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Uhuru Kenyatta : « Depuis le début, la CPI a fait fausse route »

Contrairement à son homologue burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, pour lequel aucun membre du gouvernement ne s’était déplacé à l’aéroport, le président kényan Uhuru Kenyatta a eu droit, à Paris, à tous les égards. Réception avec les honneurs à l’Elysée, mais aussi à l’Hôtel de Brienne, au Medef, à la Direction générale de la sécurité extérieure. Il a ensuite passé en revue les troupes aux Invalides – accompagné certes de Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, et non du plus prestigieux ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, comme le clamait son compte Twitter.

ancien president Uhuru Kenyattaa

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C’est la première fois en quatorze ans qu’un président kényan se rend en visite officielle en France. La dernière remonte à septembre 2002, entre Jacques Chirac et Daniel Arap Moi, qui effectuait alors sa tournée d’adieu, quelques semaines à peine avant de quitter le pouvoir. Mais bien loin de dire « au revoir », mercredi, Uhuru Kenyatta, 54 ans, dont trois passés à la tête du Kenya, peut savourer une attention renouvelée de la France pour son pays ainsi qu’une autre victoire, qui s’est jouée à 470 km plus au nord, à La Haye.

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Dans cette ville des Pays-Bas, la Cour pénale internationale (CPI) a tranché, mardi, dans le procès du vice-président kényan, William Ruto, poursuivi pour « crimes contre l’humanité », et accusé, comme le fut M. Kenyatta, d’avoir orchestré les violences post-électorales en 2007 et 2008 qui ont causé la mort de plus de 1 200 personnes et le déplacement d’au moins 600 000 Kényans.

Kenyatta adoucit sa position sur la CPI

Malgré de lourds soupçons d’entrave au fonctionnement de la justice, William Ruto a bénéficié d’un non-lieu. « Depuis le début, la CPI a fait fausse route, a déclaré M. Kenyatta lors d’un entretien accordé auMonde mardi. En dépit des accusations, nous avons collaboré avec la CPI, respecté le processus. Nous avons démontré que nous sommes un pays de droit. »

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L’heure est donc à l’apaisement. Le président kényan avait pourtant fait adopter en février une résolution à l’Union Africaine en faveur d’un retrait collectif de la CPI, une initiative applaudie par nombre de ses homologues africains. La colère semble s’être estompée. M. Kenyatta préconise désormais une « réforme de la CPI en faveur d’un renforcement des juridictions nationales ».

« Vous ne parlez plus de retrait ?

– C’est une question que doit trancher l’assemblée nationale kényane. Ils sont en colère contre la CPI et tout son processus [juridique]. On verra quelle décision ils prendront. »

Visiblement enchanté du non-lieu dont a bénéficié William Ruto, le président kényan a ajouté, non sans malice : « Ils sont arrivés aux mêmes conclusions que celles que nous leur avions indiquées il y a sept ans. En tant que nation, nous avons entrepris un processus de guérison, de réconciliation. »

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Celui qui a été accusé d’avoir financé, armé et organisé de sanguinaires milices kikuyu est aujourd’hui occupé par la « lutte contre les djihadistes » du groupe Al-Chabab, allié à Al-Qaida, et responsable des attaques du Westgate (2013, 67 morts) et de Garissa (2015, 147 victimes). Réhabilité aux yeux de la communauté internationale, Uhuru Kenyatta se présente désormais comme un partenaire indispensable de la lutte contre le terrorisme. Sa préoccupation est avant tout la frontière poreuse entre son pays et la Somalie, longue de 682 km.

La déliquescence de l’Etat somalien, où l’élection présidentielle est censée se dérouler cette année, constitue une menace sécuritaire majeure pour le Kenya, première puissance économique d’Afrique de l’Est. Bien qu’affaibli, le groupe terroriste somalien, Al-Chabab multiplie les attentats, conserve une capacité opérationnelle et des ressources financières. « Les finances des Chabab proviennent en partie du Kenya, nous le savons, et nous luttons contre cela. Mais ils ont aussi des soutiens étrangers de membres d’Al-Qaida et s’adonnent au racket, aux trafics dans des zones qui échappent à tout contrôle », précise le président kényan.

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Le chef de l’Etat kényan a annoncé un renforcement des contrôles le long de la frontière avec la Somalie, et promet l’usage d’outils technologiques pour la sécuriser. Quid du déploiement d’éléments des forces spéciales jordaniennes et britanniques, comme l’évoque la presse arabe ? « Aucun soldat étranger ne marchera le long de nos frontières, tranche le président kényan. Les Jordaniens et d’autres seront actifs dans la formation et l’entraînement de nos soldats. »

« Et qu’attendez-vous de la France ?

– La même chose que la France attend de nous : une coopération sécuritaire renforcée et un échange de renseignements sur les groupes terroristes africains. »

Quand la France courtise l’Afrique anglophone

Inquiet d’une diminution de l’influence de la France en Afrique, François Hollande mise sur des pays anglophones et lusophones à forte croissance. A commencer par le Nigeria, première puissance économique d’Afrique, où il retournera prochainement. Mais aussi le Kenya. « Il n’y a pas pour nous une Afrique qui serait regardée comme francophone et une autre qui nous serait étrangère », a déclaré François Hollande lors d’une conférence de presse commune avec le chef de l’Etat kényan, lundi, à l’Elysée. Et ce, avant la signature de cinq accords de financement de la France à des projets kényans pour un montant de 250 millions d’euros, essentiellement dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures.

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Les échanges entre la France et le Kenya décollent : le commerce bilatéral a atteint 280 millions d’euros en 2015, selon les chiffres des douanes. Les exportations françaises dans le pays ont progressé de 27 % en 2015 par rapport à l’année précédente, pour atteindre 186 millions d’euros. Mais Paris n’est que le sixième partenaire de Nairobi.

Le Kenya entretient son image de leader économique africain, en pointe sur les nouvelles technologies, et tente de faire oublier une corruption qui gangrène l’économie et l’administration. Selon un rapport publié cette année, à peine 1 % des dépenses du gouvernement répondent aux règles comptables. Le Kenya est le 139e pays le plus corrompu au monde sur 175, selon Transparency International.

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Et le pays souffre de difficultés économiques. Le FMI a abaissé sa prévision de croissance pour le pays de 6,8 % à 6 % pour 2016. La principale compagnie aérienne, Kenya Airways, a accusé en 2015 des pertes records de 230 millions de dollars. La dette publique a franchi le seuil inquiétant des 50 % du produit intérieur brut. Et, depuis 2005, la part des exportations dans le PIB ne cesse de diminuer, selon un rapport étayé de la Banque mondiale publié en mars.

Les incertains grands projets de Kenyatta

M. Kenyatta a fait un rêve : faire du Kenya une puissance pétrolière. Le pays a découvert en 2012 pour 600 millions de barils de gisement pétrolier dans la région du Turkana, dans le nord du pays. Un dessein que n’a pas altéré la dégringolade des cours de l’or noir, et l’inquiétante diminution des activités d’exploration dans le pays. « Nous produirons du pétrole en 2021 et nous pensons qu’il sera possible d’avoir de bons retours sur investissements », affirme-t-il, alors que beaucoup d’experts ne jugent plus le pétrole kényan rentable.

L’autre projet phare d’Uhuru Kenyatta s’appelle le Lappset, acronyme de Lamu Port Southern Sudan Ethiopia Transport Corridor, désignant un gigantesque corridor pétrolier qui devra relier à terme relier les champs pétroliers ougandais, kényans et sud-soudanais au port de Lamu, sur la côte de son pays.

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Sauf que l’Ouganda, qui possède les plus grosses réserves de pétrole et souffle le chaud et le froid depuis l’été dernier, hésite sur le tracé d’un futur pipeline particulièrement stratégique. Le chef de l’Etat ougandais, Yoweri Museveni, a signé un accord avec la Tanzanie pour la construction d’un pipeline qui reliera les champs pétrolifères ougandais exploités par Total au port tanzanien de Tanga, en contournant le Kenya.

« Nous pouvons construire notre propre pipeline, mais je pense qu’il est préférable qu’il n’y en ait qu’un. Donc nous négocions actuellement avec l’Ouganda et la Tanzanie pour intégrer le Kenya au projet », glisse M. Kenyatta, qui table sur un très optimiste achèvement des travaux du port de Lamu en 2018. La confusion sur les côtes kényanes profite au concurrent Djibouti, 1 600 km plus au nord. « Plus on fait pour augmenter l’accessibilité aux côtes pour les pays dépourvus d’accès à la mer, mieux c’est, conclut le président kényan. Ces ports ne sont pas en compétition mais sont complémentaires. Le marché est assez grand pour que tous ces ports existent. »

Après la France, Uhuru Kenyatta s’est envolé pour l’Allemagne. Un pays certes moins important du point de vue sécuritaire, mais plus stratégique encore au niveau économique : en 2014, les exportations de Berlin vers le Kenya étaient deux fois supérieures à celles de Paris.

Source: lemonde

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