Comme des hommes politiques de l’opposition malienne, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Cheick Tidiane Gadio, n’a pas su digérer les sanctions de la CEDEAO contre le Mali après le coup de force militaire. Pour lui, le Mali, un pays déjà fragilisé par des crises multiformes, ne doit pas être mis sous embargo par la CEDEAO. «Le Mali, pays essentiel de la communauté. Mali en guerre, Mali attaqué par la Covid comme tout le monde, le Mali menacé d’effondrement et désintégration en plusieurs États, le Mali victime du séparatisme, le Mali qui connait une crise économique très sévère à cause de la combinaison de tous ces facteurs, vous décidez de prendre ce pays-là, de le mettre sous embargo, de fermer les frontières, en réalité de punir le Mali parce que des officiers ont pris le pouvoir ! », s’est plaint M. Gadio qui estime que « ce phénomène doit être véritablement analysé et que les reformes sont urgentes ».
Pour lui, ces sanctions contre un peuple en souffrance prouvent que la CEDEAO n’est pas au service des peuples de l’Afrique de l’Ouest. « On n’a jamais réussi véritablement à créer une CEDEAO des peuples. La libre circulation, on n’a jamais eu ça. Nos transporteurs peuvent vous dire que ce n’est pas une libre circulation des biens et des personnes. Ils souffrent sur les routes de la communauté », a martelé l’ancien ministre d’Abdoulaye Wade.
Selon lui, il est incompréhensible que la CEDEAO décerne un blocus économique, financier, commercial contre un pays membre parce qu’il y a eu un coup d’État militaire. Mieux, il trouve que l’institution sous régionale étrangle le Mali avec l’embargo sous prétexte de vouloir l’aider à sortir de la crise. « C’est totalement insensé d’étrangler un pays parce qu’on veut l’aider, d’étrangler un pays parce qu’on veut le soutenir. On veut étrangler le Mali, le mettre à genou, mettre son économie à genou, faire souffrir son peuple », a-t-il dénoncé. Il trouve inacceptable de la part de la CEDEAO de demander à tous les sept pays qui entourent le Mali de le bloquer.
Il y a exception sénégalaise quand il s’agit du Mali
Même si le Président sénégalais a, lors du sommet extraordinaire des Chefs d’État de la CEDEAO, condamné le coup d’État au Mali, il s’est opposé à certaines sanctions de l’institution sous régionale contre ce pays frère. Il avait donc appelé la CEDEAO « à réapprécier les sanctions annoncées pour tenir compte des impératifs humanitaires ». Dans cette perspective, a indiqué la présidence de la République du Sénégal, les denrées de première nécessité, les produits pétroliers et les produits pharmaceutiques ne devraient pas être concernés par l’embargo.
Cette décision de Macky Sall a été appréciée par l’ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal qui trouve que bloquer entièrement le Mali est une « absurdité ». « Je pense que le Président Macky Sall a voulu montrer, quelques parts, qu’il y a vraiment une absurdité à punir un pays frère comme ça et en disant qu’on veut l’aider en le sanctionnant, en le punissant, en l’isolant », a-t-il laissé entendre. Pour lui, le Sénégal, un pays frère, ne pouvait pas ne pas faire exception quand il s’agit d’une sanction contre le Mali. « Je pense que la position du Sénégal a été courageuse, elle a été acceptable à tout point de vue et c’est une preuve supplémentaire que le président du Sénégal, tous les Sénégalais ensemble montrent que quand il s’agit du Mali, il y aura une exception sénégalaise », a entonné Cheick Tidiane Gadio.
Ce dont le Mali a besoin de la part de la CEDEAO selon Gadio
En lieu et place d’une intervention militaire proposée par certains Chefs d’État de la CEDEAO, le Président sénégalais, lui, a proposé le dialogue. Là aussi, M. Gadio affirme que Macky Sall a fait le choix de la raison. L’ancien ministre sénégalais tacle la CEDEAO. « Il est inimaginable qu’un texte de la communauté sorte pour dire que nous allons faire une opération militaire contre le Mali », a-t-il prêché avant d’ajouter : « Aucun citoyen de la CEDEAO ne peut accepter de prendre des armes contre le Mali. Ça n’a aucun sens ». À en croire cet ancien ministre diplomate, tout ce dont le Mali a besoin de nos jours, c’est qu’on prenne des armes avec lui contre les djihadistes, contre les narcotrafiquants pour l’aider à préserver son intégrité territoriale, à régler ses problèmes de conflits intercommunautaires.
L’homme politique sénégalais est même allé loin en plaidant pour le changement des textes de la CEDEAO. Pour lui, même s’il faut condamner les changements anticonstitutionnels, il ne faut pas faire souffrir un peuple déjà en difficulté. « Nous sommes tous contre le coup d’État, nous sommes tous contre les changements anticonstitutionnels, mais le Mali est une exception africaine. [ndlr]. Donc on doit appliquer un tarif particulier au Mali. On doit le soutenir, l’aider à sortir à cette crise », a affirmé Cheick Tidiane Gadio. À son analyse, « c’est bien de coller aux principes, mais c’est mieux de gérer la réalité et d’aider un pays frère à sortir de ses souffrances ».
Boureima Guindo
Source: Journal le Pays-Mali