Le premier tour de l’élection présidentielle au Mali est prévu pour le 29 juillet 2018. La bonne tenue de cette élection est prônée par tout le monde. Pour preuve, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, Suliman Baldo a présenté son rapport hier, mardi 20 mars 2018 au Conseil des droits de l’homme à Genève (Suisse) dans lequel, il a souhaité la transparence du scrutin présidentiel au Mali. «L’élection présidentielle doit être véritablement libre et équitable, conformément aux normes internationales et tenue dans une atmosphère respectueuse des droits humains fondamentaux, et à quatre mois de l’élection j’ai mis un accent dans mes discussions sur la nécessité de mettre des mesures appropriées en place», a déclaré Suliman Baldo. En outre, dans son rapport, l’expert indépendant a déploré la détérioration de la situation des droits de l’homme au Mali.
Au cours de sa visite au Mali du 12 au 16 mars 2018, Suliman Baldo a rencontré des membres du Gouvernement du Mali, des représentants de la société civile, y compris des associations de victimes, des leaders religieux et traditionnels, ainsi que des membres du corps diplomatique et l’équipe pays des Nations Unies. Au terme de sa dixième visite au Mali, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, Suliman Baldo, a exprimé ses vives inquiétudes par rapport à la détérioration de la situation des droits de l’homme au nord et au centre du pays, y compris des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Lors d’une mission du terrain à Mopti au centre de pays, Suliman Baldo a pu constater combien la situation sécuritaire et des droits de l’homme demeure alarmante. D’après des rapports fiables, indique l’expert indépendant, y compris ceux reçus de notables locaux et de représentants de la société civile, à travers l’ensemble des cercles de la région, des communautés entières sont victimes quotidiennement de menaces, d’assassinats ciblés, d’enlèvements, et d’attaques indiscriminées de la part de groupes extrémistes notamment Jama’at Nusrat al-Islam Wa al-Muslmeen (JNIM), cherchant à imposer leur propre interprétation restrictive de l’Islam auprès des populations.
« Depuis le mois de janvier 2018, au moins 35 civils ont été tués à la suite d’exposition d’engins improvisés posés sur les axes routiers. D’autres ont été victimes de vols à main armée. Certains de ces cas ont aussi été attribués à des éléments des mouvements armés signataires de l’Accord de paix. Par ailleurs, JNIM a aussi ciblé les forces maliennes de défense et de sécurité (FDSM) ainsi que les forces internationales, notamment la Force de la MINUSMA. Ainsi, entre novembre 2017 et février 2018, au moins 38 éléments des FDSM et 8 soldats de la MINUSMA ont été tués. La persistance de l’insécurité a eu pour effet de paralyser l’économie locale et a poussé les services publics de l’Etat, dans le domaine de l’éducation, la santé et la justice, à quitter ces zones », a noté Baldo.
‘’Plus de 657 écoles ont été forcées à fermer dans les régions du centre et du nord, affectant plus de 190 000 élevés’’
A la fin du mois de février 2018, précise le rapport, plus de 657 écoles ont été forcées à fermer dans les régions du centre et du nord, affectant plus de 190 000 élevés. Selon Suliman Baldo, il y a certaines évolutions positives qui méritent d’être soulignées. L’expert a noté avec satisfaction que sur le plan politique, lors de la 23ème réunion du Comité de suivi de l’Accord pour la paix, les 15 et 16 janvier 2018, un nouveau souffle a été donné pour mettre en œuvre les dispositions clés l’Accord, en particulier en matière de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). L’Expert indépendant reconnaît qu’il est difficile de mettre en œuvre le DDR dans cet environnement complexe.
Cependant, dit-il, cette étape constitue un des jalons critiques pour assurer la paix durable au Mali. «Tous les efforts pour faire avancer le processus de DDR, y compris le soutien nécessaire de la communauté internationale à travers le régime de sanctions ciblées établi pour le Mali, doivent être explorés en toute urgence», a noté M. Baldo, en ajoutant « Il y va de l’amélioration de la protection des civils». « Les causes en sont multiples. Ainsi, l’insécurité, mais aussi le conflit de juridiction entre le tribunal de grande instance de la commune III de Bamako et les tribunaux du nord empêchent la justice malienne de fonctionner efficacement », a souligné Sulilman Baldo. L’Expert indépendant a exhorté les autorités maliennes compétentes à mettre fin à ce blocage qui nuit aux droits des victimes et n’est pas compatible avec les efforts en faveur de la lutte contre l’impunité.
Au demeurant, l’Expert indépendant est encouragé par la déclaration publié le 27 février 2018 par le Gouvernement annonçant qu’il allait ouvrir une enquête sur les évènements de Sokolo (région de Mopti) au cours desquels des allégations crédibles font état de l’exécution sommaire le 21 février, d’au moins sept personnes par des éléments des Forces Armées Maliennes (FAMa) le 21 février. L’Expert indépendant a soulevé avec les autorités la question de l’avant-projet de loi ‘d’entente nationale’ qui risquerait d’introduire des mesures d’amnistie de fait dans le cadre du processus de paix en faveur de ceux qui sont responsables des violations graves de droit de l’homme et du droit humanitaire internationale.
«J’ai précisé qu’une telle loi doit être formulée de manière à ne pas empêcher les victimes de violations graves à exercer leur droit à accéder à une justice juste et équitable, à bénéficier de réparations, et à connaitre la vérité sur les violations commises. Sans le respect de ces droits, il n’y aura pas de réconciliation possible sur le long terme» a noté M. Baldo. L’Expert indépendant note que la communauté humanitaire au Mali requiert 263 millions USD (plus de 130 milliards de FCFA) pour répondre aux besoins de 1,56 million de personnes affectées, particulièrement en termes de sécurité alimentaire et de nutrition, de protection, d’urgences sanitaires, d’eau, d’hygiène, d’assainissement et d’éducation.
«La pleine jouissance des droits économiques et sociaux et des services de base, ce qui manque dans certaines parties du centre et du nord du pays, est fondamentale. Il faut que le Mali, avec l’aide de la communauté internationale, bénéficie d’une coopération technique et d’appui financier dans ces domaines», a expliqué Baldo. Quant aux élections, l’Expert a dit que «l’élection présidentielle doit être véritablement libre et équitable, conformément aux normes internationales et tenue dans une atmosphère respectueuse des droits humains fondamentaux, et à quatre mois de l’élection j’ai mis un accent dans mes discussions sur la nécessité de mettre des mesures appropriées en place».
Aguibou Sogodogo
Source: Le Républicain