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Série de coups d’État en Afrique (de l’Ouest) : Au nom du peuple, du militaire et du tréillis

Si le vent de la démocratie des années 90 a apporté un semblant de légitimité aux dirigeants, les coups d’Etat viennent, ces dernières années, leur rappeler stoïquement que les peuples et leurs armées ont les sifflets à la bouche pour dire stop !

 

Décidément, le virus du coup d’Etat est très contagieux ! Le Burkina Faso de Roch-marc Christian Kaboré vient d’en faire l’amère expérience, frappé de plein fouet par le phénomène, au moment où les uns et les autres pointaient leurs doigts accusateurs de mépris et de condescendance vers le Mali du Colonel Assimi Goïta. Ça n’arrive donc pas qu’aux autres !! Et ce n’est pas la Guinée du Colonel Mamadi Doumbouya, qui dira le contraire. Le ver est déjà dans le fruit de nos Etats déliquescents et poursuit bonnement son processus de…putréfaction. Même si la France colonisatrice et néocolonialiste est ici ou là à la manœuvre. Protectrice ou déstabilisateur du putschiste, selon les cas. Et ce n’est pas le « fils bien-aimé » de feu le Maréchal Idriss Déby Itno du Tchad qui dira le contraire. Comme pour dire que même la France macronienne reconnaît le bon coup d’Etat du mauvais !

Quelles sont les conséquences politiques et les impacts sous-régionaux de ces coups d’État en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Ouest ? Le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, depuis trois jours, le Tchad (dans une certaine mesure), le Soudan se sont résolument engagés dans le phénomène des ruptures brutales de l’ordre constitutionnel avec diverses fortunes. Ici ou là, ces renversements populo-militaires des pouvoirs démocratiquement élus sont des signaux évidents d’un divorce entre les populations et leurs dirigeants. Ces pays sont ou s’apprêtent à se lancer dans des transitions politiques complexes, sous pression d’institutions régionales qui cherchent aussi à garder le contrôle.

A en croire RFI, l’Afrique de l’Ouest a toujours été marquée par des renversements de régimes politiques, mais l’année 2021 et ce début de la nouvelle année, on a vu apparaitre deux « familles » de coups d’État, une distinction qui n’a fait qu’accentuer les tensions politiques dans la sous-région. Avec ou sans armes : voilà, en schématisant, la distinction faite par les États et les institutions.

D’un côté, on observe l’acceptation d’un coup d’État institutionnel, avec le maintien au pouvoir d’une lignée, comme celle de la famille de feu Idriss Déby Itno au Tchad. De l’autre, le rejet des coups d’État militaires, comme au Mali en août 2020 puis en mai dernier, en Guinée début septembre, et depuis trois jours au Burkina Faso.

Début décembre, lors du sommet paix et sécurité de Dakar, le président Macky Sall, comme l’avait fait avant lui le chef de l’État français Emmanuel Macron, faisait encore cette distinction en ne citant que le Mali et la Guinée : « En Afrique de l’ouest, nous avons deux pays qui ont été frappés, le Mali et la Guinée. Nous ne pouvons pas accepter que les militaires prennent le pouvoir par les armes. Nous sommes en démocratie, le pouvoir se conquiert par les élections. » Sauf que le dirigeant sénégalais semble oublier que cette démocratie a bruyamment révélé ses limites, depuis plusieurs années. Elle a enrichi une élite et appauvri  les peuples…

Même si Macky Sall et ses homologues ne le reconnaissent pas, ces coups d’État au Tchad, au Mali, en Guinée et aujourd’hui au Burkina Faso, sont avant tout la conséquence de dérives sociopolitiques : volonté de rester au pouvoir, État au service d’un clan ou encore violations des droits de l’homme, crise sécuritaire et sociales aggravées…

La CEDEAO effondrée et discréditée

Pour Alioune Tine, ancien responsable d’Amnesty International en Afrique de l’Ouest et fondateur du think thank, AfrikaJom Center, les putschs se sont multipliés, car la Cédéao est affaiblie par ces dérives à répétition des dirigeants. «Les coups d’État sont la conséquence de dysfonctionnements graves et en réalité, le coup d‘État arrive comme une espèce de thérapie, mais c’est une fausse thérapie. Cela révèle une chose, c’est l’effondrement des mécanismes de régulation des tensions politiques à la Cédéao. La Cédéao s’est pratiquement effondrée, le leadership est assuré par des pays qui ne sont pas démocratiques. La politique ne fait plus sens et quand les militaires arrivent, les gens applaudissent », explique-t-il.

En clair, les populations sont, dans la plupart des cas, dépitées par la gouvernance des politiques traditionnels, qui ne semblent penser qu’à leurs propres intérêts. A titre d’exemple, comment comprendre que le budget annuel d’une institution démocratique au Mali soit d’une dizaine de milliards de F CFA, dans un pays où des gens traversent des difficultés alimentaires ? Comment comprendre que la distribution des richesses se fasse dans ces pays seulement entre les décideurs politiques au détriment des populations confrontées au chômage, aux problèmes de santé, d’alimentation, de sécurité, etc ? Ces populations finissent par croire à tort ou à raison, que les militaires peuvent constituer une bouée de sauvetage, s’ils se hissent à la tête des Etats, ne serait-ce que pour un temps.

Point commun donc de ces putschs, les dirigeants des transitions politiques sont des hauts gradés de l’armée qui refusent de se soumettre. Mahamat Idriss Deby Itno au Tchad était responsable de la sécurité du palais présidentiel. Assimi Goïta au Mali, Mamadi Doumbouya en Guinée et aujourd’hui Paul-Henri Sandaogo Damiba étaient tous de hauts cadres militaires ou des forces spéciales. Trois dirigeants qui ont fait le choix stratégique de dissoudre les institutions, bloquant, de fait, tout retour en arrière et projettent le changement voire « la refondation ».

Faiblesse des institutions locales, perte d’influence de la France, faiblesse également de la Cédéao et de l’Union africaine, tous ces éléments ont permis à ces militaires de s’imposer jour après jour, estime Ibrahima Kane, observateur et militant sénégalais des droits de l’homme. « On est dans des sociétés qui sont en totale décomposition. Il n’y a plus de structures capables de jouer le rôle que la société civile jouait par le passé. Et cela permet à ces militaires de surfer, de développer des stratégies, d’aller dans des directions qui sont les leurs et qui ne sont pas celles de la population. Aujourd’hui, en dehors de ces militaires, il n’y a absolument rien », analyse-t-il.

Repenser la démocratie

Alioune Tine va dans le même sens. Il estime que ces coups d’État à répétition en 2021 et cette année 2022, avec des dirigeants de transition qui refusent de respecter les codes constitutionnels, notamment les calendriers pour organiser des élections, sont un des signes, une conséquence directe aussi, de systèmes démocratiques à bout de souffle en Afrique de l’Ouest. « On vit quand même une des périodes historiques postcoloniales les plus sombres dans l’espace Cédéao. Et il me semble que nous devons repenser les démocraties en Afrique de l’Ouest, repenser la gouvernance et repenser la géopolitique », selon lui.

Début janvierMacky Sall prendra la tête de l’Union africaine. Très critique sur ces putschs, il sera intéressant de voir si le président sénégalais, qui refuse de son coté de dire s’il sera ou non candidat à un troisième mandat, poussera ou contraindra les dirigeants des transitions au Mali et en Guinée, mais aussi du Tchad, à organiser au plus vite les élections présidentielles. 

Bruno D SEGBEDJI avec RFI

Source : Mali Horizon

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