Dans une publication en début de semaine, le journaliste activement recherché par les autorités maliennes et burkinabé affirme avoir réalisé une interview du chef terroriste Amadou Kouffa après plusieurs mois de tractations.
Il a promis que les réponses de Kouffa seront publiées. À en croire Wassim Nasr, présenté comme un complice des criminels, tout a été abordé avec son interlocuteur : les questions concernant le Mali, le Sahel, les Peuls, les pays du Golfe de Guinée, la guerre avec l’EI, la Russie, la France et les exactions. Cette posture d’un journaliste du Groupe France Média Monde a provoqué une indignation chez les Maliens. En réaction à son attitude, le célèbre journaliste consultant Salif Sanogo a rompu le silence : « France 24 a franchi le Rubicon en donnant la parole à un terroriste ayant commis des crimes horribles et qui s’en vante », s’est indigné le célèbre journaliste malien à travers une tribune dont la teneur est ainsi formulée : « France 24 a donc franchi le Rubicon en donnant la parole à un terroriste ayant commis des crimes horribles et qui s’en vante, en l’occurrence Amadou Kouffa. Pire ou mieux, c’est selon, ils ont fait un teasing durant 24 heures, invitant les auditeurs et les téléspectateurs des médias du Groupe France Média Monde à suivre cette interview « exclusive ». Quel cynisme ! Qui plus est, l’interview qui a été exploitée a été réalisée par un journaliste dont on connaît les accointances avec les groupes terroristes. Et pourtant, le délit d’apologie figure bien dans la loi sur la liberté de la presse en France. Ce texte punit de sept (7) ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende les auteurs d’apologie « des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage (…) ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi ».
« Pire ou mieux, c’est selon, ils ont fait un teasing durant 24 heures, invitant les auditeurs et les téléspectateurs des médias du Groupe France Média Monde à suivre cette interview « exclusive ». Quel cynisme ! «
« Comme le définit le site du service public français, l’apologie du terrorisme consiste « à présenter ou commenter favorablement soit les actes terroristes en général, soit des actes terroristes précis déjà commis » publiquement ou sur les réseaux sociaux. Les médias sont au cœur de ce dossier, dans la mesure où ils sont souvent considérés, selon la fameuse expression de Margaret Thatcher, ancienne Première ministre britannique, comme « l’oxygène du terrorisme ».
« Les attentats terroristes, écrivait en 1995 Brian Jenkins, sont souvent soigneusement mis en scène pour attirer l’attention des médias électroniques et de la presse internationale. Le terrorisme ne vise pas les vraies victimes mais celles qui regardent. » L’autre question qui se pose est l’impact de cette couverture médiatique mur à mur sur la perpétration de nouveaux attentats. Michael Jetter, professeur d’économie politique à l’Université of Western Australia, s’est penché sur le sujet. Il a recensé environ 60 000 attentats terroristes ayant fait l’objet d’un reportage dans le New York Times entre 1970 et 2012. Conclusion ? La publication d’un article supplémentaire sur un attentat donné conduit à une augmentation de 11 à 1 % du nombre d’attentats dans ce même pays dans les jours suivants. Quand France 24 et RFI diffusent le contenu de l’interview d’Amadou Kouffa, on nous parlera de liberté de la presse. Mais peut-on imaginer que ces mêmes médias donnent la parole à des responsables de l’organisation dite de Daech ou d’Al-Qaïda ayant commis des attentats meurtriers en Europe ? Certainement pas, car la notion d’apologie du terrorisme ne sera plus quelque chose à géométrie variable. ■
LAYA DIARRA
Source: Le Soir de Bamako