Une bouffée d’optimisme qui rime avec un déni toxique de réalité, voilà le tableau sarcastique des sprinteurs pour l’Hémicycle qui feignent d’ignorer, tout comme les autorités, les obstacles sur la piste.
Il est vrai que le Dialogue National Inclusif (DNI) a avalisé en même temps donné une option morale à la tenue des élections législatives en faisant une des mesures prioritaires à mettre en œuvre dans le court terme. Il est également vrai que le mandat des députés étant échu depuis 2018, le renouvellement de l’Assemblée nationale est un impératif démocratique et légal. Tel est le substrat dans lequel plonge ses racines l’organisation d’élections législatives. Mais, que de hourvaris ! Les réserves de la Coordination des mouvements armés (CMA), du Conseil Régional des Jeunes de Ménaka et de bien d’organisations de la société civile sont connues. L’existence, sinon la persistance et l’extension exponentielle de zones rouges désertées par les populations (donc les électeurs) sont un faux secret.
Ce que l’on sait moins, ce sont les arguments qui fondent l’alacrité des athlètes politiques et autres promoteurs et arbitres administratifs quant à la tenue des élections législatives dont le 1er tour est fixé au 29 mars prochain. À commencer par le nerf de la guerre, à savoir l’oseille. Pris dans les remous des revendications catégorielles insatisfaites pour beaucoup, le Gouvernement a-t-il les reins suffisamment solides financièrement pour relever le pari de l’organisation matérielle de ces élections ? La question vaut son pesant d’or ; d’autant plus que chat échaudé craint l’eau froide. Parce que l’après présidentielle de 2018 est apparue comme une longue gueule de boit, tant les caisses étaient désespérément vides, la faute à une roguerie nationale d’organiser l’élection sur fonds propres.
Par ailleurs, quelle carte va-t-on sortir de la manche pour faire voter des électeurs des électeurs qui ont abandonné leurs villages (donc leurs bureaux de vote et même leurs circonscriptions électorales) ou qui sont sous la coupe des jihadistes ? Si la présidentielle de 2018 a été sécurisée, avec plus ou moins de fortune, par toutes les armées présentes sur le sol malien, y compris les mouvements armés, la donne sécuritaire, en cette année 2020, est hautement plus complexe et plus explosive. Les armées elles-mêmes sont plus que jamais en insécurité.
Quant au plan de substitution des agents électoraux, dont le gros du contingent est traditionnellement constitué des enseignants toujours en grève, il est clair comme du jus de boudin. À ceux-ci s’ajoutent les travailleurs des collectivités territoriales qui menacent, à travers leur syndicat (SYNTRACT), de prendre purement et simplement en otage les élections si leurs revendications n’étaient pas satisfaites d’ici là.
Blague et mauvaise rime à part, tout ne va pas bien, pour le mieux, dans le meilleur des mondes maliens. Dans certaines circonscriptions, il va falloir envisager des partielles en prenant en compte pour cela le momentum propice. Mais on préfère cabotiner et ça roule jusqu’au blocage imminent.
PAR BERTIN DAKOUO
Source: info-matin