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Vaudeville dans la famille judiciaire : LES INTERMITTENTS du spectacle et les REPRIS DE JUSTESSE

« Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ». Célèbre phrase de feu Boubacar Sada Sy alors ministre de Défense à qui il incombait la redoutable mission de mettre de l’ordre au sein des Forces armées. On ne peut s’empêcher de se rappeler de cette phrase au regard de ce qui se passe actuellement dans la famille judiciaire. Depuis la nomination de Mamoudou Kassogué comme ministre chargé de la Justice, les lignes de fractures au sein de la grande famille judiciaire se sont étalées au grand jour, au vu et au su de tous. Comme dirait l’autre, le linge sale se lave… dans la rue.

Les magistrats attaquent les magistrats, les jeunes magistrats tentent de faire la leçon et la morale aux anciens magistrats, les avocats en appellent au ministre de mettre un peu d’ordre tout en tançant les magistrats, le ministre lui-même produit des décisions sous la forme d’oukases que personne ne respecte, les institutions de la Justice n’inspirent plus aucun respect, la Cour suprême est plus que fragilisée, les différentes sections de la Cour suprême surtout celles chargées de la discipline et de faire régner l’ordre sont publiquement contestées et de manière véhémente. En un mot, c’est le grand foutoir. Les Maliens assistent médusés à un gigantesque spectacle sous la forme d’un vaudeville indigne d’une famille judiciaire.

« Les juges sont en train de déconstruire le pays par leur comportement, par leur cupidité » parole de Me Mohamed Ali Bathily excédé par le traitement infligé à son fils Ras Bath. Il dénonce le non respect des droits de La Défense dans la mesure où Ras Bath a été conduit devant le juge en l’absence de ses avocats. Ce sont ces abus et ces dénis qui pourraient pousser le peuple à n’avoir aucun respect pour les décisions des juges, selon Me Bathily. Le spectacle de ces derniers jours et des mois passés trouve son fondement dans des décisions prises plus que discutables au regard de la loi et largement contestées par des magistrats dont la crédibilité n’est plus à faire. Il faut rappeler que c’est l’enrôlement du dossier de l’avion présidentiel et des équipements militaires impliquant d’anciens ministres par la Cour suprême qui a mis le feu aux poudres. Qualifiée de politique, l’arrestation de Soumeylou Boubèye Maïga (mort en détention sans voir été jugé), de Mme Bouaré Fily Sissoko (elle refuse de sortir de prison tant qu’elle n’est pas jugée et blanchie), Mamadou Camara (mis en liberté après le paiement d’une caution de 500 millions) tous anciens ministres a créé un profond malaise au sein de la famille judiciaire. Le comportement de la plus haute juridiction qu’est la Cour suprême, sa propension à se mettre à la remorque de l’exécutif, la violation flagrante des procédures ont jeté un profond discrédit sur la corporation. Certains épisodes pas très glorieux ne militent pas à leur faveur comme cette histoire de proroger leur départ à la retraite en accordant à certains juges des bonus de 3 ans. Cela a été perçu comme une sorte de gratification pour services rendus et peut être même pour l’ensemble de leur œuvre.

L’attitude du ministre de la Justice n’est pas étrangère à ce qui se passe actuellement au sein de la famille judiciaire. Syndicaliste et ancien président du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), Kassogué est souvent tenté de se replier sur son syndicat quand il devrait plutôt œuvrer a rassembler toute la famille judiciaire. Aujourd’hui si ça va dans tous les sens au sein de la famille dont il a la charge, si les magistrats jouent aux intermittents du spectacle, il y va de sa responsabilité. Et pour beaucoup de Maliens, la place de nombreux membres de la famille judiciaire ne se trouve pas dans les tribunaux. Aujourd’hui certains seraient des repris de justesse.

Le spectacle qu’ils livrent est peu ragoûtant. Mais il symbolise les contradictions internes et traduit un profond malaise. Avant le coup d’Etat contre IBK, les Maliens disaient tous que la prochaine révolution se ferait contre la Justice au regard des abus de toutes natures. Peuvent-ils se ressaisir ? Rien n’est moins sûr. Peut-être qu’il faudrait nettoyer les écuries.

Ali Keita 

Source : La Nouvelle République

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