Notre conviction est qu’il faut transformer le Mali au niveau de ses structures politiques et sociales artificiellement édifiées dans l’intérêt d’une classe politique corrompue et capricieuse et une soi-disant communauté internationale qui continue à traumatiser notre pays. Il faut un changement profond dans les politiques de gouvernance de notre pays pour faire émerger un système politique meilleur, nourri des valeurs et des structures sociales et culturelles maliennes. Cependant, nous nous posons la question de savoir quel diable a soufflé l’idée d’un redécoupage territorial inefficace à nos Institutions et pour quelle raison ou pour atteindre quel objectif ?
Nous voyons en premier lieu une habile manœuvre de nos institutions qui cherchent à calmer les attentes de certains chefs de tribus et à montrer à la communauté internationale que la décentralisation est en route puisque c’était aussi une exigence de “l’accord de paix”.
Le premier redécoupage a été lancé au moment de la mise en place des autorités intérimaires avec de nouvelles régions, en particulier Ménaka. Nous savons tous que cette réorganisation n’a point été une avancée dans le processus de paix et le bien être des Maliens. La multiplication des autorités ne fait que compliquer la prise des décisions. Il y a certes un gouverneur à Ménaka. Cependant, qui dirige réellement cette région? L’alliance MSA-GATIA, quand ce ne sont pas la MINUSMA et la Force Barkhane qui conduisent leurs opérations indépendamment de toute autorité civile ou militaire malienne? Nous avons connu dans cette région une recrudescence importante des combats, en particulier, fratricides. Notons aussi que les affrontements n’ont jamais cessé dans la région de Kidal.
Avec 10 régions, la décentralisation était jouable encore que la région de Taoudenit soit une création inutile. Avec 20, c’est une autre paire de manche. Il ya évidemment trop de disparités entre les régions envisagées. Certaines, au sud par exemple, sont surpeuplées par rapport à d’autres qui ne sont pas viables tant au niveau géographique, des ressources humaines que de leur économie. Le projet avec 20 régions manque de cohérence. Une fois de plus, nous constatons que nos institutions sont impuissantes en face de questions dont l’échelle et la complexité les dépassent.
Quant à la répartition des cercles, c’est une aberration. Nous constatons l’attribution de 8 cercles à certaines régions qui sont pourtant vident en population tandis que d’autres régions surpeuplées n’ont que 4 cercles. Il est évident que le projet sous cette forme fait grincer des dents: pour certains c’est une désintégration annoncée et programmée du Mali et un grand pas vers le fédéralisme et à terme la partition. C’est un risque à prendre en compte.
Dans certaines zones du Nord où les affrontements sont fréquents entre ethnies, entre tribus voire entre fractions ou clans, ce projet peut engendre un regain de combats. Au centre, véritable mosaïque de peuples, les tensions actuelles ne sont pas prêtes de s’apaiser.
Kidal devait pourtant servir exemple quand à la difficulté de mettre en œuvre une décentralisation coercitive. Le gouvernement a transféré la gestion des services publiques; seulement, les ressources ne suivent toujours pas. Toujours à Kidal, comme d’ailleurs au centre, on note l’absence des cadres administratifs et des fonctionnaires pour d’évidentes raisons d’insécurité en l’absence des forces de sécurité et de défense nationale. C’est la loi de la jungle qui domine et les affrontements inter-communautaires et entre groupes armés même signataires de l’accord de paix sont fréquents.
Multiplier le nombre de régions et de cercles et mettre en œuvre une décentralisation non démocratique exigée par les instances internationales c’est mettre en place de nouveaux fonctionnaires et davantage de moyens pour que la région fonctionne. Reste à savoir qui financera ce projet diabolique alors que les enseignants sont mal payés et que des corps de métier comme celui des magistrats réclament des augmentations salariales que l’Etat ne peut accorder, que les employés de la Présidence manquent de carburants, etc…?
Ce redécoupage inefficace, coercitif, non démocratique, non-adaptable et détaché de toute réalité remet surement en cause la cohésion sociale dans notre pays. Les institutions misent en place par des politiques déconnectés de la vie sociale réelle ne se soucient plus d’intégrer les besoins réels des populations dans les programmes politiques et économiques appropriés et de les exécuter concrètement en faveur de ces mêmes populations. Ces mêmes institutions politiques peinent à répondre aux besoins et aspirations de notre peuple. C’est donc tout à fait logique qu’il ait une fronde contre le système de gouvernance en place parce que les citoyens voient bien que ses valeurs et principes n’exprime point l’identité de notre société. Il est juste d’affirmer aujourd’hui que la gouvernance malienne est en crise.
Cheick Boucadry Traoré