Les Etats-Unis et la Russie sont tombés d’accord dans la nuit du jeudi 11 février au vendredi 12 février sur une « cessation des hostilités » en Syrie dans un délai d’une semaine afin de relancer le processus de paix et de stopper l’exode de civils. Un accord intervenu au bout de plus de cinq heures de négociations et qui ressemble à un compromis entre les positions russes et américaines.
Les Russes, à l’offensive à Alep où ils aident l’armée syrienne à prendre le dessus sur les forces d’opposition, souhaitaient sans doute finir le travail. Ils avaient donc suggéré un cessez-le-feu pour le 1er mars. Mais la menace d’une intervention terrestre saoudiennerisquait de mettre à bas le plan russe. Le Premier ministre Dimitri Medvedev avait d’ailleurs mis en garde contre une intervention terrestre étrangère en Syrie, déclarant qu’elle pouvait déclencher une déflagration mondiale.
Moscou a donc accepté un compromis ; le cessez-le-feu aura lieu dans une semaine. La Russie tente ainsi d’apparaître comme un faiseur de paix, tout en ayant assuré la sécurité de la partie occidentale de la Syrie, la Syrie « utile » pour Damas.
Toutefois, Serguei Lavrov a déjà prévenu que parvenir à une cessation des hostilités serait une chose difficile. Et il a déjà envoyé à leur responsabilité les groupes d’opposition et ceux qui les contrôlent, espérant, a-t-il dit, que « les pays impliqués utiliseront leur influence sur ces groupes afin qu’ils coopèrent pleinement ». En cas d’échec, la Russie pourra dire qu’elle a rempli sa part du contrat et qu’elle avait mis en garde ses partenaires.
Russes et Américains soulignent que cet accord n’impliquerait pas l’arrêt des frappes aériennes contre les positions du groupe Etat islamique et du Front al-Nosra.
■ Un accord de cessez-le-feu difficile à appliquer selon les experts libanais
De notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
Sur le papier, l’accord de Munich constitue une percée significative. Mais dans la pratique, il sera difficile de le mettre en œuvre, surtout, que le délai d’une semaine, décidé par les Russes et les Américains, est très court. Tel est l’avis de la majorité des commentateurs qui ont réagi au Liban, à l’accord de « cessation des hostilités », conclu entre John Kerry et Serguei Lavrov, après des heures d’intenses négociations.
Selon les experts libanais, c’est la question du Front al-Nosra, pour lequel ne s’applique pas le cessez-le-feu de Munich, qui pose problème. En effet, la branche syrienne d’al-Qaïda combat aux côtés des autres groupes rebelles, parfois dans les mêmes tranchées, dans le nord d’Alep. Or pour les Russes, et pour les troupes gouvernementales syriennes et leurs alliés, il n’est pas question de stopper l’offensive contre cette organisation, classée terroriste par les Nations unies, tant que les autres groupes rebelles n’auront pas clairement annoncé leur rupture avec al-Nosra.
Le prétexte est tout trouvé pour poursuivre l’offensive dans cette région. Cela est encore plus explicite à Idleb, au nord-ouest du pays, qui est presque entièrement sous le contrôle d’al-Qaïda. Dans cette province, les Russes et l’armée syrienne affrontent une coalition appelée l’« armée de la conquête », dont al-Nosra constitue l’une des principales composantes.
Le volet humanitaire au programme à Genève
Ce 12 février, les 17 pays membres du Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG) vont se réunir à Genève pour mettre en oeuvre le volet humanitaire de l’accord trouvé à Munich. Parmi les autres engagements, écrits, pris cette nuit, il y a l’acheminement d’une aide humanitaire aux civils syriens. Depuis le premier février et le début de l’offensive du régime, appuyé par la Russie, contre la province d’Alep, 51 000 personnes ont été déplacées selon les Nations unies.
« En ce qui concerne les problèmes humanitaires, a déclaré Sergueï Lavrov, nous sommes contents car aujourd’hui nous avons réussi à nous mettre d’accord sur les principes d’une résolution qui indique que l’accès sera garanti sur l’ensemble du territoire syrien dans toutes les régions assiégées; cela sera fait de façon coordonnée pour ne pas discriminer quiconque. »
Pour l’opposition, l’aide humanitaire était une condition sine qua non pour envisager des négociations de paix. John Kerry, le secretaire d’Etat américain, a annoncé que cette aide viserait notamment une série de villes assiégées. Il a évoqué le cas de Deir Ezzor, dans l’est du pays, une ville qui est aujourd’hui encerclée par le groupe Etat islamique. Mais rien dans l’accord ne contraint l’organisation terroriste ou le Front al-Nosra, affilié à Al Qaïda, à cesser les hostilités.
Source: RFI