Avec l’envoi de 100 dossiers à la justice et l’arrestation d’une demi-douzaine de magistrats, la lutte contre la corruption et la délinquance financière semble bien emmanchée.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a affiché sa volonté de prendre le taureau par les cornes, en déclarant, à la faveur des cérémonies de présentation de vœux de Nouvel An, qu’il plaçait l’année 2014 sous le signe de la lutte contre la corruption. On ne peut être plus clair.
Seulement voilà: depuis un certain temps, des voix discordantes semblent s’être levées pour laisser entendre que le laisser-aller intégral qu’on a connu sous l’ère ATT avait cédé le pas à «la politique du gros bâton».
C’est trop vite oublier qu’à côté du fait que la corruption réduit tous les efforts de développement économique et social à néant, le fléau est loin d’être étranger à l’effondrement de l’Etat, à l’occupation du Septentrion du Mali par les narco-jihadistes et au flétrissement de l’honneur de tous les Maliens dignes de ce nom, qui sont subitement devenus la risée de l’univers.
Certes, le bâton doit être intelligent et éclairé, mais il doit exister. Il ne s’agit pas de livrer une chasse aux sorcières ou de faire du bâton de la lutte anti-corruption un instrument d’élimination d’adversaires politiques, sinon de ne s’intéresser qu’au menu fretin alors que les requins en haute mer, à l’immense capacité de prédation sur nos finances publiques, passent paradoxalement à travers les mailles du filet.
Encore moins de faire simplement semblant de lutter contre la corruption, en jetant en prison quelques victimes expiatoires pour se donner bonne conscience, comme on l’a vu avec les régimes qui se sont succédé à Koulouba. Non, il ne s’agit nullement de tout cela.
Il s’agit, en fait, de livrer une guerre sainte à l’Hydre de la corruption, de toutes les corruptions, y compris l’achat de diplômes, les notes financièrement ou sexuellement transmissibles, les spéculations foncières, la magouille dans les recrutements pour l’armée ou la police…
IBK ne doit pas écouter les chants des sirènes, car on ne peut bâtir un pays avec les seuls bons sentiments. On ne peut pas non plus vouloir une chose et son contraire. Aux grands maux, les grands remèdes. Si l’on veut le changement, allons-y carrément, changeons les choses!
De fait, IBK doit mettre la pression, jusqu’à ce que les «mercenaires du statu quo» et autres candidats au vol des deniers publics aient peur de ramasser même de l’argent tombé à terre. L’honneur et le bonheur des Maliens sont à ce prix.
Certes, à terme, des mesures d’accompagnement, comme l’augmentation des salaires, peuvent être envisagées. Elles sont même souhaitables…
Yaya Sidibé