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Transition démocratique au Mali : résilience et pour tout le monde ?

En pleine pandémie du coronavirus (Covid-19), le Mali a été secoué par deux coups d’État successifs. Dans la ligne droite d’une mobilisation sociale et politique exigeant le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le premier a lieu le 18 août 2020 perpétré par le Colonel Assimi Goïta et ses compagnons d’armes en renversant le président IBK, au pouvoir depuis 2013. Ce coup d’État est venu parachevé, un régime en décrépitude.

Le second est survenu le 24 mai 2021, par le même Colonel Goïta alors même que la transition était dirigée par un militaire à la retraite choisi par les auteurs du coup d’Etat, eux-mêmes, à savoir le président Bah N’Daw. Cette fois-ci, c’est le Colonel Goïta qui dirige la transition. A la suite de ces deux coups d’État, pour marquer sa protestation à cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle et le manque apparent des militaires à préciser la date du retour à l’ordre constitutionnel, la CEDEAO a décrété la fermeture de ses frontières terrestres et aériennes avec le Mali. Sous embargo, le pays voit empêcher ses échanges financiers et commerciaux, à l’exception des produits de première nécessité. Les effets de l’embargo ont durement affecté tous les secteurs de l’économie malienne. D’ailleurs, selon le rapport de la Banque mondiale intitulé « Note sur la situation de l’Economie du Mali : Protéger les personnes vulnérables le temps de la reprise », la pandémie de la Covid-19 et le coup d’État militaire de 2020 ont entraîné l’économie malienne dans une récession. Après avoir enregistré une croissance moyenne de 5.1 % entre 2013 et 2019, le PIB réel s’est contracté de 2 % en 2020. Malgré les difficultés économiques rencontrées, on a constaté avec étonnement une augmentation du train de vie de l’État. Elle a concerné particulièrement la Présidence de la Transition, la Primature et le Conseil National Transition (CNT). En effet, la loi de Finances 2023 adoptée le 1 er décembre 2022 prévoyait une hausse de dépenses budgétaires pour l’exercice 2023. Elle s’élevait à deux milles milliards huit cent quatre-vingt-quinze milles virgule neuf-cent trois (2 895,903 milliards de francs CFA) de francs CFA contre deux milles milliards six-cent quarante-sept milles virgule vingt-huit (2 647,028 milliards de francs CFA) de la loi de finances rectifiée 2022. On constate aisément une hausse de deux -cent quarantehuit milliards virgule huit-cent soixante-quatorze millions (248,874 milliards de francs CFA), ce qui équivaut à une augmentation de 9,40 %. Le Budget 2023 présentait un déficit global de six-cent quatre-vingt-quinze milliards virgule neuf-cents quatre-vingt-quinze millions (695,995 milliards de FCFA) pendant que ce déficit était de l’ordre six-cent soixante-quatre milliards virgule cinq cent quatre-vingt-huit millions (664,588 milliards de FCFA) dans la loi de finances rectifiée 2022. Là encore, se situe une augmentation de 4,73 %. On apprend encore, que pour le budget 2024, les trois principales institutions ont significativement augmenté leurs dépenses comparativement au précédent exercice. En revanche, au moment où le budget de la Présidence de la Transition, de la Primature et du CNT augmente, le pouvoir d’achat d’une partie de la population connaît une baisse drastique. Il s’agit concrètement des ménages qui font face à la cherté de la vie. Beaucoup d’entreprises peinent à fonctionner et en conséquence, cela peut impacter gravement un marché de l’emploi déjà à l’arrêt. A l’instar du secteur privé, les services publics traversent les pires moments. Cela se manifeste par des établissements de santé qui souffrent des problèmes d’électricité, pourtant indispensable pour le fonctionnement du secteur de la santé et la délivrance des soins à la population. Pis, l’insécurité liée à l’extension des groupes armés terroristes demeure une véritable question au regard de nombreux villages encore sous le contrôle des forces du mal. A la surprise générale, Moussa MARA, l’ancien Premier Ministre du Mali, a révélé sur sa page Facebook le 25 avril 2024 le rejet de la loi accordant d’énormes avantages aux membres du CNT. En effet, dans un arrêt daté du 18 avril mais rendu public le jeudi 25 avril, la Cour constitutionnelle a exigé des précisions sur une loi qui était censée encadrer les émoluments des membres du CNT.

Si l’argument de légaliser les primes qu’ils prennent illégalement depuis leur nomination par le président de la transition, on pourrait se demander si les conseillers du CNT vont rembourser les primes déjà reçues et renoncer à celles qu’ils percevront avant la mise en place d’une base légale ? Vu l’ampleur de la situation, la justice ne devrait-elle pas se saisir de ce dossier ? Par ailleurs, le timing ne semble pas approprié pour réclamer la légalisation de telles primes. Cela donne l’impression au peuple que les membres du CNT sont plutôt préoccupés par les privilèges afférents à cette fonction sans prétendre la moindre attention à la réalité économique du pays et surtout d’exercer leur mission de contrôle de l’action du gouvernement. Eu égard à ce tableau sombre, dans ce contexte où l’information liée aux dépenses publiques n’est pas systématiquement rendue, le vérificateur général devrait renforcer le contrôle de la gestion publique pour assurer à la population le suivi réel de l’utilisation de ces fonds. Il convient de dire que les autorités doivent respecter le principe de la bonne utilisation des deniers publics d’autant plus qu’elles ont à maintes fois fustigé la mauvaise gouvernance des régimes précédents en l’occurrence les régimes démocratiques. Face à ce constat brumeux sur la situation économique du pays et la prise de primes illégales du CNT, les autorités auront-elle encore la légitimité de demander aux maliens d’être résilients ?

Hermann DIARRA Conseiller Spécial de L’Afrique des Idées Co-auteur du livre « En terrasse avec Mara

Source: La Sirène

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