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Tirages : Les journaux, mauvais marché pour imprimeurs

La presque double centaines de journaux de la presse écrite au Mali sont fabriqués par seulement quatre imprimeries de la place. Le paiement du service de l’impression est tributaire de l’aide publique à la presse ou du revenu que les journaux tirent de contrats de prestations. Seule une dizaine d’organes détient sa propre imprimerie.

 

« La précarité de la presse écrite malienne se fait surtout très sentir au niveau du tirage. Nous arrivons, difficilement, à joindre les deux bouts grâce à l’indulgence de certains imprimeurs qui nous tirent à crédit, en espérant se faire payer sur l’aide publique à la presse et les rares contrats de prestations », avoue le directeur de publication du journal ‘L’Investigateur’, Daouda T Konaté.

Babouya Touré dont le kiosque est à Darsalam, à Bamako, est le principal revendeur-distributeur des journaux au Mali. Depuis 1989, il évolue dans ce domaine. M. Touré distribue, pratiquement, 60% des journaux.

Devenu très professionnel dans le milieu, Babouya Touré a investi dans une imprimerie. Aujourd’hui, il tire beaucoup de journaux, mais à quel prix ? « Depuis près sept ans, j’ai installé mon propre imprimerie. Donc, je suis à mon début. J’imprime plusieurs journaux de la place », révèle-t-il.

Selon lui, le tirage des journaux se passe dans un partenariat avec les promoteurs des organes. « Je fais les impressions à crédit. Si l’aide publique à la presse tombe ou si les contrats de prestations ou d’abonnement des journaux tombent, ils viennent s’acquitter de leur paiement pour le service. Certains font une déduction », explique Babouya Touré, ajoutant que le partenariat se passe sur la base de la confiance mutuelle.

Cependant, d’autres promoteurs abusent de la situation. Car, selon lui, certains disparaissent pendant de longtemps avant de payer les frais d’impression. Notre interlocuteur souligne qu’il fait tout, à la limite, pour ne pas tomber en faillite, pour aider les journalistes à produire leur publication. « Parce que, justifie-t-il, c’est grâce aux journalistes que son entreprise fonctionne ».

Par ailleurs, Babouya affirme qu’il y a peu d’imprimeries qui tirent la presse écrite dans la capitale malienne. Parce que, tout simplement, les imprimeurs trouvent que ça ne rapporte pas. Ainsi, présentement il n’y a que quatre imprimeries qui font le tirage de la presse. Ce sont : les imprimeries Babouya Touré, Renouveau, Soro-Print chez Makoro et enfin chez Diallo à Kalaban Coura.

En plus de ces imprimeries, signale Babouya Touré, certains organes possèdent leur propre imprimerie. Entre autres : le quotidien s=du service public ‘L’Essor’, ‘L’Indépendant’, ‘Le Combat’, ‘Indicateur du Renouveau’, le groupe Nouvel Horizon et Soir de Bamako, ‘Tjikan’,

Babouya Touré explique que le prix par tirage dépend du nombre de pages et surtout selon que la publication soit en couleur en noir blanc. « C’est un secret entre les journalistes et moi. Par exemple, si le journal fait huit pages, 500 exemplaires, la Une et la Dernière page en couleur, il est tiré à 70.000 Fcfa tout frais conclu », dit-il. Lui, l’imprimeur, il achète le papier d’impression chez un fournisseur de la place. «  Le papier d’impression est cher. Auquel, il faut ajouter le coût de l’électricité et la rémunération des travailleurs, sans parler des frais d’entretien des machines et la location du local », énumère-t-il dans la rubrique des charges et dépenses.

Tout comme Babouya Touré, l’imprimerie du groupe Renouveau affirme aussi soutenir les organes de la presse écrite pour leur parution. Le gérant, Mamadou Sogoba, indique qu’aujourd’hui, il est impossible de demander aux journaux privés maliens de tirer au comptant. « Il faut les aider pour qu’ils puissent faire des publications. Ainsi, quand ils parviendront à signer des contrats de partenariat avec des structures ou autres, ils viendront payer les impressions », confie M.Sogoba, en confirmant que cela se passe avec des risques. «  Car, certains journalistes disparaissent sans payer notre argent. Parce qu’ils n’ont pas eu de rentrée d’argent ». « Ce n’est pas du tout facile. Mais on accepte. Nous sommes des partenaires », note-t-il.

PRECARITE TOTALE ! En réalité, selon les professionnels du milieu, la presse malienne ne paie pas. Selon les deux imprimeurs, partenaires des organes de presse écrite, le problème est en quelque sorte lié aux patrons de presse. « Car, témoignent-ils, rares sont les responsables de journaux qui paie leurs journalistes pendant qu’eux-mêmes mènent un train de vie enviable. « Ce sont ces journalistes qui, se lancent, à leur tour, dans la création de leur propre organe ». « Nous, à notre niveau, on est obligé de leur donner un coup de main, en tirant leurs premiers numéros et en attendant qu’ils reçoivent l’aide publique à la presse ou l’argent de leurs contrats de prestation », disent-ils.

« Toutefois, depuis deux ans, l’aide publique à la presse diminue considérablement. Et il y a aussi de moins en moins de contrats de prestation avec les départements ministériels et autres structures de l’administration malienne. Alors que les ressources des organes de presse proviennent de ces deux sources », révèlent nos interlocuteurs.

Pour le secrétaire à l’information de l’Association des éditeurs de la presse écrite (ASSEP), Ousmane Dao, la vente est insignifiante dans les recettes des publications. « Beaucoup d’organes ne se rendent jamais chez le distributeur pour faire le décompte des ventes. Parce que nous savons tous que la vente ne rapporte rien », dit-il.

Le secrétaire à l’information de l’ASSEP reconnait que la presse malienne, d’une manière générale, est en train de sombrer dans la précarité sur plusieurs points. « A l’occasion du 03 mai prochain, nous envisageons de mener des actions dans le cadre des initiatives de dimension sociale de notre corps de métier », annonce-t-il.

Selon Ousmane Dao, cette presse est très faiblement couverte sur le plan social et sanitaire. « Il n’est pas rare de voir, par moment, des cris de cœur appelant au secours d’un confrère ou consœur qui a besoin d’être évacué à l’étranger pour des soins », déplore-t-il.

Pour faire face à cette précarité, préconise le secrétaire à l’information de l’ASSEP, « il est indispensable, aujourd’hui, compte tenu du rôle déterminant que la presse joue, de lui apporter une aide publique conséquente.

  1. Dao penche pour l’indexation de l’aide publique à la presse sur le budget national. « Parce que, rappelle-t-il, la presse a un rôle important à jouer dans la démocratie ». « Il faut indexer l’aide publique à la presse au budget national, dans ce cas, nous bonifierons un pourcentage qui va nous permettre, chaque année, de bénéficier de plus de ressources publiques de la part de l’Etat», propose-t-il, tout en suggérant d’organisant l’octroi de cette aide sur la base de critères que les organes de presse doivent, obligatoirement remplir.

L’environnement de la presse au Mali est aussi délétère, faute de l’application de la Convention collective signée depuis plus de dix ans. Cette application tarde à se faire parce que, selon l’ancien vice-président de la Maison de la presse, Alexis Kalambry, la convention est biaisée. « Normalement, une convention collective est une négociation tripartite entre des travailleurs, des patrons et l’Etat. La Convention collective, qui a été signée, n’a fait l’objet d’aucune négociation de la part de qui que ce soit », dénonce M. Kalambry.

Selon lui, c’est comme un acte politique et syndical. Il précise que cette convention collective n’est connue d’aucun patron de presse, d’aucun gouvernement. « Naturellement, cela rend difficile son application parce que personne ne s’y reconnait », explique-t-il.

OD/MD (AMAP)

Encadré : Le petit monde des revendeurs

D’après Babouya Touré, le principal revendeur-distributeur de journaux au Mali (il distribue, pratiquement, 60% des publications), qui depuis 1989évoulue dans ce domaine, on compte 80 revendeurs principaux dans la capitale malienne (ceux qui sortent très tôt, le matin de bonne heure). Tous ces revendeurs tiennent soit un kiosque à journaux ou une pancarte à journaux.

En plus de ceux-ci, il y a d’autres sous-revendeurs. Ces derniers prennent les journaux avec les principaux revendeurs. Le pourcentage est divisé entre eux : 15 à 20%, sur chaque journal, revenant au revendeur.

« La vente des journaux n’apporte presque rien. Je n’ai rien à gagner aussi dans la distribution. Mais, les promoteurs des journaux sont mes collaborateurs. Je profite parfois des contrats d’abonnement que j’arrive à négocier avec certaines structures de l’administration », confie Babouya Touré, précisant qu’il a été connu grâce à la distribution des journaux.

OD/MD

Source : (AMAP)

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