Des impayés passés de plus de 30 milliards de FCFA en 2017, à plus de 52 milliards FCFA en fin 2018 . Le Bureau du Vérificateur Général (BVG) vient de publier, ce mois-ci, un rapport individuel sur la vérification de performance de la gestion de la Société Energie du Mali (EDM-SA) sur la période du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019. Le document relève de nombreuses insuffisances dans la gestion financière, notamment un écart important entre l’énergie produite et celle facturée et les impayés qui ont atteint plus de 52 milliards de FCFA au 31 décembre 2018, soit une hausse de 71% par rapport à la fin 2017.
EDM-SA, société anonyme à caractère industriel et commercial, est le concessionnaire principal du service public de l’électricité au Mali, dont elle est chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation.
Cependant, la demande d’énergie électrique au Mali est en constante progression (+10% par an en moyenne), alors que la société fait face à une situation financière critique, caractérisée par un déficit d’exploitation récurrent et une forte croissance du niveau d’endettement. Elle est soutenue par l’Etat pour maintenir un niveau de tarification abordable de l’électricité et assurer l’équilibre financier de la société. C’est ainsi que, du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019, EDM-SA, en plus de ses recettes propres, de l’ordre de 600 milliards de FCFA, a bénéficié de 133 milliards de FCFA de subvention de l’Etat, qui a pris d’autres mesures importantes pour améliorer la situation financière de la société, telles que l’annulation d’une partie de la dette fiscale, à hauteur de 24 milliards de FCFA, et l’apurement de la créance de la société vis-à-vis de la centrale thermique Sogli Pangueba Mohamed (SOPAM) Energie, pour un montant de 21 milliards de FCFA.
Le rapport soulève de nombreux manquements, entre autres, la difficulté pour la société de gérer le mix énergétique qui ne favorise pas une gestion économique de la production d’électricité. Ainsi, la revue des factures d’achat d’énergie et de combustibles a fait ressortir que la société EDM-SA a dépensé 118,094 milliards de FCFA en 2016, 133,778 milliards de FCFA en 2017 et 171,158 milliards de FCFA en 2018 en achat de combustibles et d’énergie, soit une hausse de 45%, en deux ans. Le document d’ajouter que ces achats représentent environ 98% du montant des ventes d’énergie hors subvention et 85% des ventes avec subvention. Ce coût d’achat est très élevé et ne permet à EDM-SA de dégager qu’un reliquat de 2% pour couvrir les autres charges. Cette dépense importante en achat de combustible est due à une utilisation de l’énergie thermique, qui représente 66% des énergies produites par EDM-SA et près de 72% de sa production totale.
Le rapport relève que EDM-SA ne procède pas à la facturation de toutes les énergies livrées. Ainsi, de 2016 à 2018, il existe un écart de 806.052 MWH entre l’énergie livrée et l’énergie vendue par EDM-SA, soit 14% d’énergie livrée mais non vendue. Ces pertes d’énergie sont évaluées, à raison d’un prix de vente moyen de 100.5 FCFA le KWH, à 81.008.226.000 FCFA sur 3 ans. A cela s’ajoutent les « fraudes » au niveau des compteurs ISAGO, dont le contrôle par la société n’a commencé qu’en fin 2019.
Par ailleurs, EDM-SA renonce à une partie des recettes au profit des sociétés privées, qui auraient pu facturer les commissions aux clients comme cela se fait avec le système des services de paiement des sociétés téléphoniques. Ainsi, entre le 1er janvier 2016 et le 30 septembre 2019, EDM-SA a payé plus de 11. 160.000.757 FCFA de commissions à ses partenaires, dont 11.055.774.480 FCFA pour le seul partenaire Energia.
Au niveau du recouvrement, il ressort du rapport que la société EDM-SA n’effectue pas un suivi rigoureux de ses créances. En effet, entre 2017 et 2018, le montant cumulé des impayés est passé de 30.656.759.243 FCFA, au 31 décembre 2017, à 52.531.240.958 FCFA, au 31 décembre 2018, soit une augmentation de 71% en une année.
En tout cas, les travaux de vérification ont mis en exergue, de manière générale, un faible niveau d’investissement dans le domaine de l’énergie au Mali, l’incapacité de la société à faire face aux demandes sans cesse croissantes et au déséquilibre financier dû aux politiques de production et de tarification.
Le rapport de conclure que » la gouvernance en place au sein de la société EDM-SA ne lui permet pas d’atteindre ses objectifs. De plus, les activités de production et de commercialisation, telles que menées, ne favorisent pas un équilibre financier de la société à court et moyen termes « .
Y. CAMARA
Source: l’Indépendant