À rebours des manipulations idéologiques, démagogiques et populistes, autant la situation politique que la situation des hommes politiques est tout sauf un long fleuve tranquille. Que peut-il se cacher derrière ce clame apparent ?
En ce mois d’août, si la Contestation avait réussi à rendre le pays pratiquement ingouvernable par son mouvement de désobéissance civile, et s’il y avait des appels du pied à l’armée à prendre le pouvoir, son irruption sur la scène politique ne semblait pourtant pas le scénario le plus probable. Comment en est-on arrivé à ce traitement radical de la crise ? L’histoire nous le dira. Pour le moment, le vin est tiré, il faut le boire jusqu’à la lie. Et c’est là que se posent les questions politiques existentielles.
La situation politique, de façon générale, se caractérise par une transition annoncée pour une durée de 18 mois. Un des premiers enseignements que l’on peut tirer sur le vif, c’est un bannissement de la classe politique. Il y a eu comme un apartheid viscéral dirigé contre la classe politique qui, en trente ans de pratique démocratique, s’est beaucoup illustrée par la duperie du peuple, l’enrichissement sauvage ayant donné naissance à une bourgeoisie compradore à la malienne… La chute du régime du Président Ibrahim Boubacar KEITA est perçue comme une occasion de nettoyer les écuries d’Augias. Si la classe politique est tolérée pour prendre part aux concertations nationales des 10, 11, et 12 septembre 2020, elle est superbement snobée pour la composition du Collège de désignation du Président de la Transition. Après la « pipolisation » de la politique, place à la télé-réalité dans la politique.
Les hommes politiques pris individuellement ? Ils ne paraissent pas avoir connu meilleure fortune. Un des baromètres de cette censure pourrait objectivement être la formation du Gouvernement de Transition. À en croire la communication qui a pignon sur rue, le ‘’Mali kura’’ exige des hommes nouveaux pour de nouvelles ambitions. Si l’on a quand même vu de vieilles têtes à la tête de certains départements ministériels, parce qu’au Mali on partage la charge dans un grand mouvement girondin, elles ne sont pas celles politiques qui sont présentes à tous les râteliers. Il y a-t-il risque d’attiser les clivages ? À première vue, ceux qui détiennent la réalité du pouvoir veulent faire du neuf sans faire dans la démesure avec l’ancien. Mais cette délicatesse ne devrait pas faire perdre de vue que la classe politique et ses acteurs se trouvent dans une posture très inconfortable de pestiférés de la République.
Comment faire un virage pragmatique et programmatique pour réhabiliter l’image de la classe politique partie en lambeaux ? L’équation est simple : chacun, en ce qui le concerne, devrait pouvoir s’infliger (parce que ce devrait être un exercice douloureux dans le cas d’espèce) une introspection, faire le diagnostic de ses graves manquements ; ensuite, retrouver, simplement le sens des priorités. La priorité la plus pressante pour la classe politique et les acteurs politiques, comme le suggère l’ancien Premier ministre Moussa MARA, c’est de se transporter sur le terrain, de tenir aux futurs électeurs le langage de la vérité alimentée à la sève d’un programme cohérent. Cela pour deux raisons toutes simples.
La première est que la courtisanerie prospérera difficilement dans ce contexte de la Transition où les responsables ont promis des résultats à la population et entendent de la lui donner.
La seconde, est que les prochaines élections ne seront pas organisées par des acteurs qui seront juge et partie. Ce qui présage un crépuscule pour ceux qui ont fondé leurs mandats électifs sur les tripatouillages. D’ailleurs, le Président de la Transition, lors de sa prestation de serment n’a pas usé la langue de bois pour se prononcer sur cette question : ‘’(…) il nous faudra sans délai mener une réflexion profonde sur les tares de nos processus électoraux, et ce, à l’effet de nous doter de bons textes, de bonnes pratiques, de solides contre-pouvoirs, car ce sont ceux-là, la force de toute démocratie.
Au nom du peuple malien qui ne saurait être privé de ses choix, au nom de la vérité des urnes qui doit être la seule norme en démocratie, je combattrai sans concession les scrutins aux coûts astronomiques, la fraude électorale, l’achat de voix, l’incursion de l’administration dans le processus électoral, la perversion des résultats pour les Cours d’arbitrage’’.
En somme, c’est par le travail, dans la vérité que se construira le Mali kura qui, faut-il en convenir, n’adviendra pas comme un coup de baguette magique.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN