Comme le recommande l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) « un diagnostic précoce et exact du paludisme est crucial pour une bonne prise en charge et une surveillance efficace de la maladie. Un diagnostic de grande qualité est important dans tous les contextes, les erreurs pouvant entraîner une morbidité et une mortalité non négligeables ». C’est pourquoi l’Oms recommande un « diagnostic rapide au moyen d’un examen microscopique ou d’un test de diagnostic rapide (TDR) chez tous les patients dont on suppose qu’ils sont atteints de paludisme, avant d’administrer le traitement » les tests de diagnostic permettant de mieux prendre en charge les patients présentant une affection fébrile et peuvent contribuer à limiter l’apparition ou la propagation d’une résistance aux antipaludiques en réservant ceux-ci aux sujets véritablement atteints de paludisme.
L’examen microscopique reste donc la condition essentielle d’un diagnostic de paludisme dans la plupart des grands établissements de soins et hôpitaux, mais se désole aussi l’Oms « la qualité du diagnostic microscopique est souvent insuffisante ».
Dans les structures de santé de Bamako, notamment celles publiques, ce diagnostic pose des problèmes aux médecins dans la mesure où les examens de goutte épaisse pratiqués présentent un résultat négatif, alors que tous les signes sont présents chez le patient pour indiquer un cas de paludisme, notamment la constatation d’un accès fébrile, décrit classiquement avec sa périodicité et sa séquence: frissons, chaleur et transpiration. Et parfois avec des vomissements.
En zone d’endémie, l’immunité et les infections mixtes embrouillent le tableau clinique et les médecins recourent systématiquement à l’examen de la goutte épaisse pour s’assurer de leur diagnostic. La goutte épaisse est l’examen au microscope d’une goutte de sang qui a séché sur la lame sans étalement. C’est une technique de concentration des hématies, donc des Plasmodium, en vue de la recherche de paludisme dans le sang.
Mais le gros problème noté dans les structures sanitaires du Mali et surtout au niveau des centres de santé, c’est la mauvaise qualité des analyses pratiquées, obligeant de plus en plus les médecins traitant à ne pas se fier à un résultat déclaré négatif (donc absence de paludisme).
C’est ce qu’a vécu un patient la semaine dernière, lorsque l’examen de goutte épaisse a été déclaré négatif, alors qu’il présentait tous les signes de paludisme : maux de tête et des articulations, vomissements, fièvre, frissons, chaleur et transpiration. Ce qui fut l’objet d’une discussion entre le groupe de praticiens présents sur les lieux, avant que l’un d’eux ne se décidât à demander un deuxième examen de goutte épaisse, en orientant le patient vers une clinique privée située non loin du centre de santé. Au retour, les résultats ont confirmé leurs soupçons : il s’agit bel et bien d’un cas de paludisme et le malade était d’ailleurs sérieusement atteint.
Il nous revient que cette situation a tendance à se répéter dans les structures médicales publiques, nous confie un médecin qui précise ne plus tellement se fier à ces analyses de goutte épaisse et fait appel à son expérience dans le diagnostic, en considérant les symptômes détectés lors de l’examen du patient.
Ce n’est pas une avancée dans le cadre de la lutte contre le paludisme, mais un véritable recul si les praticiens doivent faire appel à des méthodes classiques fondés sur les constats lors de l’examen du patient, ne pouvant plus se fier aux analyses.
Des conséquences, il y en a car un de nos confrères, tombé sur un jeune interne qui n’a pas eu le même réflexe que le médecin cité ci-haut, a vu son enfant se retrouver au bout de quelques jours aux urgences de l’hôpital Gabriel Touré, après être tombé dans un coma. Le diagnostic fut sans appel : le paludisme a évolué pour devenir chronique, se transformant en neuropaludisme. Heureusement que l’enfant a pu être sauvé après plusieurs jours d’hospitalisation, mais en cassant la tirelire des parents pour supporter les frais médicaux, alors que le père avait pourtant dit au premier médecin qu’il y avait des signes du paludisme, mais ce dernier se contentait de lui répliquer que les analyses ne l’ont pas prouvé. Il avait alors prescrit un traitement contre la bronchite, se fondant sur des antécédents médicaux de l’enfant.
Combien sont-ils alors victimes de cette situation ? On ne peut les compter de nos jours. Des médecins se voient donc obligés, n’ayant pas confiance au laboratoire de leur centre de santé, d’envoyer les patients vers des structures privées pour les examens de goutte épaisse. Ce qui est souvent mal perçu par les patients, alors que les médecins ont bien raison d’user de cette mesure de prudence, pour ne pas se tromper dans leur diagnostic.
Ce qui est mis en cause, c’est d’abord la formation des agents de santé publique affectés à ces tâches d’analyse de la goutte épaisse et qui ne seraient donc pas à la hauteur pour produire des résultats fiables. Ce qui nécessite un vaste programme de recyclage pour éviter pareils errements qui peuvent être fatals pour des patients et Dieu seul sait qu’il n’en manque pas.
Les laborantins interrogés, à leur tour, se défendent de ne communiquer que le résultat de leurs travaux et pointent du doigt la qualité du matériel de travail dont les microscopes qui ne seraient pas de bonne qualité pour produire les résultats escomptés.
En tout cas, l’un dans l’autre, toutes ces deux causes peuvent être jugulées et interpellent le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique car dans la même veine, les laborantins se plaignent de la mauvaise qualité de certains réactifs qui sont fournis à leurs laboratoires et ils n’ont aucun pouvoir de décision à ce niveau, se débrouillant avec l’existant.
Sidiki Magassouba
Source: La Sentinelle