Moussa Joseph Mara, sans le vouloir, est devenu un homme controversé pour avoir été versé précipitamment en plein milieu d’une gouvernance problématique.
C’est lui, Mara, qui a été choisi par IBK pour remplacer son premier Premier ministre, Oumar Tatam Ly, un technocrate, qui a subitement jeté son tablier. Ainsi par décret n°2014-0249/p-RM du 5 avril 2014, Monsieur Moussa MARA, précédemment ministre de l’Urbanisme et de la politique de la ville, a été nommé Premier ministre, Chef du gouvernement.
Même si Mara est dans la majorité présidentielle, il n’est pas membre du parti majoritaire, RPM. En sa qualité de Président fondateur du Parti Yelema qui n’a qu’un député à l’Assemblée nationale, Mara se trouva à la tête d’un gouvernement dont les membres le contestent majoritairement à cause de cette pression politique qui n’est pas une logique politique. Son prédécesseur à la primature, O.T Ly, confronté au même genre de difficulté avait déploré dans sa lettre de démission : « Des dysfonctionnements et insuffisances relevés dans la marche du gouvernement » qui l’ont obligés à quitter son poste.
C’est dans ce contexte de farouche adversité que Mara entama son travail étant désavoué par l’Opposition (c’est normal) mais surtout désarçonné par des barons du parti RPM qui contestent ainsi le choix présidentiel. Ce PM se trouve alors entre l’enclume de l’Opposition et le marteau de la majorité RPM au sein duquel est lancé, entre des responsables politiques, une impitoyable lutte interne de positionnement pour le poste de premier ministre.
Il est certes, raisonnable voire nécessaire que les membres d’un parti au Pouvoir soient majoritaires dans un gouvernement mais, ce n’est pas du tout une obligation morale, constitutionnelle ou institutionnelle qu’un premier ministre soit un membre du parti majoritaire. Car, un PM est le coordinateur, le superviseur de la mise en application effective de la politique du Président de la République. Donc tout malien qui gagne la confiance du Président et incarne les valeurs d’honnêteté, de productivité et de loyauté envers la nation, mérite d’occuper ce poste. Tout comme Mara, des hommes et femmes intègres compétents et expérimentés ne manquent pas dans ce Mali peu importe leur coloration politique ou religieuse.
Actuellement, le Mali est confronté à sa pire crise existentielle causée par des groupes armés qui ont utilisé des armes pour voler, violer et tuer leurs compatriotes avant d’occuper illégalement notre huitième région qu’est Kidal. Soutenus par des mains invisibles, ils ambitionnent de diviser et de ruiner notre bien commun : Le Mali.
Au lieu de se mettre débout comme un seul homme pour anéantir nos envahisseurs et renforcer notre unité nationale, il est déplorable de constater que des maliens se lancent dans la lutte d’autodestruction de nos précieux acquis par des guéguerres d’occupation de postes.
Il est temps que chacun comprenne, aussi longtemps que notre Mali sera sous cette menace de destruction totale palpable à Kidal, aucun Malien ou malienne quelque soit sa compétence et son expérience ne pourra bien diriger ce pays.
Conscients de cette réalité des maliens se sont retrouvés dans les régions et aussi à Bamako pour discuter sur le document « Eléments pour un Accord pour la paix et la réconciliation au Mali » proposé par la Médiation en Algérie.
Ainsi du 17 au 18 novembre dernier s’est tenu un « Atelier national d’information et de sensibilisation sur les pourparlers intermaliens inclusifs de Paix d’Alger, placé sous la présidence de Monsieur Moussa Mara, Premier ministre, chef du gouvernement » Au cours de ces journées, cinq groupes de travail ont abordés différents thèmes.
Le groupe 4 auquel nous avons participé avait pour thème :
RECONCILIATION, JUSTICE ET QUESTIONS HUMANITAIRES
Composition du Bureau :
Président: M. Mamadou TOGO
Rapporteurs : M. Nouhoum CISSE, Mme TRAORE Fatoumata TRAORE
Personnes Ressources : M. Attaher AG IKNANE, Lieutenant Colonel Abdoulaye MAKALOU
Liste des membres jointe en annexe :
Après la désignation du président qui fait office de modérateur, le groupe a poursuivi ses travaux selon la méthodologie proposée par l’atelier.
Le président du groupe a donné la parole aux deux personnes ressources, à savoir respectivement, le Secrétaire Général au Ministère de la Réconciliation Nationale et le Secrétaire Général de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation (C.V.J.R) qui ont fait la genèse des rencontres d’Alger.
A la suite de ces informations, le groupe a procédé à la lecture point par point du texte en vue d’un examen progressif de son contenu.
Au niveau du titre V :
Il a été proposé de reformuler le titre comme suit : « Vérité-Justice-Réparation-Réconciliation et Questions Humanitaires ».
Au niveau du préambule : il a été proposé de reformuler le préambule comme suit :
« Dans le souci d’éliminer les causes profondes de la situation actuelle afin de renforcer l’unité nationale du pays, les parties conviennent de promouvoir une véritable réconciliation nationale. Celle-ci sera axée sur des bases nouvelles qui tiennent compte de sa diversité ethnique, culturelle et de ses spécificités géographiques et socio-économiques ». Elle sera fondée sur les éléments ci-après :
Réconciliation et justice :
- Inclure au niveau du premier paragraphe les droits humains après questions identitaires ;
- Biffer « qui sera élaborée »
- Ajouter un tiret (engagement à favoriser la mise en place d’une justice transitionnelle permettant le plus tôt possible de prendre en compte les préoccupations des victimes)
Questions Humanitaires :
- ajouter un tiret pour prendre en charge le point : « créer les conditions pour faciliter la prise en charge des enfants issus de viols et des groupes vulnérables » ;
- Biffer le mot « indépendance » au niveau du troisième paragraphe concernant les principes de l’action humanitaire ;
- Ajouter un tiret « engagement des parties à faciliter la réinstallation de tous les services sociaux de base, en urgence»
Recommandations :
- Du titre: lire Vérité-Justice-Réparation-Réconciliation et Questions Humanitaires » au lieu de « Réconciliation, justice et questions humanitaires » ;
- Du préambule: lire « Dans le souci d’éliminer les causes profondes de la situation actuelle afin de renforcer l’unité nationale du pays, les parties conviennent de promouvoir une véritable réconciliation nationale. Celle-ci sera axée sur des bases nouvelles qui tiennent compte de sa diversité ethnique, culturelle et de ses spécificités géographiques et socio-économiques » ;
- De la réconciliation et justice, ajouter un tiret et lire : « engagement à favoriser la mise en place d’une justice transitionnelle permettant le plus tôt possible de prendre en compte les préoccupations des victimes » ;
Des questions humanitaires, ajouter deux tirets et lire « créer les conditions pour faciliter la prise en charge des enfants issus de viols et des groupes vulnérables » et « engagement des parties à faciliter la réinstallation de tous les services sociaux de base, en urgence».
Auparavant, lors de la rencontre d’ouverture de ces journées, c’est le discours du premier ministre Mara qui a suscité des ovations spontanées des participants à cause de son contenu consistant et percutant dont nous vous livrons quelques extraits :
« …Ainsi que présenté par le Ministre des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la Coopération internationale, après deux phases de pourparlers, en juillet puis septembre 2014, le Gouvernement du Mali a décidé de consulter les Institutions de la République et les forces vives de la Nation sur le document de synthèse élaboré par la Médiation internationale.
Le présent exercice d’information et d’échanges s’inscrit dans le cadre du processus inclusif de dialogues intermaliens qui a été retenu comme une priorité nationale par son excellence monsieur Ibrahima Boubacar Keita, Président de la république, Chef de l’Etat.
En effet, Mesdames, Messieurs
Nous devons, au mali, faire le constat que les problèmes du Nord sont une des manifestions brutales de ce que nous déplorons tous de kayes à Taoudéni, de Nioro du sahel à Tidarmene ou inekar, de Manankoro à Abeira, c’est à dire un Etat qui n’arrive pas à nous protéger, qui a du mal à être équitable entre nous, qui ne nous donne pas les mêmes chances quelque soit notre situation socio économique, de nous réaliser.
Un Etat qui peine à nous offrir les services de base dont nous avons besoin, qui encourage difficilement l’originalité et les initiatives, qui profite mal de l’incroyable énergie que nous avons, nous les maliens à trouver, par nous –même, les solutions à nos problèmes. Cet Etat qui a mal à sa gouvernance, quelque fois à son leadership, souvent à son administration et dans ses rapports avec les usagers, est à reformer. La décentralisation d’il y a 20 ans s’y s’est essayé avec quelques succès et pas mal d’insuffisance. La régionalisation d’aujourd’hui, participant du même principe, dans un cadre où il faut redonner des couleurs aux communes, à l’ambition de donner un nouveau souffle à l’Etat dans son fonctionnement au plus près de nous tous de nous tous. Bien compris et correctement mis en œuvre, elle constitue l’une des réponses adéquates à la crise de gouvernance et d’efficacité de l’action publique. C’est ce que le Gouvernement a expliquer à Alger, dans le cadre d’un processus qui vient de vous être expliqué pour permettre au Mali de recouvrer la paix dans la durée au bénéfice de tous ses fils et de toutes ses filles.
Les difficultés d’accès à l’eau comme à l’éducation ou à la santé, les problèmes d’enclavement, l’injustice ou l’impunité sont des maux dont souffre le malien de Gao comme son frère de Kadiolo, sa sœur de Kidal comme son cousin de Kita ou sa nièce à Bamako ? c’est le fondement essentiel de la démarche de notre équipe de dialogue à Alger. Donnons-nous la main pour bâtir ensemble un mali uni dans sa diversité, qui donne la chance à chacun de ses enfants de bien vivre sa différence. Ayons une armée colorée et diverse comme l’est la nation. Donnons la possibilité aux communautés de s’exprimer, d’avoir voix au chapitre à travers leurs représentants légitimes et légaux. Mais ne permettons pas que certains individus réclament des avantages indus, pistolet à la main ! Ne permettons pas que quelques dizaines de personnes fassent un braquage au dépend de 15 millions d’âmes laborieuses !!!
Vous voyez, des efforts importants on été présentés à Alger mais soyez surs que jamais, pas plus aujourd’hui que demain, nous ne sommes prêts à toucher à ce qui fait le Mali, sa souveraineté d’Etat unitaire sur un espace occupé par des communautés variées mais complémentaires : l’armée nationale sera nationale, la police nationale sera nationale, la diplomatie sera nationale, la monnaie sera nationale, les frontières seront nationales dans les limites reconnues internationalement, l’Etat sera national, républicain, laïc et démocratique. Cela n’est pas négociable et on le comprend parfaitement.
Mesdames, Messieurs
A ce stade du processus de paix et de réconciliation, il nous faut rappeler quelques vérités indiscutables et les partager avec nos compatriotes dont certains sont malheureusement encore abusés par des thèses aussi fausses que tendancieuses.
L’AZAWAD en tant qu’entité regroupant les régions de Tombouctou, Gao et kidal n’existe pas. Cela n’est pas vrai historiquement. Cela n’a aucun fondement géographique et encore moins culturel. Cela est faux sur tous les plans. Alors pourquoi s’évertuer à donner un corps à une réalité qui n’existe pas ? en lieu et place de cette entité illusoire nous avons des territoires divers, hétérogènes, abritant des communautés diverses et hétérogènes qui ont des cultures, traditions, activités socio économiques diverses et hétérogènes mais complémentaires formant un ciment et source de coexistence pacifique multi sécuritaire.
Oui le Mali existe, coloré, divers, assumant cette diversité et proclamant notre volonté commune à d’avancer, blancs, noirs, musulmans, chrétiens, animistes et parfaitement illustrée par notre devise : Un seul peuple, vers un seul but animé d’une même foi.
Donnons-nous tous la main pour préserver ce qui fait notre force, notre unité dans la diversité. Préservons cette solidité qui nous permet d’amortir des chocs qui seraient irréparables ailleurs. Ouvrons-nous à tous ceux qui se sont égarés dans une quête illusoire car non opportune, non partagée et fondée sue des réalités intangibles. Disons leurs : « venez dans la République bâtir avec nous un nouvel élan pour la nation malienne ».
Un pont de sécurité, d’harmonie et de prospérité à mille lieux d’une constellation de territoires ouverts aux trafiquants au bénéfice d’aventuriers n’ayant d’autres desseins que leur enrichissement quitte à répandre la désolation et le malheur sur leur propre communauté !
Mesdames, Messieurs
Cet atelier qui s’ouvre vous offrira l’occasion à travers deux plénières et cinq groupes thématiques, dans votre diversité complémentaire, de faire des propositions détaillées sur tous les segments du processus de paix afin que le prochain accord que tout le monde appelle de ses vœux soit le dernier face à cette crise qui n’a que trop duré. Soyez originaux, faites des suggestions pertinentes, précises, pénétrez dans le fond et attaquez vous aux racines du mal. Ne laissons aucun débat, ne tournons le dos à aucune proposition nous permettant de sortir d’ici avec des solutions constructives et contributives à une paix définitive au Mali. Dans vos travaux de groupe soyez originaux, sortez des sentiers battus et nourrissez nous de vos idées. L’équipe en charge de conduire la délégation gouvernementale se rendra en Algérie, animée par vos suggestions et déterminé à obtenir les accords les plus complets, les plus détaillés et les plus précis possibles.
Seul le règlement pacifique des questions de rébellion permettra de mobiliser la nation entière derrière nos forces armées et de sécurité avec le soutien de la communauté internationale pour mener une lutte longue et difficile contre le terrorisme et le trafic de drogue. Seul le règlement pacifique de la crise permettra de distinguer une fois pour toute ceux qui veulent réellement le développement de leur région, de leur commune et le progrès de leurs communautés et ceux qui veulent simplement profiter de l’environnement d’insécurité pour continuer à s’adonner aux pratiques néfastes et rétrogrades qui les caractérisent.
Le Président de la République, par ma voix, souhaite plein succès à vos travaux au bénéfice d’un mali uni, en paix et prospère dans un sahel apaisé, solidaire.
Que dieu bénisse le Mali
Je vous remercie de votre aimable attention »
A travers une telle intervention véridique, descriptrice des réalités sociopolitiques du Mali, le Premier Mara a fait preuve de leadership en exprimant les souhaits de résolutions pacifiques que partage la majorité des maliens.
Nous n’avons aucune prétention d’encenser Mara que nous critiquons souvent, mais il est logique de reconnaitre qu’en cette phase critique de la vie de la nation, l’actuelle premier ministre n’est pas du tout un problème mais plutôt une des solutions qui mérite d’être appuyée pour une bonne et définitive résolution de cette crise qui n’a que trop duré
Lacine Diawara, journal Option