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Tribune/ l’ancien Premier Ministre, Moussa Mara s’interroge : qu’avons-nous fait de nos soixante ans ?

Que pouvons-nous rectifier pour nos cent ans ?

En ces temps troublés, il est souhaitable d’éviter les comparaisons ou d’évaluer les régimes et les Présidents qui se sont succédé à la tête du Mali pendant les soixante dernières années, si l’on veut faire une analyse productive de ce qui s’est passé depuis l’indépendance. La comparaison des régimes ouvrirait indubitablement de vieilles blessures et monopoliserait inutilement le débat. Tant est qu’au Mali, nous avons malheureusement pris l’habitude de remplacer les débats d’idées par des querelles de personnes !

 

Ce qui serait plus utile est de mettre l’accent sur les faiblesses structurelles que nous n’avons pu corriger en soixante ans. À celles-ci, il convient d’ajouter les défis actuels qui complexifient les équations nombreuses auxquelles notre pays fait face. Cela nous permettra ensuite de tracer les voies stratégiques que nous devons emprunter pour qu’en 2060, au moment où le pays fêtera ses cent ans, les Maliens vivent mieux qu’aujourd’hui, plus sûrs d’eux-mêmes et davantage confiants en l’avenir.

Ce que nous n’avons pu changer en soixante ans

Quatre faiblesses structurelles sont demeurées à travers les six décennies du Mali indépendant.

La première est l’incapacité de l’État à répondre aux diversités ethniques, religieuses, territoriales et philosophiques des Maliens. Il suffit de regarder la carte du pays pour se rendre compte que c’est un pays fortement hétérogène, de rencontre et de métissage. Il n’est pas possible de gérer un pays aussi divers de manière uniforme. Les réalités vécues par les Maliens sont fort différentes, leurs cultures et traditions également. La forme étatique choisie, son organisation et ses modalités de fonctionnement ne sont pas adéquates. Cela crée des chocs depuis 1960 et en créera encore à l’avenir.

La seconde faiblesse structurelle de notre pays est son administration dont l’ADN est son insensibilité à la satisfaction des usagers. Le rapport entre l’administration et le citoyen est un rapport de force, de violence, d’iniquité et d’injustices de toutes sortes. Il pénalise grandement l’État et la nation.

Notre incapacité à soustraire notre économie de la traite, de la faible diversification et de ses fondamentaux coloniaux créent le lit du chômage de masse et de la constitution de groupes oligarchiques autour des facteurs de ressources et donc de la grande paupérisation des populations. Cela constitue également une forte éraflure à notre tissu social.

Enfin,  la Gouvernance du pays, aux différents niveaux de responsabilité, ne s’est pas traduite par une forte exemplarité des élites et un souci constant du bien-être collectif. La corruption, l’enrichissement illicite, les détournements de biens publics ont le plus souvent caractérisé les élites maliennes qui ont ainsi globalement trahi la confiance placée en elles par les populations.

La résultante de six décennies où  les potentialités du pays n’ont pas été exploitées comme il faut, sur fond d’incapacités étatiques, ont ainsi grandement affaibli le pays et surtout réduit sa grande cohésion sociale qui reste encore aujourd’hui sa principale force.

Des défis nous sont posés par le Monde d’aujourd’hui et de demain

Certains défis posent des équations redoutables à solutionner qui si elles ne sont pas résolues auront des conséquences significatives. Cela rend d’autant plus incertaines les perspectives maliennes.

Le premier de ces défis est constitué par les changements climatiques et leurs conséquences de raréfaction des ressources naturelles, de pluviométries incontrôlées et d’absence de prévisibilité des éléments naturels. Pour un pays qui dépend en grande partie de la nature et de ses manifestations, cette évolution est lourde de menaces.

Le second défi est relatif à la démographie et à l’urbanisation. La croissance importante de la population, mais également son mouvement massif vers les villes sont synonymes de pressions importantes sur les ressources et de déséquilibres majeures sur les plans économiques, socio culturels et même politiques.

Ensuite, les évolutions technologiques et les confrontations continuelles entre modernité et traditions posent de nombreux problèmes dans les rapports sociaux, les équilibres de nos cellules familiales, notre système de gouvernance et de démocratie, les formes de citoyenneté pour les jeunes…

Il y a enfin un environnement international incertain et qui risque de l’être encore avec de nombreux facteurs géopolitiques, sanitaires, sécuritaires ou économiques de volatilité. Dans les années à venir, la seule certitude sera qu’il n’y aura rien de certain ! Pour un pays comme le Mali, si soutenu par la communauté internationale, ce défi doit être traité avec gravité et un sens aigu de responsabilité.

Les desseins à nourrir pour le Mali des 40 prochaines années

Quatre faiblesses structurelles conjuguées avec quatre défis majeurs jettent un voile d’incertitudes sur l’avenir de notre pays. Nous devons y faire face de manière résolue. Pour ce faire, nous devons avoir quatre desseins majeurs pour faire du Mali ce qu’en espéraient les pères de l’indépendance.

Le Premier dessein est de bâtir un État solide, visionnaire, efficace et ancré par des institutions légitimes. Cet État devrait travailler dans la prospective (vision de long terme) en mobilisant toutes les ressources nationales vers ces objectifs stratégiques, quelques soient les pulsations de la démocratie.

Le second dessein est la qualité des ressources humaines maliennes. Nous devons faire de l’éducation, le renforcement des compétences nationales et du patriotisme des jeunes nos priorités absolues.

Ensuite, il y a la nécessité d’orienter les fondamentaux économiques sur la domestication de la valeur ajoutée, une plus grande consommation des productions locales et une insertion forte de l’économie nationale dans les chaines de valeurs mondiales en privilégiant nos forces. Le patriotisme économique ne doit pas être seulement un slogan au Mali. L’efficacité économique et la compétitivité aussi !

Enfin, la construction d’une démocratie réelle soutenue par le dialogue permanent entre les différentes composantes de la société et une redevabilité forte des représentants à l’égard des populations. Nous devons nous inscrire dans cette direction avec la volonté d’une amélioration constante dans le souci de privilégier les intérêts des citoyens.

Nous avons à inscrire résolument notre pays dans la voie du progrès continu, avec des caps précis qui s’imposeront à tous, chacun étant appelé à faire sa part de travail. C’est à ce prix que nous donnerons une chance à notre pays face aux tumultes du monde.

Moussa MARA

www.moussamara.com

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