Aux heures de diffusion de ces films, la plupart des femmes entrent dans un autre univers où plus rien ne compte. Certaines d’entre elles oublient parfois même de s’occuper de leurs conjoints
Nos compatriotes deviennent de plus en plus accrocs aux telenovelas, ces feuilletons télévisés qui sont souvent produits dans les pays d’Amérique du Sud. Ils restent scotchés aux téléviseurs et ne sont pas prêts à rater, même pour tout l’or du monde, le moindre épisode croustillant de ces séries dramatiques qui procurent des émotions fortes en termes d’amour, de libertinage sexuel, de suspense, mais aussi de sentiment de révolte contre l’injustice.
«El Diablo», «Meryem», «La Dona» et «Fatmagul», entre autres, sont des séries télévisées passionnantes qui suscitent commentaires et débats dans notre société. Certains estiment qu’elles impactent négativement sur le comportement des enfants et des jeunes qui tentent de s’inspirer des exemples vécus dans ces films. Or, ceux-ci n’ont rien à voir avec les réalités maliennes, d’où la condamnation sans équivoque des puritains qui n’apprécient guère ces feuilletons. Pourtant, ces séries télévisées bénéficient d’une très grande audience dans les pays africains, notamment le nôtre.
Aux heures de diffusion de ces mélodrames, les femmes entrent dans un autre univers où plus rien ne compte. Elles perdent la notion du temps et sont même capables d’ignorer leurs époux, le temps d’un épisode. Une certaine opinion pense à tort ou à raison que nombre des dérèglements actuels constatés dans les mœurs au niveau de notre pays sont liés à ces séries télévisées. Les questions qui taraudent les esprits aujourd’hui sont de savoir : qu’est-ce qu’il faut pour restaurer certaines vertus de notre société ? Pourquoi en est-on arrivé là ?
Les interlocuteurs que nous avons rencontrés tentent d’apporter des éléments de réponse à ces préoccupations vécues comme un vrai casse-tête social. Nos reporters sont allés constater de visu, dans certaines concessions, l’atmosphère qui prévaut généralement au moment de regarder ces films. Adama Samaké est conscient de la passion que suscitent les séries télévisées sud-américaines.
Le jeune homme explique que la situation est en passe de devenir un vrai problème dans notre société. Il cite volontiers son exemple pour avoir failli divorcer d’avec son épouse à cause des telenovelas. «Je coïncide très souvent à mon retour du bureau avec un feuilleton et ma femme a tendance à ne plus s’occuper de moi, c’est-à-dire qu’à peine si elle me salue ou me donne à manger. Elle semble être absorbée par ces feuilletons au point de ne plus jouer son rôle d’épouse », souligne-t-il. Adama Samaké a dû brandir la menace du divorce pour recadrer son épouse.
AVEC PASSION-Certains soutiennent que les telenovelas en Afrique ont plus d’inconvénients que d’avantages. Une ménagère à Faladiè qui a requis l’anonymat, ne partage pas cet avis.
Elle estime que les telenovelas permettent de s’épanouir même pour celles qui viennent de la zone rurale. «Quand je termine les travaux ménagers, je me distrais avec les séries télévisées», explique-t-elle notre interlocutrice. Comme elle, Salimata Coulibaly, âgée de 26 ans, apprécie bien les feuilletons. Cette femme au foyer précise : «Grâce aux séries télévisées, je me fais une idée de la vie d’autres communautés, notamment américaines mais aussi de l’évolution du monde».
Elle est toujours à l’affût de nouveaux feuilletons sur les chaînes de télévision parce que le cinéma reste son violon d’Ingres. Touré, fonctionnaire à la retraire, regarde avec passion ces séries télévisées qu’il oublie parfois qu’il est devant un poste téléviseur. Il se range du côté de ceux qui sont férus des feuilletons télévisés. Mais il préfère ne pas verser son avis dans le débat sur les inconvénients. Mais il est clair pour tout le monde que ces séries télévisées ont aussi un impact sur le mode de vie des jeunes, notamment des jeunes filles.
Certains estiment que ces séries télévisées devraient être destinées plus aux adultes qu’aux enfants et aux jeunes. D’autres incriminent les parents qui ne respecteraient pas les consignes parfois clairement indiquées. «Déconseiller au moins de…..», voit-on souvent sur l’écran. Dans notre pays, les feuilletons ont une incidence sur l’éducation des enfants qui sont tentés d’imiter la vie des stars du cinéma. La ménagère Ténin Coulibaly est aussi d’avis que les séries télévisées influent négativement sur le comportement de nos enfants. «Ma fille doit faire le baccalauréat cette année.
Elle ne s’en soucie point pour l’instant. Elle passe plus de temps à regarder les séries télévisées et c’est un vrai ennui pour moi », relève-t-elle. Pour elle, les télénovelas représentent un problème d’assimilation. Sans pouvoir développer des arguments, elle explique que c’est une faiblesse de notre société et s’interroge. Pourquoi ne pas s’intéresser plutôt aux séries africaines qui reflètent mieux nos réalités ? In fine, ce n’est pas mauvais en soi de suivre ces séries télévisées mais il faut être en capacité de faire la part des choses et de se bonifier au contact d’autres cultures sans tomber dans une dépravation des mœurs.
Aminata DIARRA
Source : L’ESSOR