Si le risque de spéculation est écarté en ce qui concerne les produits de première nécessité, d’autres denrées ont pris l’ascenseur
La communauté musulmane de notre pays, à l’instar de toutes celles du monde entier, se prépare à accueillir ce week-end le mois béni de Ramadan. Moment d’évocation de Dieu, de lecture du Saint Coran, de recueillement et de prières par excellence, ce mois est aussi un grand moment de solidarité et d’entraide. Bien au-delà de la privation de nourriture et de boisson, il incite les fidèles à se recueillir, à ressentir la spiritualité qu’inspire chaque jour de cette période très particulière.
« Jeûner avec son cœur, jeûner pour Dieu uniquement, jeûner avec sa langue, ses actes, ses paroles, son comportement. Le véritable jeûne réside dans notre sincérité et se confirme par nos actions les plus nobles. C’est un mois où nos récompenses sont multipliées, et nos cœurs purifiés. Le meilleur profit à en tirer quant à l’accomplissement de nos œuvres bonnes réside dans ce mois », nous enseigne le Saint Coran.
Sur le plan des préparatifs matériels, le mois béni rime avec une plus grande consommation de produits alimentaires. Il impose au chef de famille de faire un surcroît d’efforts pour rendre les moments de rupture de jeûne agréable aux siens. Il n’est donc pas étonnant qu’à la veille du Ramadan, il règne une atmosphère toute spéciale dans les marchés de Bamako. Les étals sont exceptionnellement bien fournis pour accueillir l’arrivée des chalands venus s’approvisionner en produits de première nécessité comme le riz, le mil, le sucre, le lait, l’huile alimentaire.
NI PÉNURIE, ni hausse. A Bamako, comme partout à travers le pays, les décors de circonstance ont été plantés dans les marchés. Ceux-ci offrent bien sûr de nouveaux produits de consommation à la tentation des clients. Mais les valeurs sûres restent les mêmes. Ce sont les marchandises dites de Ramadan qui règnent en maître. Nattes et tapis de prières, chapelets, bouilloires ont envahi les moindres recoins de la capitale et se vendent comme des petits pains. Idem pour les accessoires indispensables à la ménagère: thermos, glacières, cafetières, bols, pots de lait, vaisselle diverse. Mais pour les pères de famille, la principale préoccupation est et demeure la disponibilité des produits de première nécessité et l’accessibilité à ceux-ci. Cette année, il faut reconnaître que de ce côté, le marché est bien achalandé et les prix restent acceptables. Il faut rappeler que cette situation ne s’est pas créée toute seule. Elle a été atteinte à travers les dispositions prises par le département du Commerce et par les importateurs. Grâce aux efforts déployés, les prix de ces produits sont stables. Pour le moment.
Au niveau du ministère du Commerce, le ministre Abdoul Karim Konaté est formel sur l’effet des précautions prises. « Le niveau d’approvisionnement du pays est excellent, indique-t-il. Il n’aura ni pénurie, ni hausse de prix. Nous avons accentué le suivi régulier du niveau des stocks depuis trois mois. A ce jour, les stocks disponibles sur le territoire couvrent 33 jours de consommation pour le riz, 145 jours pour le sucre, 35 jours pour le lait en poudre, 56 jours pour la farine de blé et 80 jours pour l’huile alimentaire. Mieux, nous avons demandé aux chargeurs et aux importateurs d’accroître le rythme d’importation pour éviter tout spéculation ».
« Cependant, assure le chef de département, les missions de la direction nationale du Commerce ont été renforcées. Un suivi régulier et sans complaisance est effectué chaque semaine. Je peux vous assurer que les spéculateurs ne seront pas épargnés. Car rien ne saurait expliquer une flambée de prix, surtout que le marché est à l’abri de toute pénurie ».
Les chefs de famille rencontrés dans les marchés corroborent les propos du ministre et ne cachent pas leur satisfaction. « Je viens d’acheter le sac de sucre à 21.000 Fcfa et le bidon de 20 litres d’huile à 13.000Fcfa. C’est réconfortant par rapport aux années passées. Mais il faut reconnaître que malgré tout, nos économies sont soumises à rude épreuve pendant cette période. Et notre soulagement est altéré avec l’annonce des hausses de prix sur l’électricité », témoigne ce chef de famille rencontré devant l’« Adema Boutique » à Ouolofobougou Bolibana qui ne désemplit pas en cette période.
Ousmane Sidibé, un autre pater familias rencontré dans cette boutique, se dit rassuré. « Le comité syndical de mon service a renouvelé son opération Ramadan cette année. J’ai pu faire ma provision à partir de là. Ici, je suis venu acheter du lait en poudre et des dattes. Je pense que nous pouvons espérer sur un bon Ramadan si le panier de la ménagère suivait la même tendance », indique notre interlocuteur.
Si du côté des clients, l’on s’accorde sur la stabilité actuelle des prix, au niveau des commerçants, l’unanimité est faite sur la quantité suffisante des denrées de première nécessité disponibles. Depuis une semaine, les magasins de stockage des grossistes grouillent de monde. En effet, des centaines demi grossistes et de détaillants s’affairent à consolider leurs stocks. Autour de ces magasins, on retrouve aussi de nombreux agents de l’administration ainsi que des responsables syndicaux venus négocier pour leurs collègues des produits à un coût raisonnable et assortis de facilités de payement. Confortablement assis dans son bureau, le PDG de GDCM, Modibo Kéita se veut rassurant. « Il n’y aura ni pénurie, ni hausse de prix. Nous avons assez de stocks dans les magasins pour supporter le mois de Ramadan et même au-delà. Les opérations d’importations continuent et se sont d’ailleurs intensifiées ces dernières semaines. Le prix du sucre connaît une baisse réelle cette année. Cela s’explique par la baisse du prix de ce produit sur le marché international. Le riz, local et importé, inondent pratiquement le marché », assure l’importateur.
La demande explose. Abondant dans le même sens, un autre importateur présente les marchés comme suffisamment achalandés. «Ici, nous disposons de tout ce dont le fidèle a besoin pour la rupture du jeûne. Du riz au sucre, du lait à l’huile, de farine à la datte. Les clients aussi viennent en masse pour acheter. Notre seul souci, c’est il y a moins d’affluence que les autres années. Les gens n’ont pas d’argent et beaucoup de salaires ne sont pas encore tombés », précise-t-il, l’air inquiet.
Au marché de céréales de Niaréla, c’est le même constat rassurant qui est reconduit. A l’image de des magasins des importateurs, on vit ici aussi au rythme des préparatifs du mois de Ramadan. Les centaines de sacs de petit mil – céréale fort prisée pendant le ramadan surtout pour la préparation de la bouillie de rupture de jeûne – se chargent et se déchargent de manière quasi ininterrompue. Déniché par nous dans sa boutique, Djibril Coulibaly, une poignée de billets de banque en main, l’air fatigué, assure que le marché est fluide. « Ici, le sac de 100 kilos de mil est cédé entre 19.000 à 20.000 Fcfa selon les qualités proposées. Cependant, ce prix connaît une petite hausse depuis deux semaines. Il faut savoir que le prix du mil évolue en fonction de la qualité et selon les zones de production. Par exemple, le mil en provenance des régions de Sikasso et de Mopti sont réputés de meilleure qualité et sont donc un peu plus chers que ceux des régions de Ségou et Koulikoro. De façon générale, pendant le Ramadan, comme la demande sur ce produit explose, dans les zones de productions on renchérit un peu les prix. Mais par rapport à l’année passée, le prix du mil est abordable », analyse le commerçant céréalier.
Tout n’est cependant pas positif dans le tableau que nous essayons de dresser. Si les dispositions prises ont permis de maintenir les prix des produits de première nécessité stables, la situation est toute autre en ce qui concerne les légumes et autres condiments frais ou secs qui constituent le panier de la ménagère. Visiblement, les spéculateurs en quête de profits se sont rabattus sur ces produits essentiels. Depuis que s’est amorcée la période des grandes dépenses du Ramadan, les prix des légumes et ceux des produits frais ont pris l’ascenseur. En effet, les vendeurs et vendeuses de condiments font allègrement exploser les étiquettes. Aujourd’hui, oignons, tomates, pommes de terres, carottes, haricots verts, autres légumes frais et poissons s’illustrent déjà par leur cherté.
MalgrÉ L’abondance apparente. Les vendeurs ne se sont pas trompés dans leurs calculs. Ils savent bien que les ménages bamakois n’ont d’autre choix que d’attendre la veille du début du mois de Ramadan pour faire provision des condiments dont la conservation prolongée serait compliquée. Concernant ces produits, il y a une vérité invariable. Les prix dans ce secteur tels qu’ils s’établissent dans les jours qui précédent le début du jeun se maintiendront quasi inchangés tout le reste du mois. Un tour au marché de condiments de la capitale nous autorise à risquer un pronostic hélas négatif : les ménagères auront du souci à se faire pour concocter les savoureux plats qui caractérisent le Ramadan et dont les jeûneurs raffolent.
Pour se convaincre de cette réalité, il suffit de se rendre au marché « Place de Niono » qui est le principal centre de négoce des produits secs, des oignons et des pommes de terre en provenance des zones de production. « Niono » est aussi et surtout le point d’approvisionnement des autres marchés d’oignons de la capitale. Ici, depuis lundi, des cargaisons d’oignons affluent à un rythme soutenu. Mais, dès leur arrivée, des véhicules transportant les légumes sont pris d’assaut par les commerçantes. Alors commencent les marchandages acharnés entre grossistes et détaillants. Malgré cette abondance apparente, les prix n’ont pas baissé. Au contraire, ils ont notoirement flambé. Le kilogramme d’échalote fraiche est passé de 250 Fcfa/kg à 500, voire 600 Fcfa, selon les négociants. Le kilogramme de gros oignons passe de 200 à 350 Fcfa. Une hausse importante frappe depuis trois semaines les prix de la viande et du poisson. Mais nous reviendrons plus en détails sur le panier de la ménagère dans nos prochaines parutions.
Ainsi va le marché en cette veille de Ramadan. Un marché à la structure fragile et à l’intérieur duquel les rebondissements les plus spectaculaires ne sont jamais à exclure entièrement. Cependant l’éventualité de mauvaises surprises pour les consommateurs a été sérieusement circonscrite cette année par les dispositions prises au niveau du département du Commerce. La vigilance reste toutefois de mise et nous suivrons avec vous l’évolution du marché tout au long de ce mois.
D. DJIRÉ
SOURCE / ESSOR