La justice du Massachussetts pourrait contraindre une femme à partager la garde de l’enfant avec l’homme qui l’a violée. L’affaire, que raconte le magazine Vice, paraît irréaliste. Elle remonte à 2009, quand Jamie Melendez, 20 ans, viole une fille de 14 ans alors qu’elle se trouve toute seule chez elle. Un enfant naît de ce crime. En 2011, Melendez est reconnu coupable de viol et condamné à une peine de 16 ans de liberté conditionnelle. Cette peine implique que le coupable engage une procédure devant le tribunal de la famille et se plie aux ordonnances de ce dernier jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge adulte.
La décision, qui reconnaît donc la paternité du violeur, lui confère certains droits, comme celui de visite. Et Melendez, qui n’avait au début pas prêté attention à son enfant, a commencé à s’y interesser quand la justice lui a réclamé une pension alimentaire de 110 dollars par semaine. Depuis, il veut en contrepartie obtenir un droit de visite.
Or dans 31 États américains – dont le Massachussetts – rien dans la loi n’empêche un violeur de demander le droit de garde de l’enfant né des suites de son crime. La victime, surnommé H. T., se bat donc pour mettre fin à cette relation légale qui la lie à son bourreau, depuis que ce dernier a demandé à voir l’enfant il y a plus d’un an. «Ma cliente a très peur de devoir envoyer sa fille chez cet homme qu’elle ne connaît pas», expliquait à cette époque sur ABC News l’avocate de la jeune femme, Wendy Murphy. «Elle ne veut rien avoir à faire avec ce type. Elle ne veut pas d’une relation de 16 ans avec lui. Il peut réclamer des droits de visites, il peut potentiellement être impliqué dans l’éducation de l’enfant, avoir accès à celui-ci, savoir où elles vivent», ajoutait alors l’avocate.
«Un problème social qui n’a jamais eu l’attention qu’il mérite»
Un an après, rien n’a changé, si bien que H. T. , estimant ses droits constitutionnels violés, a décidé de porter plainte le mois dernier devant la cour fédérale du Massachusetts. De quoi mettre dans l’embarras le procureur général Martha Coakley actuellement en plein compagne pour devenir gouverneur de l’Etat, selon Vice. Le magazine explique que le tribunal tente donc de se débarrasser de l’affaire, arguant qu’il ne devrait pas interferer dans les procédures en cours au niveau local.
Même si l’on comprend que la jeune femme pourra facilement interdire au violeur d’obtenir la garde de l’enfant, il pourrait, jusqu’à ce que ce dernier soit adulte, faire pression sur H. T. pendant des années pour tenter de le voir. Interrogée par le magazine, l’avocate Wendy Murphy estime que cette affaire possède une résonnance particulière: celle du regard que les Etats-Unis portent sur le viol, un «problème social qui n’a jamais eu l’attention qu’il mérite», selon elle. Les chiffres du département de justice indiquent qu’une agression sexuelle a lieu toutes les deux minutes dans le pays et que 60% des violences sexuelles et des viols ne sont pas rapportés à la police. Chaque année, près de 32.000 femmes violées tombent enceintes.
L’histoire de H. T. est loin d’être un cas isolé. L’an dernier, le candidat républicain au Sénat pour le Missouri, Todd Akin, avait provoqué un tollé avec cette déclaration: «il est extrêmement rare qu’une femme tombe enceinte après une agression sexuelle. Si c’est un ‘viol légitime’, le corps féminin a des moyens d’empêcher la fécondation». A cette époque, une certaine Shauna Prewitt était sortie de l’ombre pour raconter son histoire, similaire à celle de H. T.: «Quand aucune loi n’interdit à un violeur d’exercer ces droits, une femme peut se sentir obligé de brader ses propres droits à un procès criminel en échange de l’abandon de l’accès que peut avoir le violeur à son enfant», avait-elle alors affirmé sur la chaîne CNN. Aujourd’hui, elle explique au Figaro qu’une loi fédérale parrainée par la représentante démocrate au Congrès Debbie Wasserman Schultz est dans les cartons: le «Rape Survivor Child Custody Act» viserait ainsi à encourager les 31 Etats concernés à agir en faveur des victimes de viol.