Interdiction de déploiement de la centaine de soldats danois de la force Takuba engagée dans la lutte contre le terrorisme. Ordre d’expulsion sous 72 heures de l’ambassadeur de France, Joël Meyer, accusé de tenir des réunions secrètes dans le but de renverser le gouvernement malien. Demande de départ de la France à qui les autorités de la transition reprochent un «abandon en plein vol» du Mali. Et maintenant la dénonciation des accords de défense avec la France et ses partenaires. Quelques épisodes chauds de la série à succès sur les rives du Djoliba et qui, pourrait bien porter comme titre «Turbulences sur la ligne Bamako-Paris».
En attendant, la suite des événements n’augure d’aucune baisse de tension, et pourrait même être davantage tumultueuse, compte tenu de la radicalité de positions des uns et des autres. En tout cas, pour faire la place nette à sa nouvelle dulcinée, la société de sécurité privée russe Wagner, le Mali et ses dirigeants militaires ne se fixent aucune limite. Et tous les subterfuges leur sont bons et mis outrancièrement à profit par eux pour se tailler une transition sans fin.
Cela ne fait plus l’ombre d’un doute que pour dresser la tente de Wagner, le colonel Assimi Goïta et ses ouailles sont prêts à tout. Pourtant, leurs nouveaux hôtes qu’ils ont longtemps habillés de la vareuse d’instructeurs de l’armée russe, partout où ils ont trainé leur bosse, ont été accusés des pires violences sur les populations civiles, ce qui, du reste, semble constituer leur marque de fabrique. Au Mali, leur réputation semble avoir suivi les «Wagner Boys» comme l’ombre se déplace avec le corps. Plusieurs communautés au Mali ont affirmé avoir été victimes des exactions des ces hommes, actes régulièrement dénoncés par des organisations de défense des droits de l’homme.
Est-ce donc pour que ces crimes, mis à l’index par les populations et les structures de protection des droits humains, se déroulent à huis-clos, sans le moindre témoin extérieur, que les autorités de la transition malienne sont engagées dans un nettoyage systématique au profit de Wagner? D’ailleurs, plusieurs organes de presse, dans cette logique en sont réduits à faire la propagande de la junte militaire, à moins d’être contraints au silence comme RFI et France 24 qui sont devenus des médias non grata au Mali.
Ainsi donc, les Français sont chassés avec injonction de délai, d’un pays qu’ils ont essayé d’extirper, il faut le reconnaître sans succès, des griffes de terroristes sans état d’âme. Or, ce fut au prix fort pécuniaire et surtout du sang de 58 de ses militaires, morts dans le Sahel, et de deux de ses brillants journalistes, en l’occurrence Ghislaine Dupont et Claude Verlon, que la France a mené ce combat sur des années. Les Français paient pour avoir osé dénoncer, images de drones à l’appui, le complot de charnier qui a été mis sur le dos des soldats de Barkhane, et sont désormais accusés d’«atteintes flagrantes» à la souveraineté nationale, de «multiples violations» de l’espace aérien malien et d’«insuffisances graves» dans la conduite de la coopération militaire.
Question: quelle sera la prochaine étape de la dégradation inexorable des relations entre les deux pays en conflit? En tout cas, la zone de turbulences s’éternise bien sur la ligne Bamako-Paris.
Par Wakat Séra