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Travail des enfants à Diéma : Diversement interprété

La pratique a ses adeptes comme ses détracteurs. Mais une chose est sûre, elle n’est pas prête de disparaître de si tôt, tant les intérêts et les buts sont divergents

 

Dans le Cercle de Diéma, le travail des enfants est une pratique ancrée dans les habitudes. Malgré les dispositifs de sensibilisation mis en place par l’état et ses partenaires, rien ne semble bouger. Ici, de nombreux parents utilisent leurs enfants dans des activités dépassant souvent leurs capacités physiques. Dès que les premières pluies tombent, les enfants ne traînent plus dans les rues, tous se dirigent vers les champs. Après les récoltes, ils sont soumis à d’autres activités, notamment le transport de l’eau, du bois, de l’herbe, la confection de briques en banco. Dans cette localité à majorité soninké, le travail des enfants n’est pas lié à la pauvreté, contrairement à ce que pensent certains, mais plutôt au manque de bras valides.

Le Cercle de Diéma étant une zone de forte migration, des jeunes âgés de 15 à 20 ans ou plus migrent presque quotidiennement vers les cotes de la mer Méditerranée. Seule la fermeture des frontières, ces derniers temps, à cause de la Covid-19 a un peu freiné les ardeurs. Les parents sont obligés de remplacer pour les besoins des travaux champêtres les jeunes partis à l’aventure par leurs petits frères qui n’ont pas souvent l’âge de produire.

On apprend aux enfants à travailler durement, afin d’éviter qu’ils ne sombrent dans la paresse, et n’empruntent des comportements indésirables, pouvant déshonorer leurs parents. « Si l’enfant apprend à travailler, soutient Malla, un ancien migrant, il pourra se débrouiller partout » étant encore petit, Malla aidait son père à réparer le toit de leur maison, lorsque de fortes pluies s’abattaient. Mon père et moi, poursuit-il, montions sur le toit. à l’aide de son gros orteil, il appuyait sur les petits trous qui laissaient suinter de l’eau, en les bourrant avec du banco.

Une pratique ancrée dans les habitudes- Abdoulaye Touré, le 1er adjoint au maire de la Commune rurale de Diéma, dira que le travail des enfants fait partie du système éducatif des enfants. C’est pour que, poursuit l’élu, les parents préparent leurs enfants afin d’affronter des épreuves, lorsqu’ils fouleront le sol du pays des Blancs.

De l’avis de Mme Soukouna Fatoumata Maïga, première adjointe au maire de la Commune rurale de Grouméra, si le travail des enfants existe toujours, c’est par respect de la coutume. Pendant l’hivernage, les enfants ne dorment pas sur leurs lauriers, ils vont travailler dans les champs. « Si l’enfant travaille bien, ses parents pourront compter sur lui, lorsqu’il ira à l’aventure », renchérit la dame. Ce tailleur s’exprimant sous couvert de l’anonymat, dit regretter de n’avoir jamais été à l’école. « C’est un véritable handicap, dit-il, qui me poursuivra jusqu’à la tombe. Chaque fois qu’un client se présente dans mon atelier, je suis obligé d’aller chercher quelqu’un, pour venir noter dans un cahier, l’identité de la personne, ainsi que ses dimensions corporelles ».

Travail, pas forcé- La notion de travail forcé des enfants est réfutée par Bakary Sacko, un notable de Diangounté-Camara, qui, à sa connaissance, n’existe nulle part dans le Cercle de Diéma. Si les parents emploient leurs enfants, dit l’homme, c’est pour leur propre intérêt, une façon de les aider à mieux préparer leur avenir et à rendre plus utiles à leur société dans laquelle ils vivent. « Mais faisons en sorte que ceux qui sont à l’école puissent suivre correctement leurs études », insiste-t-il.

Selon le maire de la Commune rurale de Lambidou, Mamadou Coulibaly, calfeutré derrière son bureau, cette pratique n’a d’autres raisons que d’éviter que les enfants deviennent des voleurs, des bandits de grand chemin. C’est pourquoi, dès l’âge de dix ans, on montre le chemin du champ à l’enfant. On le prépare à devenir homme avant son départ à l’extérieur. Tous les enfants ne peuvent pas réussir à l’école. à l’heure actuelle, mes enfants sont au champ en train de semer. Pourtant, on dit que l’hivernage n’a pas encore commencé…

Une petite fille, croisée, les pieds poussiéreux, une assiette remplie de cacahouètes sur la tête, partait de grin en grin, pour proposer aux preneurs de thé, sa marchandise. Avec mes petites recettes cumulées, raconte-t-elle, je parviens à régler mes petits besoins sans déranger ma mère. Cette femme a refusé d’engager comme servante une fille âgée d’environ 10 ans, que les parents de la petite sont venus lui présenter. Jean, ce père de famille confie de petites tâches à ses enfants, en fonction de leur calendrier. Les jours où il n’y a pas de classe, ils font la salubrité, arrosent les arbres. Pendant les vacances, chacun ira apprendre le métier de son choix.

Propos dilatoires- Aguibou Bah, chef secteur agriculture en congé de formation, lie le phénomène à la pauvreté. La plupart des enfants abandonnent les bancs pour travailler et soutenir leurs parents. Beaucoup d’enfants aujourd’hui sont devenus des apprentis soudeurs, mécaniciens, tailleurs, menuisiers et autres. Ce libertinage fait que leurs parents ne sont plus capables de les surveiller correctement. Ce qui joue parfois sur leur éducation. En la matière, il propose qu’une étude soit réalisée pour connaître les causes réelles des impacts négatifs du travail des enfants dans le Cercle de Diéma, cela permettra, à son entendement, de trouver des pistes pour freiner cette pratique qui nuit au développement de notre pays.

Mamadou Mah Sissoko, résident à Dioumara, explique que le travail des enfants a pris de l’ampleur ces dernières années dans le Cercle de Diéma. Garçons et filles, tous travaillent durement. En plus des travaux champêtres, les filles s’occupent également de la cuisine, et autres charges domestiques. Il déplore les conséquences du travail des enfants, qui, selon lui, est source d’échec scolaire.

Bonnes argumentations-Bouya Dia, un animateur de l’ONG IAMANEH, explique que dans certains milieux, une fille mineure, qui vit chez ses beaux-parents, est soumise à certains travaux. Elle monte sur la charrette chaque jour pour aller chercher de l’eau, du bois ou s’adonne au petit commerce. Pendant l’hivernage, elle va dans le champ. Il s’est appesanti sur la déscolarisation des enfants, qui, d’après lui, est un facteur favorisant le travail des enfants. L’ONG IAMANEH Mali, poursuit l’animateur talentueux, intervient depuis plusieurs années dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), à travers des plaidoyers, des renforcements de capacités, des campagnes de sensibilisation. Alpha Diombana, président local du RECOTRADE, a son mot à dire.

Avant, il n’y avait pas de travail d’enfants ici dans le Kaarta, dixit l’homme. Avant l’introduction de la charrue, tout se faisait à la main. Les adultes préparaient les champs, les labouraient, les semaient, et faisaient le sarclage, etc. On sollicitait rarement les enfants dans les champs. Mais à partir de 1970, avec les nouvelles techniques culturales, on a commencé à faire recours aux enfants. Le président du RECOTRADE s’est dit prêt à mener, lui et les membres de son Réseau, si on mettait à leur disposition les moyens, une vaste campagne de sensibilisation pour l’abandon total du travail des enfants dans le Cercle de Diéma.

Ouka BA

Amap-Diéma

Source : L’ESSOR

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