Les combats faisaient toujours rage mercredi au Soudan du Sud, aggravant encore la crise humanitaire, alors que dans la capitale éthiopienne Addis Abeba, les pourparlers en vue d’un cessez-le-feu entre le gouvernement et les rebelles piétinent.
Sur le terrain, forces rebelles et pro-gouvernementales ont toutes deux confirmé des affrontements dans la ville stratégique de Bor, capitale de l’Etat du Jonglei, dans l’est.
Actuellement tenue pas les rebelles, la ville située à 200 km au nord de Juba a changé trois fois de mains depuis le début des hostilités le mois dernier. Depuis la localité de Minkamen, à 25 km plus au sud, un journaliste de l’AFP a constaté la présence de nombreux civils fuyant les combats. Au loin, résonnaient des tirs d’artillerie lourde.
« Les gens fuient les combats autour de Bor et ne cessent d’arriver tous les jours par bateau, nous faisons ce que nous pouvons pour les aider », a déclaré John Marach, un coordinateur humanitaire pour les autorités locales.
D’autres affrontements ont été signalés dans l’Etat pétrolier du Haut-Nil, dans le nord-est, où les rebelles affirment bénéficier de nouvelles défections au sein de l’armée, et dans un autre Etat pétrolier, celui d’Unité (nord).
Le Soudan du Sud, indépendant du Soudan depuis juillet 2011, est ravagé par les combats depuis le 15 décembre dernier.
Les affrontements ont d’abord opposé des unités de l’armée loyales au président sud-soudanais Salva Kiir et d’autres fidèles à l’ex-vice président Riek Machar, limogé en juillet. Puis les combats ont dégénéré, la rébellion menée par M. Machar fédérant désormais une alliance hétéroclite de commandants de l’armée mutins et de milices ethniques.
Le président accuse son rival et ses alliés de tentative de coup d’Etat. Riek Machar dément, accusant Salva Kiir de chercher purement et simplement à éliminer ses rivaux.
Aux pourparlers d’Addis Abeba, un autre porte-parole des rebelles a insisté sur le fait qu’ils ne signeraient aucun cessez-le-feu tant que le gouvernement de Juba n’aurait pas libéré leurs alliés détenus depuis le début des combats.
« Catastrophe humanitaire »
La question de la libération de ces détenus, onze au total, est au coeur des pourparlers qui se sont ouverts lundi dans la capitale éthiopienne.
« Nos collègues doivent être libérés pour venir (à Addis) et participer » aux discussions, a martelé le porte-parole, Yohanis Musa Pauk. « Nous attendons la libération de nos détenus, quand ils les libèreront, alors nous signeront l’accord de cessez-le-feu ».
L’organisation gouvernementale est-africaine Igad, qui chapeaute les négociations, fait elle aussi pression pour la libération des onze détenus. Mais Juba a jusqu’ici refusé, estimant qu’ils devaient être normalement jugés.
Depuis Juba, un porte-parole présidentiel, Ateny Wek Ateny, a réitéré la position du gouvernement: « Le président (…) ne peut pas intervenir pour libérer des gens soupçonnés de crimes. Le président peut seulement intervenir quand ces personnes ont été jugées ».
Le bilan exact du conflit qui sévit depuis plus de trois semaines reste difficile à évaluer. L’ONU estime que plus d’un millier de personnes sont mortes, tandis que d’autres sources humanitaires évoquent déjà des milliers de victimes compte tenu de la violence des combats à Juba les premiers jours, mais aussi des sanglants affrontements qui se poursuivent dans les Etats du Jonglei, du Haut-Nil et de l’Unité.
Selon l’ONU, quelque 200.000 personnes ont aussi été déplacées et plus de 30.000 personnes ont fui le pays, trouvant notamment refuge en Ouganda.
Des massacres, viols, meurtres à caractère ethnique ont aussi été reportés dans les deux camps, sur lesquels les Nations unies promettent d’enquêter. Car le conflit a pris une dimension tribale, opposant les Dinka de Salva Kiir aux Nuer de Riek Machar.
Et la situation humanitaire ne cesse de se dégrader.
« Nous faisons face à une catastrophe humanitaire », a affirmé le chef des opérations humanitaires de l’ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer. « C’est une période critique pour le pays. Les combats doivent simplement cesser ».
« Même si nous avons pu renforcer notre réponse considérablement ces trois dernières semaines, ce que nous sommes capables de faire aujourd’hui est insuffisant », a de son côté déclaré le président du Comité international de la Croix Rouge, Peter Maurer, depuis Juba.