Ils ont été chargés par le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières de situer les raisons d’une querelle qui empoisonne le climat social et l’économie de la localité
Le foncier était au centre de la visite que le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Mohamed Ali Bathily, vient d’effectuer dans la Région de Ségou. A San le 25 juillet, il a animé une conférence-débats sur le thème général du foncier et sur le cas particulier des parcelles en conflit dans les plaines aménagées de Tounga ouest et Tounga centre.
La conférence s’est déroulée dans la salle de réunion du cercle de San en présence de tous les responsables administratifs et politiques locaux, des représentants de la société civile et des paysans des villages concernés par les plaines en question.
S’épargnant une oiseuse entrée en matières, le ministre Bathily a justifié sa visite à San par différentes plaintes reçues de paysans expropriés de leurs terres à Guénesso par l’administration locale au profit de fonctionnaires et autres personnes ne résidant pas dans la localité.
Sur la question, il a été clair : les fonctionnaires n’auront jamais ces champs au détriment des paysans. « Toute autorité qui attribue anarchiquement les terres des paysans à d’autres personnes sera poursuivie et remise à la justice. Certains paysans ont été enfermés par les autorités administratives. Ils n’ont été libérés qu’après paiement d’une caution », a dénoncé Mohamed Ali Bathily.
Ces paysans, révèle-t-il, ont reçu 20 convocations des autorités administratives locales au moment où d’autres personnes sont en train de cultiver leurs champs à leur place.
Faisant observer que le Mali est un pays d’agriculture de 70 à 80%, il a rappelé que l’Etat devait gérer son patrimoine foncier de façon méthodique, rationnelle, rigoureuse. Et cela passe nécessairement par le respect scrupuleux des textes en vigueur.
Et le ministre d’assurer qu’aucun préfet ou sous-préfet n’a le droit de donner une portion de parcelle à quiconque pour y bâtir une maison d’habitation. Les administrateurs peuvent cependant délivrer des décisions de concession rurale, en respectant les seuils fixés pour chaque autorité. Pour les sous-préfets, ce seuil varie de 0,25 à 2,5 hectares. Pour les préfets, la fourchette se situe entre 2,5 et 5 ha. Quant aux gouverneurs, ils peuvent attribuer de 5 à 10 ha.
Mais dans l’application même des textes réglementant la délivrance des décisions de concessions rurales, on relève souvent un manque de loyauté notoire, estime le ministre. Certaines autorités administratives, sachant qu’elles ne peuvent dépasser le seuil autorisé, s’emploient à contourner la règle en délivrant plusieurs décisions de concessions rurales à la même personne et sur le même tenant. Très souvent, des personnes se retrouvent, par exemple, avec 20 hectares sur le même tenant.
Le ministre Bathily préconise de toujours consulter les propriétaires coutumiers pour éviter les conflits. Aujourd’hui, constate-il, certains paysans ne peuvent même plus cultiver au prétexte qu’ils n’ont pas de papiers (titres) pour leur champ. Des champs hérités de leurs ancêtres sont attribués à d’autres personnes. Mais le ministre a noté que malgré le constat alarmant, il y a encore, dans nos structures d’Etat, des agents honnêtes et dévoués pour la cause nationale.
Avant de donner la parole à l’assistance, Mohamed Ali Bathily a invité les populations au respect des autorités administratives et politiques et ces autorités, à la défense des intérêts du citoyen. Le maire de la commune rurale de N’Goa, Sidiki Traoré, a confirmé que les parcelles objet des litiges sont situées dans les plaines aménagées de Tounga ouest et Tounga centre. Avant leur aménagement par l’Etat, la population avait été consultée. Tous les représentants des villages avaient approuvé un projet qui prévoyait qu’après l’aménagement des plaines par l’Etat, d’autres paysans auraient la possibilité de s’installer sur le site. Toutes les conditions posées à l’époque furent alors acceptées par ceux qui se plaignent aujourd’hui.
Le gouvernement et ses partenaires ont alors procédé à l’aménagement des parcelles rizicoles. Sous l’égide du préfet d’alors, une commission de distribution fut mise en place et a défini les critères d’attribution des parcelles aménagées.
Dans la commission, figuraient des représentants de tous les villages concernés et tous approuvèrent l’ensemble des critères établis. Mais au moment de l’installation des paysans, conformément aux critères convenus, certains ont tenté de saboter le travail au prétexte que leurs champs ancestraux ont été attribués à d’autres. Toujours selon le maire, au départ, ces mêmes champs leur avaient été proposés mais ils avaient refusé de s’y installer. Ce qui a amené la commission d’attribution à les réattribuer à d’autres paysans.
Le maire de N’Goa a soutenu que la responsabilité du préfet n’est nullement engagée dans cette affaire, car c’est la commission, en toute souveraineté, qui a tout décidé. Depuis, 4 préfets et autant de sous-préfets se sont succédé. Ils ont tous tenté de résoudre ce problème. Sans succès.
Le témoignage du maire de N’Goa a été corroboré par son homologue de Diéli. Dramane Diarra a précisé que le conflit n’est pas lié aux parcelles attribuées aux fonctionnaires mais à celles attribuées à certains paysans de la commune de Diéli.
A la suite de Dramane Diarra, la parole fut donnée aux paysans plaignants qui ont catégoriquement réfuté les propos des deux élus.
Le président du Conseil de cercle, Souleymane Tangara, a, pour sa part déploré l’affaiblissement continu de l’autorité de l’Etat. Lui aussi a confirmé que le préfet n’avait pris aucune décision arbitraire contraire à celle de la commission au sein de laquelle figuraient les représentants des plaignants.
Le préfet du cercle de San, Elhadj Sékou Bah, a salué l’arrivée du ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières à San, se réjouissant du fait qu’il soit venu avec des auditeurs pour faire la lumière sur le litige foncier. Il a rappelé que l’Etat et ses partenaires avaient déboursé 8 milliards de Fcfa pour l’aménagement de ces plaines.
Après la visite du ministre, les deux auditeurs qui figuraient dans sa délégation, sont restés pour faire le point précis d’une situation qui empoisonne le climat social local.
N. CAMARA
AMAP-San
SOURCE : L’ Essor