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Tensions France-Mali : ce que révèle la visite avortée de Macron

L’annulation du déplacement d’Emmanuel Macron au Mali – officiellement pour raisons sanitaires – souligne la délicate position de la France au Sahel, devenue un bouc émissaire utile.

 

Le Covid a parfois bon dos. Et pas seulement pour échapper à un dîner barbant ou une semaine d’école. A cause de lui, l’Elysée n’a eu d’autre choix que d’annuler la visite d’Emmanuel Macron au Mali, les 20 et 21 décembre. Rideau sur le rendez-vous avec Assimi Goïta, le chef de la junte aux manettes de la transition à Bamako ; et tant pis pour le traditionnel repas de Noël avec les soldats tricolores déployés au Sahel. “Une décision pour la bonne cause”, assure en substance le Palais, car il n’est pas question, dit-on, d’exposer les troupes françaises au virus, au plus fort de la cinquième vague en Europe.

Climat délétère

Mais pour qui connaît le climat délétère entre Paris et Bamako, ce revirement de dernière minute, annoncé au soir du 17 décembre, laisse perplexe. D’autant que la France n’a pas fait mystère de sa brouille avec le Mali sur les modalités de la rencontre entre Macron et Goïta. Le président français avait deux messages à faire passer : un avertissement sur le recours éventuel, par Bamako, à des mercenaires russes de Wagner, et une demande de clarification du calendrier électoral de la transition, un an et demi après le putsch qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta. Deux sujets qui concernent les Français – ils ont 5000 soldats engagés au Sahel – mais aussi les pays alentour. Dès lors, il semblait naturel, plaide l’entourage d’Emmanuel Macron, d’inviter à la table des discussions les dirigeants de deux institutions régionales : la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le G5 Sahel (qui réunit la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad).

Paris et Bamako campés sur leurs positions

La France avait-elle d’autre choix que d’appeler du renfort ? En froid depuis des mois avec le Mali, Paris avait tout intérêt à réunir le plus de supporters possibles en prévision d’un “match” tendu avec les autorités maliennes. Et de préférence des soutiens africains, à l’heure où le sentiment anti-occidental monte. Mais les autorités maliennes ont catégoriquement refusé tout autre format qu’un tête à tête Macron/Goïta.

“Ce schéma mettait le Mali dans une position intenable et donc inacceptable. En effet, il n’est un secret pour personne que le Mali n’est pas en odeur de sainteté à la CEDEAO”, rappelle le journal en ligne malien, Malikilé. Campés sur leurs positions, la France et le Mali ne sont donc pas parvenus à un compromis. Et le problème reste entier.

De fait, l’Elysée n’a plus beaucoup de cartes en main pour faire valoir ses intérêts dans son ancien pré carré. Pis, les populations locales ne cachent plus leur agacement, si ce n’est leur colère, face à la présence militaire française, incapable d’endiguer les violences djihadistes au Sahel. Dernier épisode de cet accès de fièvre, l’attaque, fin novembre, d’un convoi de l’opération antiterroriste Barkhane à Kaya, au Burkina Faso puis au Niger, a provoqué la mort de trois manifestants.

Jusqu’à présent, la France attribuait ce “sentiment anti-français” aux manipulations – réelles – de puissances étrangères, les Russes en tête. Mais dans les rangs de l’armée comme de l’exécutif, de plus en plus de voix admettent à demi-mot qu’il y a bien un terreau fertile à ce discours. Même des acteurs politiques censés être alliés de la France semblent s’en servir. “Le premier blocage du convoi de Barkhane, à Kaya, intervient quelques jours après la mort de 53 soldats burkinabés dans une embuscade, note un haut gradé de l’armée française. Or, cette attaque a sans doute été un électrochoc pour la population, à bout de nerfs face à l’insécurité. Kaya a peut-être été un moyen, pour le gouvernement burkinabé, de détourner l’attention et de faire parler d’autre chose.”

Si cette hypothèse se révélait exacte, cela signifierait que l’armée française est désormais un “bouc émissaire utile”. Une tendance inquiétante pour le futur de Barkhane, qui doit diviser par deux ses effectifs d’ici à 2023. Là encore, la France cherche des relais pour ne plus être seule sur le terrain. La task-force Takuba, composée de 800 forces spéciales de plusieurs pays européens, doit prendre le relais et s’étoffer en 2022. L’exécutif français le martèle : le salut viendra de cette “européanisation”. C’est oublier un peu vite que Takuba continuera à prendre ses ordres de l’armée française. On lâche du lest, mais pas totalement…

Source : L’Express

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