-natales; souvent, nous discutons à la cuisine lorsque je prépare à manger ». Elle attribue ce comportement exemplaire de son mari aux causeries effectuées au grin entre son mari et l’un des maris modèles qui fréquentait le grin.
Cheicknè Diarra, un ancien auteur de violences, regrette « je pensais que la seule manière d’avoir la main mise sur ma femme était de la violenter. Aujourd’hui, à travers les conseils de mon ami Modibo Koné, un mari modèle, je m’entends bien avec ma femme. Je discute avec elle lorsqu’elle fait des choses qui me déplaisent. J’attends plusieurs heures avant d’aborder le sujet, cela trouve que ma colère s’est dissipée ».
Makono Traoré, Chef de quartier de Boulkassoumbougou, estime que leur travail de médiation sur les cas de violences physiques a largement diminué grâce aux efforts et actions des maris modèles. « Peu de plaintes des femmes violentées se présentent devant nous ».
Loin d’être une approche nouvelle, l’idée de mari modèle a été germée par des ONG depuis plus de 20 ans avec CARE-Mali, les projets PFF qui sont devenus VF, les Avocats Sans Frontières entre autres, dans le cadre de la réalisation de leurs activités de lutte contre les violences basées sur le genre.
Cependant, nous n’avons pas pu obtenir des données locales sur la situation des VBG avant et après la mise en œuvre de l’approche des maris modèles dans la Commune I. Ni l’ONG ASSAFE, ni les responsables du Service local de la Direction régionale de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et du Programme National de lutte contre les Violences basées sur le Genre, n’ont pu nous les fournir.
Besoin d’appui à l’approche des maris modèles
En 2023, l’initiative Spotlight a pris fin malgré les résultats positifs obtenus avec l’approche des maris modèles. D’une part, elle a permis d’instaurer un climat de protection, de confiance et de cohésion dans les couples ; d’autre part, elle a amélioré une prise de conscience communautaire pour le respect des droits des femmes. C’est pourquoi un pressant appel est lancé à l’endroit des structures de l’Etat, des Collectivités et des Partenaires techniques et financiers pour le soutien à cette approche de prévention communautaire des violences basées sur le Genre. Aujourd’hui, les maris modèles expriment encore le besoin d’appui aux acquis de leur engagement contre les VBG dans la collectivité.
Bissidi Simpara
«Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains au Mali (JDH) et NED»