Ce n’est pas par faute de n’avoir pas essayé, loin s’en faut. Tout ce qui pouvait être envisagé comme solutions pour une sortie de crise l’a été. Mais l’impasse n’a pas pu être évitée.
La communauté internationale, forte de son poids, a joué, non sans pressions, mais elle a surtout œuvré avec une énergie jugée parfois “dictatoriale”. Malheureusement, ses propositions ont buté sur de réels obstacles. Quant à l’imam Mahmoud Dicko, au risque de laisser la mosquée du peuple lui échapper, il ne peut céder à aucune pression. Le M5-RFP est, quant à lui, obligé de conduire cette bataille de salubrité nationale en évitant de prêter le flanc à des compromissions qui ne manqueront pas d’enfoncer durablement le pays dans la chienlit, voire dans des phénomènes qui risqueront même de banaliser la notion de bonne gouvernance, exigence pourtant non négociable. On ne soigne pas un mal à moitié, dit-on.
Le mal malien est profond, très profond, avec des dimensions abyssales qu’indexe la partition avancée de son territoire, amputation qui concerne presque les deux tiers du pays.
Or, nul n’ignore l’état désastreux dans lequel sont plongés les finances publiques, l’armée nationale, la sécurité publique, la quiétude populaire, etc. Les inquiétudes nationales anesthésient l’énergie nationale, les massacres suivis de deuils ôtent à la nation tout entière ce qui lui reste d’espoir. Les sangsues assermentées sucent le sang national par surfacturations et détournements des deniers publics d’une ampleur jamais connue. La communauté internationale, tout comme les Maliens, sait que le Mali est dans un délitement avancé et que c’est parce que toutes les limites des malfaisances nuisibles contre un État souverain sont franchies que les citoyens ont décidé de se porter au chevet de leur pays. Aucun colmatage, aux yeux de ces derniers, n’est capable de redresser la pente. Il ne reste qu’à chasser le souverain coupable de toutes les dilapidations qui font aujourd’hui le malheur et la honte de la patrie. Les Français l’ont fait il y a plus de deux siècles et entre autres révolutions depuis, les Burkinabés l’ont réussi contre Blaise Compaoré il n’y a pas dix ans.
Aujourd’hui, le Mali est dans l’impasse. Tout le monde a désormais le dos au mur. Le président de la République n’a avec lui aucune force politique ou autre sur laquelle il peut s’appuyer. Le pays n’est pas gouverné depuis un mois; le dernier conseil des ministres a eu lieu le mercredi, 27 mai. Le Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, sixième du nombre en sept petites années, a été certes reconduit le 11 juin, mais depuis il peine à prendre fonction pour commencer la septième valse après avoir constitué un nouveau gouvernement. Puis, deux grandes mobilisations citoyennes, les 05 et 19 juin, ont fini de montrer que le Mali dans son écrasante majorité ne veut que la démission d’IBK et de son régime. Plus de dialogue possible, seules les conditions du départ d’Ibrahim Boubacar Keïta peuvent désormais être regardées à la loupe. Sur cette revendication majeure, notre compatriote Zouber Sotbar, depuis Argenteuil (France), a proposé une base de négociation : « Les motivations de la démission de l’ensemble du régime IBK en quelques mots :
– D’abord, il y a le bilan catastrophique sur les plans sécuritaire, économique et social ; sans compter la gestion clanique, les scandales politico-financiers d’un cynisme absolu et une arrogance dans la jouissance des biens publics qui montre bien qu’ils sont venus pour se servir et non pour servir.
– Puis, il y a eu une première sanction de ce bilan catastrophique aux élections présidentielles de 2018. La Cour Constitutionnel n’a pas respecté le suffrage des électeurs. Il a fallu un accord politique pour calmer les esprits suite à la contestation et à l’ampleur de la manifestation du 5 avril 2019 qui a obtenu le départ du Premier ministre. Ce dernier a servi de fusible puisque, dans un régime présidentiel, celui qui est comptable de la gestion dans les faits, c’est bien IBK lui-même. C’était donc un carton jaune !
– Ensuite, il y a eu une deuxième sanction de ce bilan catastrophique aux élections législatives d’avril 2020. Preuve s’il en est que l’accord politique avec une partie de l’opposition et le DNI n’ont pas réglé les problèmes structurels. Et là encore, le suffrage des électeurs n’a pas été respecté. À présent, c’est donc trois Institutions majeures de la République du Mali dont la légitimité est remise en cause. C’est donc le carton rouge !
– Enfin, il y a cette contestation populaire et massive qui réclame à juste titre la démission du président IBK et de l’ensemble de son régime. Le 05 juin, le peuple a demandé à IBK de rendre le tablier. Il n’a pas écouté et a cru que l’abandon de l’article 39 et des déclarations laconiques farfelues et irresponsables sur la détention de son opposant Soumaïla Cissé allaient calmer les ardeurs. Le 19 juin, la contestation s’est amplifiée en élargissant sa base de sympathisants, sans renier son mot d’ordre explicite demandant la démission d’IBK et de son régime. Acculés par l’ampleur de la mobilisation, ils ont recherché la confrontation et le chaos en prenant bien soin de se réfugier.
Un nouveau RDV sera donné et tout le monde s’accorde à dire que cette dernière mobilisation sera déterminante. En attendant, le mouvement de contestation continue d’engranger des soutiens et est clairement devenu un interlocuteur crédible vis à vis de la communauté internationale.
Alors, oui pour discuter des modalités de la fin de ce régime et de la préparation de la Transition, mais pas de négociation possible sur le maintien d’Institutions illégitimes qui ont violé l’expression démocratique du peuple malien. Il ne s’agit pas de les remplacer, ni de se partager le pouvoir dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale ; non, il s’agit bien de mettre fin à ce régime pour entamer la refondation de la Nation.
Si l’Imam Dicko, leader religieux et autorité morale, a été indéniablement un catalyseur de cette contestation, celle-ci n’est en rien religieuse. Je rappelle quand-même que le poids des religieux sur la scène politique est la conséquence de la décrédibilisation d’une large partie de la classe politique, IBK en tête. C’est pourtant lui qui a été le premier à légitimer la collision entre politique et religion pour la conquête pouvoir; il a même été plus loin en donnant une légitimité politique à la religion. Alors, sur ce plan, pas de leçon à recevoir.
Avançons sereins et déterminés.
Osons le changement ».
Amadou N’Fa Diallo
Source: Journal l’Aube- Mali