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Unité culturelle de l’Afrique noire et intégration africaine

  1. La question en elle-même

1.1  Le processus intégratif semble prendre rythme et corps. Mais seulement au niveau des Etats. Encore que, la question du rythme a finalement prédominé dans les débats au sommet.

1.2  Toutefois, un constat s’impose. Jusqu’ici aucun gouvernement africain n’a soumis à sa population le traité de l’union africaine par voie référendaire. Cette démarche nous semble, pourtant, indiquée pour entendre les voix des populations, organiser leur adhésion, désétatiser les débats et les combats pour l’intégration africaine, exclure la démarche technocratique, voire bureaucratique du “syndicat des chefs d’Etat”, enfin renforcer et protéger le processus de construction de l’Etat fédéral africain.

1.3  Au lieu cette démarche requérant la participation des populations, de la société civile africaine et de ses organisations, des partis politiques etc, en haut dans un Hall construit par la République populaire de chine (quelle honte !), les chefs d’Etat continuent allègrement leurs messes protocolaires annuelles, discutaillent de scénarii, de rythme, de critères, de “frontières intangibles”, de “non-ingérence”, etc.

1.4  Ces mêmes chefs d’Etat rivalisent d’ardeur pour se voir décerner des certificats non démocratiques de “bon élève du FMI et de la Banque Mondiale“, de “modèle démocratique” contre leurs peuples, d’ “élections transparentes libres” contestées par des oppositions poivoiristes. Ils se font souvent la guerre, orchestrent la montée xénophobe dans leur pays, instrumentalisent les colères populaires avec des arguties assaisonnées de sauces racistes, ethnicistes, chauvinistes et économiques. (A. Pérouse de MONCLOS, 1999 :15, N. ONISHI, 199 :23).

1.5  La manipulation des attentes ou colères populaires par xénophobie, guerre et/ou démarche technocratique, voire bureaucratique ne s’explique que par l’absence tout au moins la faiblesse de la participation citoyenne depuis la conception, l’exécution et le contrôle populaire du processus intégrateur. Elle s’explique aussi, en partie, par l’inexistence de la culture de l’intégration, dont la base et une dimension capitale sont la restauration de la conscience historique, en vue de la revitalisation de l’unité culturelle de l’Afrique (noire).

1.6  Or cette unité culturelle est sous ce rapport le chemin déroulé pour redécouvrir l’unité d’antan, faire tomber les barrières irrédentistes et chauvinistes, combattre les frontières artificielles étrangères, géographiques, linguistiques, économiques etc. le savoir actualisé de l’unité passée légitime et confortera alors la volonté normale d’intégration.

 

II.Essai de définition de la notion d’unité culturelle de l’Afrique (noire).

 

2.1  Mais donc, qu’est-ce que l’unité culturelle ? qu’en entendre ? qu’en attendre ? Question essentielle, car elle est un détour obligé pour la race, les nations, les peuples noirs et les Etats africains. Question complexe, car elle traine, en effet, quelque chose comme un impensé théorique sur la définition du concept même, l’unité culturelle ayant été réduite à une liste, prétendument limitative de nos avoirs. Cet impensé recèle, revêt et révèle une double rédhibition méthodologique. La premièreest la non-prise en compte concomitante de l’être et de l’avoir dans l’unité culturelle ; la seconde, l’approche unilatérale exclusive et statique de l’avoir. Question périlleuse enfin, parce qu’outre les vices de procédure méthodologique que voici, elle a deux pistes de réponse : l’une polémique, l’autre constructive.

2.2  La piste polémique est celle du maquis terminologique saturé de notions devant produire leur titre théorique et d’institutions à définir. Nous en énumérons vindicativement : l’âme noire, la personnalité africaine, la pensée négro-africaine, la philosophie africaine, l’identité culturelle, l’authenticité, la littérature orale, les spécificités culturelles africaines, les congrès panafricains, le festival panafricain, négro-africain au mondial des arts nègres, l’environnement et/ou l’ouverture, la tradition et/ou la modernité, le retour et/ou le recours au passé, aux sources etc. Cà c’est sur le plan culturel stricto sensu.

2.2.1 Au plan politique maintenant, on se rappellera utilement l’OUA, l’UA, le panafricanisme, le fédéralisme africain et le débat aporétique sur la voie africaine de développement, le nationalisme africain, le socialisme africain, le libéralisme planifié, le marxisme africain, le consciencisme, la révolution démocratique africaine etc.

2.2.2 Toutefois, un questionnement plus serré sur ce maquis terminologique aurait fait comprendre que la question de l’unité culturelle de l’Afrique noire procède de la problématique de l’identité culturelle négro-africaine.

2.2.3 Et que comme telle, elle est grosse d’une aporie, celle de l’impossibilité de penser l’identité sans l’altérité, l’unité sans la diversité, la particularité sans l’universalité et surtout l’instant sans le temps. On le voit, autant, la question est fondatrice autant elle a des dimensions dichotomiques d’allure manichéenne.

2.2.4 Or comme l’avait noté Ibrahim SOW : “Toute rencontre, surtout si elle est conflictuelle, dramatique, est essentielle parce qu’elle nous prédispose à nous tenir dans la proximité du propre et nous met en demeure dans le péril où l’on est de nous chercher, de nous apprendre, de nous retrouver. Ainsi, en est-il de la rencontre avec l’autre, l’étranger dans tous les sens de ce mot. La recherche de soi ne se justifie en somme que dans une situation de crise, de conflit et de bouleversement où l’être est mis en péril de se perdre. Se perdre ? Mais comment se perdre ? Est-il possible de perdre ce que l’on est soi-même ? A moins que cet “être” ne soit un “avoir” ? Comment perdre ce qui demeure ? Est-il possible que le même soit à retrouver ? Vouloir être  soi-même ne va pas de soi” (I.SOW, 1984 :28).

2.2.5 La question de l’unité culturelle comme toutes celles relatives à l’identité culturelle exigent, ainsi, pour un traitement scientifique deux précautions méthodologiquesLa première concerne la définition. La non-saisie scientifique de la notion autorise une répertorie laborieuse de nos avoirs. Et l’avoir ici privilégié au détriment de l’être légitime cette vue de SOW : “L’identité comme “l’être-avoir” pour ce qu’elle serait dans un avoir à faire être à manifester à la reconnaissance ce qui traduit l’homogénéité d’une expérience, d’une existence stable et se constituant à travers ses vécus” (I.SOW, 1984 :33).

Or le concept d’être”est plus fondamental, fondateur et dynamique. Il ne se laisse pas réduire à une simple quantification simpliste d’“avoirs” à compter. L’avoir, pris dans le sens de l’être, ne dépasse pas pour autant sa signification d’extériorité d’un quoi déterminé par rapport à ce qui est, au sujet, ou possédant. L’être, quant à lui, renvoie à lui-même, tandis que l’avoir renvoie vers un quoi d’un qui. Ainsi penser l’unité culturelle en terme d’avoir, c’est en fait interroger l’être en terme d’avoir, c’est renvoyer vers des “quoi” de “qui”, donc vers des faits signifiés, catalogués comme extériorité, étrangéité, altérité par rapport à soi.

2.2.6 Puis, ces “avoirs” pour essentiels qu’ils soient, sont inconnus, tout au moins méconnus dans leur être. Le tribut de ce vice méthodologique est que la question de la libération culturelle et du développement scientifique et technique de l’Afrique noire a été réduite à la quête infinie de l’identité tandis que celle-ci a été ravalée incorrectement à un inventaire limitatif de nos avoirs, de nos “valeurs culturelles”, naïvement en tout cas dangereusement sublimées et fossilisées.

2.2.7 Dans ces conditions nulle surprise que l’autre soit l’enfer, qu’autrui dans le voisinage soit dépeint comme le loup dans la bergerie, que l’étranger soit mêmement charmant et nauséabond, surtout que l’esclavage, la colonisation, voire le génocide, l’ethnocide, et la glottophagie aient été les armes du colon raciste.

2.3  La seconde précaution méthodologique concerne le contenu de l’unité culturelle de l’Afrique noire en tant qu’aspect particulier de l’identité culturelle. En effet, plusieurs facteurs font varier ce contenu. Le premier de ces facteurs est d’ordre géographique. L’unité culturelle est liée au terroir, au territoire, à la sous-région, à la région, au continent, bref à la territorialité, (cf. le panafricanisme continental de NKRUMAH, 1994). La race est une des facteurs définissant l’unité culturelle. Le Maghreb et le Machrech en sont alors, exclus. L’unité culturelle est ainsi noire, nègre ou négro-africaine. Elle est dans cette veine élargie souventes fois à la diaspora américaine-africaine, ou nègre en général. On parlera dans ce cas de panafricanisme négro-africain (DOUMBI, F et KONE, M. : 1 et 2).

2.4  Relativement au facteur social, le contenu de l’unité culturelle renverra aux ethnies, aux nations et aux communautés ethnoculturels et linguistiques, (DIOP, Ch. A, 1960, chap.X). la langue est, aussi, constitutive de l’unité culturelle pour certains chercheurs (DIOP, 1974 ; OBENGA, 1973). Des auteurs comme le prof KI ZERBO(1972) approchent l’unité culturelle à partir des périodes historiques. On remonte alors jusqu’à l’Egypte pharaonique, aux périodes précoloniales, coloniales et postcoloniales. L’unité culturelle est, par ailleurs, étudiée d’un point de vue chronologique. Elle serait à créer ou à recréer selon les penseurs. (DIOP, Ch. A. 1960 a, SENGHOR, L.S 1967).

2.5  Outre cette diversité de facteurs caractéristiques de l’unité culturelle négro-africaine, nous estimons exigibles trois conditions pour toute approche adéquate de l’unité culturelle. La première de ces conditions est la prise compte simultanée de l’être et de l’avoir. Sans cette concomitance, la définition va se réduire à la rédaction d’un almanach de nos traits distinctifs. On est, dès lors, conduit à nous définir sous le spectre de la différence, tétanisé par l’angoisse de ne pas ressembler, a fortiori être l’autre. Vivre en somme comme complexé culturel, voire existentiel ! Les très nombreux critiques de la négritude et ses avatars F.FANON, M. (TOWA, 1971 ; P. DIAGNE, 1969 ; S.K.S. ADOTEVI, 1972 ; B. SINE, 1975 ; A. LY, 1982 ; G. D’ARBOUSIER, 1949 ; CL. KAMITATU, 1975) l’ont suffisamment démontré. La deuxième des trois conditions est la double approche synchronie et diachronie. Car notre unité culturelle a été, est et sera en devenir et variera selon le contexte. A chaque étape, elle est (re) mise en perspective. La dernière condition devient, de ce fait, la conviction et l’option d’aborder la problématique de manière dynamique et non statique, provisoire et non définitive, indicative et non limitative, partielle et non globale et donc de manière diachronique et dialectique : (TOWA, 1982 : 30-36 ; MBEMBE, A, 2000 : 16-43).

2.6  La piste constructive, parce que féconde et fécondante, est celle de la position et de la résolution de la question sur la base de l’aire culturelle dans le respect des trois conditions. (Supra. 2.4). En effet, la notion d’aire culturelle nous parait pertinente pour cerner l’unité culturelle. Elle correspond mieux aux réalités ethnoculturelles, socioculturelles et culturelles historiques et géographiques africaines. Elle est opératoire, par ailleurs, parce qu’elle permet la division réellement existante de l’humanité en ”trois berceaux’‘ (méridional, nordique et une zone de confluence) selon le prof Cheikh. A. DIOP. Il faut, toutefois, rappeler ces mots d’une importance heuristique et éthique de ce penseur émérite : “jusqu’ici les traits que nous avons hérités du passé sont ceux-là même que nous avons analysés dans l’unité culturelle de l’Afrique Noire, bonté, gaîté, optimisme, sens social etc…, et ce bref exposé montre qu’ils n’ont rien de figé ou de permanent mais qu’ils changent avec les conditions. L’Afrique commence à connaitre des consciences fortement individualisées, avec les conséquences habituelles. Comment donc expliquer le sentiment d’identité culturelle à travers ce changement permanent ? quels sont les invariants psychologiques et culturels que les révolutions politiques et sociales même les plus radicales laissent indemnes non seulement chez le peuple, mais aussi chez les chefs même de la révolution ?” (DIOP, 1981 : 280).

Il faut ajouter qu’à l’intérieur des berceaux, on retrouve les régions ; à l’intérieur des régions, des sous-régions. C’est ce qui permet, par ailleurs, d’identifier dans un pays ou un ensemble de pays des communautés ethnoculturelles et linguistiques et de définir des éléments de convergence par-delà les différences, voire les divergences.

2.7  Lesdites communautés ethnoculturelles et linguistiques débordent très souvent sur les frontières artificielles et peuvent fonder le développement régional solidaire, intégré et intégral sur la base de la spécification, de la spécialisation et de la mise en synergie des “régions homogènes”, des “régions polarisées” et des “régions-plan”.(BOUDEVILLE, J ; DIOP Mme veuve Louise. Marie, 1982 : 142).

A titre indicatif et illustratif, le Mali a pu être divisé entre aires culturelles de manière incitative (TOE, R. et alii ; TOE, 2000).

Enfin, la notion d’aire culturelle fait tomber les différences apparentes, les divergences injustifiées, les différends inacceptables, les guerres bêtes pour (re) mettre à jour la parenté fossilisée, les convergences structurantes méconnues ou inconnues et les identités ignorées entre les communautés ethnoculturelles et linguistiques, les cultures, les langues, les peuples et les nations de l’Afrique noire à travers le temps et l’espace. “Dès lors, quel doit être  le comportement d’un Africain conscient ? Il doit se dégager de tout préjugé ethnique et acquérir une nouvelle fierté : la vanité d’être Valaf, Toucouleur, Bambara etc… doit faire place à la fierté d’être Africain, tant il est vrai que ces cloisons ethniques n’existent que par notre ignorance” (DIOP, 1979, T.II : 504).

 

III. Essai de définition de la notion d’aire culturelle

 

3.1  Mais donc, qu’est-ce qu’une aire culturelle ? Quels en sont les éléments constitutifs ? Quelle combinaison de ces éléments ? Quelle efficacité et efficience pour l’aire culturelle dans la construction de l’avenir de l’Afrique fédérée ?

Outre les facteurs caractéristiques, déjà présentés (2,2.3), cinq éléments sont précisément constitutifs d’une aire culturelle. Ce sont : l’espace territorial, l’environnement et le mode d’existence sociale, l’expérience historique, la pensée, enfin le sentiment d’appartenance à une même aire et la parenté culturelle.

Ces éléments peuvent faire l’objet de combinaison voire d’une analyse combinatoire. Le séminaire commun de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et du Centre d’Etudes linguistiques et Historiques par Tradition Orale (CELHTO) organisé à Niamey du 7au 11 Décembre 1981, sur le thème Politique culturelle et unité africaine (cf. Résolution finale, inédit 9p.) a défriché le terrain. Nous estimons qu’à ces éléments, il faut ajouter et en bonne place la langue, donc la famille et le groupe linguistique (HOMBURGER L. 1957 ; DIOP. Ch. A.1977 et 1988 ; OBENGA, 1973 et 1993 ; HOUIS, M ; 1959 etc).

Au total, on peut dire qu’une aire culturelle est la somme mais surtout la résultante dynamique et multidimensionnelle, plurimillénaire et fonctionnelle de facteurs objectifs (l’environnement et le mode d’existence sociale, l’espace territorial) et subjectifs (l’histoire, la pensée et la conscience historique), à travers le temps.

3.2  La définition que voici a, nonobstant,  besoin pour être complète d’intégrer quatre remarques. La première est que l’aire culturelle est le reflet du moment, du mouvement permanent. Il y a, donc, utilité et nécessité de s’inscrire dans la longue durée ainsi que l’enseigne Ferdinand BRAUDEL, Cheikh Anta DIOP (1923-1986) et Théophile OBENGA. La deuxième remarque est qu’il n’est pas nécessaire que tous les éléments constitutifs soient réunis pour que l’aire culturelle existe.

Il y a entre les éléments constitutifs de l’aire culturelle des relations dialectiques et complémentaires. Plus que le résultat, l’aire culturelle est une résultante. La troisième est qu’autant les aires culturelles ne sont pas tenues par des Tata de Sikasso, autant en chaque aire culturelle, il se présente des zones de spécificités culturelles, convergentes ou divergentes. La dernière remarque est qu’aucun élément constitutif de l’aire culturelle n’est seulement et à priori déterminant. Car en fonction des aires culturelles et du moment, tel facteur devient plus décisif ou ce sont les différentes combinatoires qui le deviennent.

3.3  Ceci dit nous proposons de nommer quelques aires culturelles à titre exemplatif : arabo-berbère, manden, bantu etc. Jacques MAQUET, en ce qui le concerne,  a distingué dans les civilisations noires africaines la civilisation de l’arc, la civilisation des clairières, la civilisation des greniers, la civilisation de la lance, la civilisation des cités et la civilisation des industries (1962, 319p.). Au Mali, on pourrait évoquer les aires suivantes : manden, Beledougou, Wasolon, Khasso, djitoumou, kenedougou, seno, kingui, issa-ber, azawad, Kaarta etc. Toutefois, en dépit de leur nombre élevé, de la diversité de leurs critères de constitution et de la variété des approches développées par les auteurs (DIOP, Ch. A. 1980 : 43-55) sur la délicate question des aires culturelles, il faut convenir que les aires culturelles négro-africaines sont essentiellement apparentées parce que provenant tutti quanti procédant du bassin nilotique.

3.4  Aussi, se fonder sur l’unité culturelle à travers les aires culturelles pour réaliser l’unité africaine, revient-il-à ‘‘remembrer l’Osiris africain’‘ (KI ZERBO, 1986), à rechercher les différents, voire divergents morceaux pour les récoler et à retrouver au-delà des vicissitudes de temps et de l’espace, de l’exogène et de l’endogène les invariants fondamentaux et fondateurs, ceux-là qui font ce que nous sommes et non autre ou autrui.

Partir des aires culturelles c’est donc recréer l’unité de l’Afrique par une voie sûre. Bref la prise en compte des aires culturelles est le socle le plus évident pour la réalisation de l’unité fédérale de l’Afrique noire sur des critères endogènes ancrés.

3.5  Or à notre goût, l’emphase a été surtout mise sur les critères économiques et politiques. Mais Boubou HAMA (1966, 566 p), Frantz FANON (1952 et 1961), Cheick Anta DIOP (1948, 1977, 1978 et 1984), et à sa suite la jeune école d’Egyptologie et d’histoire des civilisations négro-africaines, le courant panafricaniste qui s’en réclament, ont montré que l’unité culturelle est une solide garantie et un chemin éprouvé pour l’unité fédérale du continent africain. La claire conscience de notre parenté culturelle génétique renforcera notre foi panafricaniste et affaiblira l’ethnocentrisme et le chauvinisme. Nous comprendrons réellement nos différences mineures. Les préjugés s’effondrent. Les divergences s’aplanissent. Les faux problèmes ne divertiront plus. Entre autres faux problèmes, nous citons les conflits frontaliers, les oppositions linguistiques et autres.

 

IV-L’ unité politique à partir de l’unité culturelle :

4.1 Comment alors réaliser l’unité politique à partir de l’unité culturelle ? Comment (re) prendre conscience de l’unité culturelle de l’Afrique Noire pour réaliser l’unité fédérale ?

Signalons tout d’abord que “les fondements” économiques, politiques et sociaux ne sont pas peu importants et structurants. Cependant les facteurs culturel, historique et linguistique devront être sérieusement pris en compte tant au niveau de la conception que de l’exécution des actions intégratives. La recherche et la production scientifiques et l’enseignement doivent concevoir, vulgariser et former dans ce sens. Les mouvements, associations, organisations contribueront alors avec les partis à la désétatisation du débat sur le projet fédéral et à sa réalisation.

La restauration de la conscience historique (nationale et/ou panafricaine) est de nature à consolider, animer et populariser le processus intégrateur africain. Il faut certes une réelle volonté politique d’unité, mais celle-ci a besoin d’être informée et formée par notre parcours historique. La volonté politique favorisera et coordonnera tous les efforts de promotion de la conscience historique restaurée, et servira de fondation, d’argument et d’arme pour construire l’unité fédérale.

 4.2 Car la volonté politique d’unité se fondera sur trois nécessités :

  1. a) Nécessité d’une politique culturelle, nationale et démocratique ;
  2. b) Nécessité d’une politique de développement national, républicain et endogène tant par l’orientation que par la finalité articulée autour de notre histoire et de nos cultures
  3. c) Enfin la nécessité de lier structurellement culture et développement scientifique et technique.

En effet, c’est consciemment et méthodiquement que nous nous unirons ou périrons.

4.3. Pour ce faire, on prendra utilement trois dispositions. Tout d’abord la recherche, la vulgarisation et l’enseignement de l’histoire et des cultures nationales devront devenir une activité nationale et continentale. Ensuite, la recherche linguistique, la promotion de l’enseignement des langues et cultures nationales seront la colonne vertébrale des programmes d’enseignement d’éducation et de formation. Enfin, il faudra une école de type nouveau (démocratique, patriotique et performant) tant dans sa structure, son contenu, son fonctionnement, son financement que dans ses finalités.

4.4. Tout cela est impossible sans Etats démocratiques, anti-impérialistes et populaires faisant absolument confiance aux masses laborieuses, confiant leur destin à l’intervention consciente et décisive du peuple travailleur et n’ayant comme seule boussole et unique baromètre que les intérêts des populations.

4.5. En manière de conclusion et d’éloge pour les ancêtres du futur, trois convictionsnous paraissent, ici, incontournables. La première est énoncée par le professeur Cheick Anta DIOP en ces termes : “la révolution africaine passera par la rénovation des langues nationales” (DIOP, 1973 : x). Or (et c’est cela la deuxième conviction) sans la restauration de la conscience historique, la rénovation des langues nationales et la revitalisation de l’unité culturelle plurimillénaire, et multidimensionnelle, donc sans socle socioculturel et historique, l’unité africaine sera compromise avec tous les risques. Surtout que “D’une part les frontières réelles n’épousent ni les configurations officielles, ni la cartographie héritée de la colonisation. D’autre part, la disjonction entre territorialités économiques, territorialités politiques, culturelles et symboliques s’accélère. Le déphasage et l’emboitement d’une multiplicité de principes et de normes constituent désormais la règle. Du coup, c’est aux interstices que se déroule, à présent, le gros de l’action historique. Or l’occupation des interstices ne s’effectue pas sans violence” (MBEMBE, A. 2000 : 43). Ces violences ne doivent-t-elles être prévenues ?

La troisième conviction coule de source dès lors : l’Afrique ne sera victorieusement rebelle à la mondialisation néolibérale qu’en restaurant la conscience historique des peuples africains et en se dotant d’un Etat fédéral démocratique et d’essence populaire.

Bref, démocratie, conscience historique et unité. Il n’ya donc pas (du tout) d’intégration sans enracinement de la culture de l’intégration, sans revitalisation des aires culturelles. Ainsi l’unité culturelle donne à l’unité fédérale sa dimension diachronique et architectonique.

I.LIVRES

  1. ADOTEVI, S.S.K. Négritude et Négrologues. Paris, Union Générale des Editions, Coll. ” 10/18 “, 1972.
  2. BOUDEVILLE, J. Les espaces économiques. Paris, PUF,
  3. DIAGNE, P. La négritude au festival d’Alger. SAC-SEN ; Dakar, 1969,
  4. DIOP, CH.A.
  5. a) Nations nègres et culture. Paris, Présence Africaine, 1979, Tome II, p.504.
  6. b) L’unité culturelle de l’Afrique noire. Paris, Présence africaine, 1959, 203 p
  7. c) L’Afrique noire précoloniale, 1960, Paris, Présence africaine Chap. IX.
  8. d) Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral d’Afrique Noire. Paris, Présence africaine, 1960, 124 p.

e)Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et les langues négro-africaine modernes. Dakar, IFAN/ NEA, 1977, 407 p.

  1. f) Civilisation ou Barbarie ? Anthropologie sans complaisance. Paris, Présence africaine, 1981, p.280
  2. g) Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues négro-africaines modernes. Paris, Présence africaine, 1988, 221 p.
  3. h) “Préface” à l’Afrique dans l’antiquité de Théophile OBENGA, Paris, Présence africaine, 1973, p IX.

i)“Comment définir l’identité culturelle ?” Séminaire sur l’Identité culturelle, organisé par l’UNESCO. Paris, novembre 1977 in l’affirmation de l’identité culturelle et la formation de la conscience nationale dans l’Afrique contemporaine. Coll. Introduction à la culture africaine 5, UNESCO.

  1. j) “Pour une méthode d’approche des relations interculturelles” [pp.84-90].séminaire sur Relations interculturelles organisé par l’UNESCO. Paris, 21-22 mars 1978 in Introduction aux études interculturelles. Esquisse d’un projet pour l’élucidation et la promotion de la communication entre les cultures.1976-1980.
  2. k) “Pour une méthodologie de l’étude des migrations” [pp97-121.], rapport à la réunion d’experts sur thème Ethnonymes et toponymes africains, organisé par l’UNESCO. Paris, juillet 1978. In Ethnonymes et toponymes Histoire générale de l’Afrique. Etudes et documents 6. UNESCO. Paris, 1984.
  3. l) “Analyses critique des différents critères ou paramètres retenus par les spécialistes pour définir les aires culturelles africaines.” [pp.43-55] Réunion d’experts de l’UNESCO sur les spécialités et les convergences culturelles dans les différentes zones de l’Afrique au sud du Sahara. Accra (Ghana), 18-22 février 1980 in les spécificités et les convergences culturelles dans les différentes zones de l’Afrique au sud du Sahara.Coll. Introduction à la culture africaine 7.
  4. DIOP, Mme veuve. M.L : Université et Développement solidaire (ouvrage collectif). Paris, Berger-Levrault, 1982, p.142.
  5. DOUMBI, F et KONE, M. Le guide du panafricanisme.
  6. FALL, E.M. L’œuvre politique de Cheikh Anta DIOP. Dakar, Edition du CESTI, 1996, 71p.
  7. FANON, F
  8. a) Peaux noires, masques blancs. Ed.Seuil, 1952, 239 p
  9. b) Les damnés de la terre. Paris, Ed Maspero, 1961, 235 p.
  10. HAMA, B. Enquête sur les fondements et la genèse de l’unité africaine. Paris, Présence africaine, 1966, 566 p.
  11. HOMBURGERles langues négro-africaines et les peuples qui les parlent.Paris, Payot, 1957, 343 p.
  12. KAMITATU, CL. La grande mystification au bord fleuve Congo. Paris Ed. Maspero,
  13. LY.A. Feu la Négritude (notes sur une idéologie néocoloniale). Dakar, Ed Xamle, 1982, 87 p.
  14. MAQUET, J. Les civilisations noires. Paris, Marabout Université, 1962, 319 p
  15. N’KRUMAH, K. L’Afrique doit s’unir. Paris, Présence Africaine, 1994, 256 p.
  16. OBENGA, Th.
  17. a) L’Afrique dans l’antiquité. Egypte ancienne et Afrique Noire. Paris, Présence Africaine, 1973, 448 p.
  18. b) Origine commune de l’égyptien ancien, du copte et des langues négro-africaine modernes. Paris le Harmattan,1993 p.
  19. OUA/ CELTHO : Rapport final du Séminaire “politique culturelle et unité africaine”.Niamey, janvier 1982, document ronéo, 19 p.
  20. SENGHOR, LS les fondements de l’africanité ou négritude et Arabité. PARIS, présence africaine, 1967, 108 p.
  21. SINE , B. Impérialisme et théories sociologique du développement. Paris, Ed. Anthopos, 1975, 396P.
  22. TOURE, A.S : Négritude et 5e colonne. Conakry, Imprimerie nationale Patrice LUMUMBA, 1eredition juillet 1971. Nouvelle édition 1972, 376p.
  23. TOE, R. Journées de réflexion sur la problématique de l’insertion des autorités et institutions traditionnelles dans la démocratie locale.Juin 2000, document ronéo, 22p.
  24. TOE, R. et alii. SYNTHESE du rapport final sur la problématique de de l’insertion des autorités et institutions traditionnelles dans le nouveau contexte démocratique au Mali. MDR/US-AID document ronéo, 48p et 33p d’annexes.
  25. TOWA.M Léopold SEDAR SENGHOR: Negritude ou servitude?. YAOUNDE, Ed. Cle, 117p.

II.ARTICLES

  1. D’ARBOUSIER, G “Négritude, une pure mystification” in Revue La pensée, 1949,
  2. Diop Ch. A. ” Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ?” in Paris le Musée vivant, n° spécial 36-37, novembre 1948, pp-5765.
  3. DE MONCLOS, A. P “L’Afrique rejette ses propres immigrés” in le Monde diplomatique, n° 549, décembre 1999, p.15.
  4. DIAKITE, D. “Le manden : une langue d’intercommunication ethnique en Afrique de l’ouest” in BINNDI E JANDE, n°7 ,1er semestre 1982, pp. 21-26.
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  12. Source: Journal Aujourd’hui Mali
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