Le président de l’Union pour la République et la démocratie (URD), Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne, a présenté aujourd’hui à la Maison de la presse ses meilleurs vœux aux journalistes à l’occasion de la nouvelle année. Occasion pour les hommes de médias et leur hôte de marque d’échanger sur les sujets d’actualité.
Le président de l’URD était accompagné pour la circonstance d’une forte délégation du parti comprenant des responsables et militants du parti comme le 2e vice-président Ibrahima N’Diaye ; le président du groupe parlementaire VRD, Mody N’Diaye.
Après avoir présenté ses vœux de succès, de bonheur et de réussite aux hommes de médias pour l’année 2015, Soumaïla Cissé a expliqué que l’année qui vient de s’écouler a été éprouvante pour la famille médiatique mondiale en témoigne les 118 journalistes assassinés. C’est énorme et ça interpelle, a dit M. Cissé. Il s’est ensuite félicité du fait que pour la même année le Mali n’a pas d’assassinat de journalistes sauf des décès dont le dernier en date est celui du Rédacteur en chef du quotidien « L’Indépendant », Mamadou Lamine Doumbia (MLD).
Toutefois, le président de l’URD invite les gouvernants, au nom de l’honneur des Maliens, à inverser obligatoirement la tendance qui a vu le Mali passer de la 25e place à la 99e en 2013 en matière de liberté de la presse, de même que la corrélation négative entre la situation tragique du pays et la liberté d’informer qui a fait chuter le Mali à la 122e place sur 180 pays évalués.
« Une presse libre est la condition de la démocratie vivante et respectueuse de ses concitoyens. Ce que feignent d’ignorer certains », a dit M. Cissé.
Le leader de l’opposition malienne a indiqué que 2014 a été marquée par des déceptions pour notre pays. « Quoi de plus normal. Les attentes étaient si fortes et multiples et les promesses, les réponses, si fermes, mais malheureusement ces promesses sont non tenues ».
Soumaïla Cissé a salué le limogeage des ministres impliqués dans les scandales tout en souhaitant que la justice ait les mains libres pour faire son travail.
Pour lui, 2015 commence avec une situation sécuritaire inquiétante avec cette montée en puissance des attaques jihadistes. « Le ras-le-bol des populations a atteint un seuil intolérable ». Et pour faire face au défi, M. Cissé estime que la restructuration des forces armées est incontournable et à ce titre, il prend acte de l’adoption d’un projet de loi de programmation militaire.
Parlant des négociations d’Alger et le processus de réconciliation nationale, Soumaïla Cissé a martelé que « l’URD ne cessera jamais de soutenir le Mali UN et indivisible ».Il a expliqué que le dernier document présenté par la médiation a été rejeté par une frange importante de la classe politique parce que portant en son sein les germes de la partition du pays.
« Face à l’inaction, au manque de stratégie et à l’amateurisme du pouvoir en place, le Nord s’embrase, le centre s’installe dans la psychose et dans la violence, le reste du pays est partagé entre inquiétude et désespoir ».
Il a aussi indiqué que 2015 s’annonce encore incertaine avec des élections communales et régionales en avril prochain, la mise à jour du fichier électoral biométrique, l’organisation des opérations de révision exceptionnelle des listes électorales, le retour de l’administration dans les circonscriptions administratives des régions Nord du pays, la participation des réfugiés et déplacés au processus électoral. «Toutes ces opérations peuvent-elles être accomplies d’ici Avril 2015 ? Les élections seront-elles organisées sur toute l’étendue du territoire ? Le doute est permis ».
En retour, le président de la Maison de la presse, Dramane Aliou Koné, a présenté à M. Cissé les meilleurs vœux des journalistes pour la nouvelle année. Il a remercié le chef de file de l’opposition pour le don d’un projecteur à la Maison de la presse avant de l’inviter à s’investir pour le vote à l’Assemblée nationale d’un certain nombre de textes qui concernent le bien-être de la famille médiatique de notre pays comme : l’ordonnance portant création de la Haute autorité de la communication (HAC), l’indexation de l’aide à la presse au budget d’Etat etc.
« La presse malienne est aujourd’hui dans un état délabré et les mots ne sont pas forts. Après avoir été le premier à accorder l’aide à la presse en 1996 avec 200 millions FCFA, le Mali est aujourd’hui le dernier de la classe avec cette année 95 millions FCFA, alors que des pays comme le Sénégal, la Côté d’Ivoire et le Burkina vont vers le milliards FCFA », a expliqué M. Koné.
On a préféré Paris que Nampala
Au cours des échanges avec les journalistes, Soumaïla Cissé a souligné que l’opposition se rendra à Gao lundi prochain pour marquer sa solidarité avec les populations de Gao mais aussi toutes les autres qui sont agressées comme à Nampala, Ténenkou, Djoura, Tombouctou et les gens victimes des braquages quotidiens. « Nous avons eu ce souci bien avant les incidents de Gao puisque j’avais personnellement demandé à la Minusma un hélicoptère pour qu’on puisse se rendre à Ségou afin d’aller voir les blessés, mais en son temps il y a eu des problèmes. Nous allons à Gao pour y tenir un discours d’apaisement, de compassion, de compréhension et de solidarité. L’insécurité est grandissante et le Nord a besoin de sentir ceux qui sont au Sud. Il ne faut pas que le sentiment d’abandon s’installe et nous l’avons dit hier au Premier ministre. La Minusma, de ce point de vue a fauté. Je crois qu’elle-même le reconnait, elle retire le document litigieux et je pense qu’elle doit revenir à sa mission première qui est la défense des civils. C’est ce message que nous allons porter ».
Soumaila Cissé s’est montré préoccupé par le fait que les dirigeants du Mali avec à leur tête le président IBK ne se mobilisent que quand il s’agit des partenaires, mais pas quand il s’agit des Maliens.
« Quand des journalistes meurent, quand les populations meurent, le gouvernement ne bouge pas, mais dès que les partenaires sont concernés comme à Paris, comme le cas de Gao parce que la Minusma est concernée, ça devient une affaire d’Etat. Sinon il y a eu des morts à Nampala, on n’est pas allé. La même semaine, c’est-à-dire le lundi, il y a eu morts à Nampala, deux jours après, c’est-à-dire le mercredi, il y a eu les morts de Charlie Hebdo. Et c’était le même nombre : 11 à Nampala, 2 à Djoura et 12 à Paris. Mais le choix a été fait plutôt d’aller à Paris que d’aller à Nampala. Et ça, c’est dommage. Au jour d’aujourd’hui, personne ne sait la liste de ceux qui sont morts pour la patrie à Nampala. Nous n’avons pas observé un seul jour de deuil, nous n’avons pas mis les drapeaux en berne une seule seconde, nous ne nous sommes même pas inquiétés de là où ils ont été enterrés. Est-ce qu’ils ont une sépulture correcte ? Il faut que la Nation soit reconnaissante envers ses morts».
Yattara Ibrahim
source : L’Informateur