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Soldats tués au Mali : dans le pays “les choses ne cessent d’empirer”

Alors que la France se prépare à rendre hommage à ses treize militaires de l’opération Barkhane morts lundi soir lors d’une opération contre des djihadistes, les questions se multiplient autour de la présence française au Mali.

Près de six ans après la lancement de l’opération Barkhane au Mali, l’ONU juge la situation sur place “préoccupante : terrorisme, exactions sur des civils, armée nationale submergée. Aujourd’hui, alors que la France s’apprête à rendre hommage aux treize militaires morts au combat lundi 25 novembre, l’horizon semble de plus en plus sombre dans cette région de l’Afrique de l’Ouest.

Un pays théâtre d’attaques “quotidiennes”
En 2013, la France est pourtant accueillie en héroïne. Avec le lancement par François Hollande de l’opération Serval le 11 janvier de cette année, ce sont 1700 soldats français qui se mobilisent contre des rebelles armés. Des rebelles qui ont, en quelques semaines, pris le contrôle du nord du pays. En moins de trois mois, les militaires tricolores mettent en déroute les djihadistes, qui menaçaient la capitale Bamako, les neutralisant ou les faisant fuir.

Reste que cette époque où la France arrivait “en sauveuse” semble désormais bien lointaine. Et le regard sur ces soldats a “complètement changé”, nous confie le journaliste Arouna Sissoko. Il faut dire que sur place, depuis, “rien n’a changé”. “Les attaques contre les civils et les militaires sont quotidiennes”, nous explique le reporter, qui constate qu’elles sont même malheureusement devenues “presque habituelles”.

D’après un récent rapport des Nations unies, la situation serait même “très préoccupante sur le plan des droits de l’Homme” du fait “d’attaques complexes perpétrées par des groupes extrémistes violents”. Dans cette zone, l’organisation internationale a par exemple relevé de “graves violations” du droit international, faisant état de “30 cas d’exécutions extrajudiciaires ou arbitraires, cinq cas de torture et de mauvais traitements et neuf cas de détention illégale” les six derniers mois.

Il faut aussi s’imaginer que, sur les dix régions du pays, “six ou sept” ne sont pas sous le contrôle des Forces armées maliennes, souligne ce correspondant pour TV5 Monde. Parmi elles, celles du nord et du centre du pays sont le théâtre de “violents affrontements” entre ethnies, notamment à Gao, Ménaka et Tombouctou.

Sans cette aide, nous ne serions pas là
– Arouna Sissoko, journaliste malien
Sauf que cette tâche de sécuriser la totalité du territoire n’incombe pas réellement à la France. “La mission des Français est de lutter contre le terrorisme”, rappelle le journaliste, comme une évidence, regrettant que “les gens ici ne le comprennent pas”. “En ce moment, ici, le problème c’est le terrorisme, certes, mais aussi les conflits entre les ethnies et le grand banditisme, qui sévit dans les petites localités. Sauf que ça, ce n’est pas le sujet de l’opération Barkhane.”

Pire, certains estiment maintenant que la France est à la source de tous leurs maux. Parmi eux, certaines célébrités, comme le chanteur Salif Keïta. Dans une vidéo sur Facebook, l’artiste à succès avait, en novembre dernier, accusé Paris de “soutenir le terrorisme”. Interpellant le président malien, il disait face caméra : “Tu sais pertinemment que c’est la France qui paie des gens pour tuer des Maliens, pour ensuite faire courir des rumeurs qu’il s’agit de djihadistes.” Des propos “diffamatoires et outranciers” que l’ambassade de France a évidemment “dénoncés” mais qui ne font que montrer l’essor d’un certain sentiment anti-Français.

Un désamour que regrette Arouna Sissoko. “Sans cette aide, nous ne serions même pas là en train d’en discuter aujourd’hui”, rappelle-t-il. “Quand on évoque cette situation, il ne faut jamais oublier le passé !” Pour autant, reconnaît le journaliste, les choses “ne cessent d’empirer”. Une opinion appuyée par les chiffres jugés “choquants” par Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Les conflits intercommunautaires, “exacerbés” par la présence de groupes extrémistes ont ainsi fait de très nombreuses victimes, parmi lesquelles énormément de civils. Depuis le 31 mai 2019, selon le dernier apport des Nations unies, 331 attentats ont eu lieu, tuant 367 civils. Un chiffre en “légère augmentation”.

Les Français ne sont pas seuls
Le journaliste fait par ailleurs valoir que l’allié français ne peut de toute façon pas être désigné comme seul responsable. Car si les principales opérations militaires sont bel et bien le fait des quelque 4.500 soldats français qui ont, début 2019, mis “une vingtaine de membres des groupes terroristes, hors de combat”, de nombreuses forces internationales sont présentes dans le pays.

C’est le cas de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Déployée à partir du 1er juillet 2013, elle comptait, le 10 septembre dernier, près de 13.300 Casques bleus. Sont représentées dans ces rangs une soixantaine de nationalités, dont la grande majorité provenant de pays voisins du Mali. Cette mission, l’une des plus importantes de l’ONU, est aussi l’une des plus meurtrières, avec 200 soldats décédés depuis sa mise en place.

#PointDePresse de la MINUSMA – « Du 17 au 30/10, @UNPOL 14 formations dans divers domaines au profit de 246 agents des Forces de sécurité maliennes. Ceci porte le nombre d’éléments des FSM formés à 1956 dont 156 femmes au cours des 3 derniers mois. »#A4P #Mali
A la Minusma s’ajoute la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM), elle aussi présente depuis 2013 et qui réunit pas moins de 620 militaires provenant de tous les pays européens. Son objectif principal, comme l’indique son nom : former l’armée locale. Celle-là même qui, en déroute, n’est pas arrivée, six ans auparavant, à contrer les terroristes, se laissant déposséder d’une partie de son territoire en l’espace de quelques semaines. Preuve d’une certaine avancée, 14.000 étudiants ont d’ores et déjà été formés par l’UE, selon les derniers chiffres, sans compter les 1.900 combattants entraînés par la Minusma.

Arouna Sissoko juge qu’il faut donc voir le verre à moitié plein. Si le désaveu de la population est aussi grand que l’insécurité, le travail effectué semble être sur la bonne voie, bien qu’il soit de “longue haleine”, souligne le reporter. Saluant ces formations, avec la France au premier rang, il rappelle ainsi que l’ennemi ne cesse “de s’armer, de changer de stratégie et d’évoluer”.

Source lcl

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