Accompagné de son ngoni bass, chaque épisode était méthodiquement organisé. 25 % du récit couvrait l’histoire. Autres 25 % étaient consacrés à sa page publicitaire. Notamment aux personnes qui lui envoyaient des lettres qui généralement contenaient quelques billets d’argent.
J’adorais cette page que je nommais « lèttèrè yéra (j’ai vu la lettre) ». Sûrement les références dithyrambiques, qui y étaient dites, étaient plus ou moins grandes au prorata du nombre de billets d’argent glissés dans une lettre. Il arrivait aussi que des personnes mal intentionnées lui envoient des lettres pas très catholiques. Et il proposait toujours des réponses très poétiques, mais pas du tout catholiques, destinées à ces personnes malveillantes.
50 % de chaque épisode étaient consacrés à des digressions éthiques, philosophiques, sociales, de solidarité… Dans ces digressions, il répétait régulièrement une phrase qui disait «Après avoir créé l’univers, Dieu l’a mis derrière lui et s’en n’est pas préoccupé ».
Qu’est-ce que le légendaire Djeli Baba Sissoko voulait dire par cette phrase qu’il ne cessait de répéter régulièrement, au point d’en faire le générique des moments de digressions de ces récits ?
Dieu a fait de l’Homme un être de coopération : biologiquement, socialement, économiquement. Nous naissons ainsi prématurés. C’est d’autres humains qui s’occupent de nous jusqu’à notre maturité. Les bamanan disent « ka la mó » (faire murir une personne).
Une société dont les membres ne comptent pas les uns sur les autres, ne coopèrent pas, est vouée à la pauvreté. Elle ne pourrait pas être homogène. Donc vivre en paix.
Le légendaire Djeli Baba Sissoko voulait nous dire que Dieu a tellement parfaitement bien équilibré la construction de l’univers qu’il n’a pas besoin d’y intervenir.
Si tu plantes le mil, c’est le mil qui poussera. Pas le riz. Si tu n’apprends pas à travailler jeune, au moment de ta vie active, si tu dépends des autres sans contrepartie, ne te tourne pas vers Dieu. Il n’est en rien responsable de ta situation. Apprend un métier. Tu verras que tu auras, en partie, un début de solution à ton problème. Si tu coupes les arbres de ton environnement, attends-toi à une désertification ou à une autre forme de changement climatique. Dieu n’est en rien responsable. Si tu détestes ton prochain, attend toi à un retour de haine. Dieu n’est en rien responsable. Parce qu’il a parfaitement bien équilibré le monde pour ne pas à y intervenir. Parce qu’il nous a dotés d’esprit et de parole, du libre arbitre. Dieu a décidé de n’être au contrôle de personne. Il nous aime tous. Oui les plus de 8 milliards d’êtres humains que nous sommes aujourd’hui, plus les autres vivants de l’univers. Il nous aime tous.
Dans une formule scientifique, Lavoisier le dit à sa manière « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »
Transformons notre pays en Eldorado ! Dieu nous le permet et nous a donné les moyens d’y parvenir. Mais il ne ferait pas le job à notre place. Il nous a déjà bénis en nous dotant d’esprit, de parole. Bref du libre arbitre.
C’est ce que le légendaire conteur Djeli Baba Sissoko essayait de nous dire.
Bonne fête de Tabaski !!!!
Alioune Ifra Ndiaye