Gestion des personnes testées : le déni d’État
Tout en faisant preuve d’humilité par rapport à l’absence de cas confirmés dans notre pays, les autorités nationales se gargarisent d’avoir développé un plan de riposte robuste à la maladie à Coronavirus. En plus des mesures annoncées à l’issue du Conseil de Défense présidé par le Président de la République, l’on apprend le déploiement des Forces de sécurité en vue d’appliquer les mesures prises par le Gouvernement concernant la fermeture des boîtes de nuit, des bars, des dancings et tous autres lieux de rassemblement qui dépassent 50 personnes. Ce qui est tout à l’honneur des responsables sécuritaires nationaux en charge de la prévention et de la réponse à la maladie à Covid-19. Parce que, comme nous le rappelons dans un autre article du jour : ‘’l’État c’est l’autorité, c’est la force, c’est l’ostentation et l’infatuation de la force. Il ne s’insinue pas, il ne cherche pas à convertir : et toutes les fois qu’il s’en mêle, il le fait de très mauvaise grâce ; car sa nature, ce n’est point de persuader, mais de s’imposer, de forcer’’. (Mikhaïl Bakounine in Dieu et l’État).
Pour autant, il est à déplorer le comportement expéditif des autorités dans la gestion des personnes contrôlées.
En commençant par le sommet, le cas du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Boubacar Alpha BAH, est anecdotique. En effet dans un communiqué publié nuitamment ce 22 mars, ‘’le Gouvernement de la République du Mali porte à la connaissance de l’opinion publique nationale que Monsieur Boubacar Alpha Bah, Ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, a été testé négatif au Coronavirus ce dimanche 22 mars 2020’’. Dans le même communiqué, ‘’le gouvernement confirme que le Ministre Boubacar Alpha Bah est effectivement rentré en contact avec Monsieur Siméon SAWADOGO, Ministre Burkinabé en charge de l’administration territoriale, testé positif au Coronavirus. Leur rencontre se situait dans le cadre de la concertation des ministres et gouverneurs de la zone du Liptako Gourma’’. C’était le 12 mars dernier. Étant donné que la période d’incubation est de 14 jours, le ministre BAH devait être en isolement jusqu’au 26 mars. Il ne l’a pas été. Et l’annonce du Gouvernement avant la fin de la période d’incubation pourrait laisser croire à une légèreté dans la gestion des personnes, sinon à un déni d’État ou à un déni scientifique.
Ce qui n’absout pas le ministre lui-même qui aurait pu décider de son propre chef, en tant que responsable au niveau national, de se mettre en isolement. Ce que celui-ci non plus n’a pas fait.
Pourtant d’autres responsables, en Afrique et à travers le monde, de son rang ou d’un rang supérieur ont eu à prendre des initiatives personnelles salvatrices. À titre d’exemple : le Président du Botswana ; la Chancelière allemande Angela MERKEL ; le Premier ministre canadien, Justin TRUDEAU… Pourquoi ces personnalités mondialement reconnues se mettraient-elles en isolement et qu’un ministre malien ne le fasse pas ? Sans complexe…
Au niveau du citoyen lambda, l’on n’est guère davantage rassuré. Après un test hâtif, les gens sont libérés et se fondent dans la nature ; quand bien même il est désormais établi que l’isolation est une précaution élémentaire pour s’assurer que la personne contrôlée ‘’négatif’’ ne développe par la suite la maladie et qu’elle ne contamine les autres.
Pourquoi ne faudrait-il pas miser sur la rigueur dans la prévention, plutôt que sur les moyens dans le traitement ? Parce que le ministre de la Santé et des affaires sociales, Michel SIDIBE, l’a lui-même avoué à Priorité santé du mercredi dernier : ‘’aujourd’hui, les tests posent un problème très sérieux. Nous avons à l’heure actuelle maximum 2 000 tests au Mali. Si nous avons une explosion des cas, comme c’est arrivé en Italie ou en France, nous aurons vraiment des problèmes majeurs’’.
PAR BERTIN DAKOUO
INFO-MATIN