Des pluies diluviennes s’étaient abattues sur le quartier riverain du marigot de Banconi entraînant des pertes en vies humaines et l’écroulement de plusieurs maisons. Aujourd’hui, les maisons ont été reconstruites et les mêmes populations revivent, cinq ans après, dans la crainte d’un possible nouveau drame
Layebougou et Dianguinébougou sont deux secteurs du quartier Banconi en commune I du District de Bamako. Ils sont séparés par un marigot donnant une vue panoramique des maisons avec des croix blanches à perte de vue. Les eaux de ces dernières pluies coulent timidement et sans grande difficulté. Partout, des tas d’ordures cohabitent avec l’eau du marigot. Plus loin, vers le pont de Banconi Dianguinébougou, des jeunes ont formé un «grin». Au fil des heures, le groupe s’agrandit. Parmi les jeunes, Aba Diakité. De taille moyenne, électricien de son état, il est un des sinistrés des inondations de 2013. Revenant sur cette épreuve douloureuse qu’il a vécue, Aba dit qu’il revenait de l’entraînement vers 10 heures lorsque la pluie a commencé à tomber. D’après lui, il a suffi de seulemen 15 minutes d’ondée pour que les eaux envahissent les maisons. «Nous avions commencé à fermer les portes quand les eaux montaient. Quand cela n’a pas suffi, nous avions fait sortir les gens», se souvient-il avant de regretter que des enfants aient perdu la vie.
De graves pertes ont été aussi constatées. Aba Diakité est ainsi meurtri par la destruction de six chambres et des toilettes en banco dans sa famille. «A l’époque, j’étais rentré de la Côte d’Ivoire, j’ai perdu tous les colis de mon voyage ainsi que deux de mes balises», a-t-il déploré. Il montre la maison environnante où trois enfants ont perdu la vie.
Parmi ces enfants morts, il y avait celui d’Adama Mariko. Assis sur une chaise en plastique, attiéké dans une assiette fournie de poissons, Adama Mariko mange tranquillement. Dans les événements, sa famille a perdu trois enfants : son unique fils, les enfants de sa sœur et de son frère. «Tout ce que Dieu fait est bon», martèle-t-il avec un ton de piété. Aba raconte que son père a pu être sauvé à la dernière minute. «Nous avons déchiré les tôles pour l’extirper», rappelle-t-il. Juste après, ajoute-t-il, la maison s’est écroulée. Après les événements, les éléments de la Protection civile ont évacué les sinistrés dans les écoles fondamentales de la commune. Aba Diakité était chargé de recenser tous les sinistrés qui ont reçu des aides, notamment des vivres et des produits sanitaires et d’hygiène. «Nous avons mis en place une commission et nous avons même obtenu un récépissé», a-t-il rappelé. «Après, ajoute-il, nous avons rédigé des demandes d’aides mais nous n’avions rien reçu comme aide après l’incident». Salia Tangara vit au bord du marigot de Banconi Layebougou. Pendant les inondations de 2013, il a connu des dégâts au sein de sa famille. La même année, il a initié l’Association «Hérèko de Banconi Layebougou» composée des sinistrés. A travers cette association, précise Salia, des activités de salubrité ont été menées. En outre, les autorités municipales ont entrepris des travaux de surcreusement du marigot. «A l’époque, je m’étais réjoui de ce travail mais j’avais aussi suggéré que des dispositions soient prises pour le dépôt anarchique des ordures», explique-t-il.
«Après, nous n’avons rien vu comme travail », déplore-t-il, avant d’ajouter que le sable du surcreusement n’a pas été acheminé vers des dépositoires. Aujourd’hui, le sable a envahi le marigot. Il appelle les populations à se donner la main pour empêcher tout dépôt d’ordures afin que le passage naturel des eaux de pluie ne soit pas bouché. Pour éviter de nouvelles inondations plus désastreuses, les populations riveraines ont bénéficié de poubelles pour empêcher les gens de déposer des ordures aux alentours du marigot. «Nous avons du mali à mener cette lutte car certains pensent que le marigot appartient à tous.
Nous sommes fatigués et ne savons plus quoi faire, nous ne pouvons que sensibiliser ceux qui viennent déposer les ordures», affirme Aba Diakité avec beaucoup d’amertume. « Nous ne voulons plus que ces inondations se reproduisent. Pour cela, il faut bien creuser le marigot en profondeur et dissuader les gens à verser des ordures dans ces zones», préconise notre interlocuteur qui reconnaît que la mairie seule ne peut pas faire ce travail. Toutefois, il appelle les riverains à aider les autorités pour réussir les travaux de pavage. Les parcelles riveraines sont des zones à risque d’inondation pendant l’hivernage. Malgré tout, cela n’a pas dissuadé les populations qui continuent d’occuper l’endroit. Au Banconi, la confiance entre élus locaux et citoyens se détériore de jour en jour. Plusieurs habitants accusent les élus municipaux d’avoir vendu des parcelles aux plus riches, empêchant ainsi les eaux de couler naturellement.
Sékouba KONARÉ
L’Essor