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Spéculation foncière au Mali : Un danger silencieux !

Au Mali, depuis des années le problème de la spéculation foncière est devenu une situation inquiétante et explosive pour certains citoyens, et partant pour la quiétude du pays.  Car, malgré l’existence des textes pour réglementer ce secteur crucial pour toute nation,  l’État malien se bute encore à l’application des textes dans la pratique. Pour venir en aide aux personnes victimes de spéculation foncière, l’Union des associations et des coordinations pour le Développement et la Défense des Droits des Démunis (UADDDD), un réseau des mouvements de lutte de base pour la défense des droits des démunies ( couches vulnérables, victimes d’injustices). Son secrétaire général Massa Koné, nous  a bien voulu nous accordés une interview pour parler de ce fléau. 

Bamakonews.net : Parlez-nous du problème foncier ?

Makan Koné : La gestion du foncier est devenue une question cruciale au Mali au cours des dernières décennies, à l’image du contexte international d’accaparements des terres lié aux crises interconnectées mondiales de 2008 : crises financière, énergétique, économique et alimentaire. La terre tant au niveau urbain et périurbain qu’au niveau rural, est devenue une denrée très convoitée par des nantis/élites au niveau national et tout type d’investisseurs. Pour acquérir et s’approprier des terres, tous les moyens sont utilisés, même les plus inhumains. Entre autres dans le milieu urbain et périurbain ce sont les spéculations, les expropriations foncières et les déguerpissements.

A Bamako, dans le cadre de la réhabilitation des quartiers des opérations d’embellissement ont entrainés le déguerpissement et la démolition de tout un ensemble de quartiers dans les différentes communes du district de Bamako. Par exemple en commune I des familles ont été déguerpies sur 84 hectares à Kognoumani, en commune VI, des milliers de maisons ont été démolies en 1995 pour des raisons de construction d’un aéroport à Niamakoro-Diallobougou qui sont avérés fausses après des investigations. Dans la même commune sur 95 hectares à Yirimadjo des familles ont été déguerpies et démolies leur habitation pour des raisons de lotissement du quartier.

 

Depuis l’avènement de la démocratie qui a encouragé la marchandisation de la terre, des centaines de personnes voir des milliers sont victimes de malversations judicaires afin de les expulser de leurs maisons par les spéculateurs fonciers en complicités avec des professionnels de la justice.

L’urbanisation galopante de la capitale a entraîné l’accaparement des terres des villages situés dans le périurbain de Bamako par une mafia foncière à tel point que les conflits communautaires se sont développés avec des effets collatéraux que sont des emprisonnements des pauvres paysans, les pertes de terres de culture et mort d’Homme.

En exemple dans la commune rurale de SIBY la spéculation foncière est très poussée vu sa proximité avec la capitale, elle est animée par de riches fonctionnaires et commerçants en complicité avec les ressortissants de la zone.

Bamakonews.net: A qui la faute ?

La responsabilité du problème foncier se situe à la diversité des niveaux de gestion de la terre qui ne sont pas généralement respectés. Les lois ne sont pas adaptées aux réalités socio- culturelles du Mali. Aujourd’hui la légalité et la légitimité ne font pas ménage autour de l’application du Droit foncier ; malgré la reconnaissance du droit coutumier foncier (article 43 du code Domanial et foncier), la légitimité du droit foncier des communautés est lésée par rapport au droit légal (possession de titre de propriété) devant la justice.

 Bamakonews:net Quelle est la mission de votre union ?

L’UACDDDD a mené beaucoup d’actions de lobby (meetings, forums, marches etc.), ce qui fait qu’elle est aujourd’hui le porte-parole des victimes auprès du gouvernement à travers des commissions inter ministérielles ad hoc. On peut citer à titre d’exemples : la commission mise en place par la décision n° 2012-0042/PM-RM du 14 Mars 2012. Celle-ci créa à son tour la commission technique interministérielle n°2012-0154/MATCL-CAB du 16 Mars 2012 pour l’examen et la résolution des litiges fonciers contenus dans le mémorandum des différents membres de l’UACDDDD (en copie) qui est régulièrement révisé et soumis au Gouvernement. Chacune de ces commissions interministérielles regroupe huit (8) ministères dont tous les départements en charge du foncier et de l’urbanisme.

Aussi nos actions ont amené le gouvernement à travers le Premier Ministre à prendre le décret N°2014-0657/PM-RM du 14 Août 2014 portant création du Comité interministériel sur la Gestion Foncière et Domaniale.

Nous appuyons des groupes défavorisés et des couches vulnérables à réclamer une meilleure gestion des terres. L’UCADDDD accompagne de nombreux groupes de femmes qui réclament d’avantage leurs droits à la terre.

Depuis plus de 20 ans, grâce à son savoir-faire et savoir être, elle a déjà réglé ou atténué de nombreux conflits sur le terrain comme les conflits fonciers dans le Sana autour du projet sucrier de SOSUMAR (Société Sucrière de Markala) en 2009 qui n’a plus vu le jour ; à Sanamandougou et Sahou en 2010 ; dans les sept villages de SAN en 2011. Ce sont des cas d’accaparement de terres dans la région de Ségou. Le conflit entre les communautés paysannes de Fonssira   et l’entreprise chinoise COVEC qui s’est investie dans une carrière dans le cercle de Kati sans compter les nombreux cas d’expulsion de déguerpissement et de démolition de quartiers principalement dans le district de Bamako. Dès que l’UACDDDD est alertée d’un litige par les victimes, elle va sur le terrain, écoute toutes les parties, fait des rapports et agit soit au niveau local soit national, en particulier auprès des autorités si nécessaire, par le dialogue et la conciliation.

L’UACDDDD avec les autres membres de la Convergence Malienne contre l’Accaparement des Terres (CMAT) se sont fortement investis pour avoir la Loi Foncière Agricole N°2017-001/ du 11 Avril 2017 afin de faire reconnaître les droits coutumiers et les faire appliquer par des commissions foncières villageoises.

Fatoumata Koita

Source: Bamakonews

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