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Sahel : Barkhane et la France en question

Initialement prévue pour le 16 décembre à Pau (France), la rencontre controversée que le président français Emmanuel Macron prévoyait d’avoir avec ses homologues du G5 Sahel est «reportée» au début de l’année 2020. Une décision qui, officiellement, est motivée par une attaque contre l’armée nigérienne, la plus lourde depuis le début de l’offensive djihadiste au Niger en 2015. Toutefois, les véritables raisons sont à trouver ailleurs.

L’armée nigérienne a subi une de ses plus lourdes pertes, depuis qu’elle est confrontée au défi du terrorisme armé, lors d’une attaque du camp d’Inates (ouest) à quelques kilomètres de la frontière malienne. Le bilan : selon un communiqué du ministère nigérien de la défense «71 militaires tués, 12 blessés, des portés disparus, et un nombre important de terroristes neutralisés».

Suite à cette attaque, le président nigérien Mahamadou Issoufou a écourté son séjour en Egypte où il participait à une conférence sur la «Paix durable, la sécurité et le développement en Afrique» pour Niamey, où il a tenu une réunion du Conseil national de sécurité le 12 décembre 2019.

En accord avec son homologue nigérien, le président français Emmanuel Macron, a ainsi annoncé le report de sa rencontre avec les chefs d’Etat des groupe des cinq du Sahel (G5 Sahel composé du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad) au «début de l’année 2020».

Auparavant, participant à un sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan) à Londres, le chef de l’Etat français avait annoncé avoir «convoqué» ses homologues du G5 Sahel le 16 décembre 2019 à Pau afin qu’ils «clarifient et assument» leur position. Il reprochait aux Chefs d’Etat de laisser faire les opinions publiques qui expriment de plus en plus leur hostilité à la France.

La sortie du président Macron intervenait au lendemain de la mort de treize soldats français dans la collision de leurs hélicoptères durant une opération au Mali, dans un contexte tendu, où la présence de bases militaires française est de plus en plus décriée par les populations locales.

Polémique autour de la «convocation» de Pau

La polémique qui a suivi cette annonce et la «riposte» dans certains milieux africains peuvent d’ailleurs expliquer le report, au delà de la raison officielle

Paris semblait déjà assez agacé par les critiques récurrentes contre la présence militaire française dans le Sahel. L’annonce de la réunion de Pau par M. Macron à quant à elle irrité une bonne partie de l’intelligentsia  africaine.

Un peu partout dans les pays concernés les citoyens ont répliqué parfois avec des termes violents, pour exprimer leur méfiance, voire leur défiance, vis-à-vis de la France et de la présence de ses troupes dans la zone.

Une manifestation populaire au Mali avait déjà rassemblé des milliers de personnes en janvier 2018, sont sorties exprimer leur mécontentement vis-à-vis des forces étrangères présentes au Mali, en particulier la force française Barkhane. Une partie des manifestants s’était retrouvée devant les locaux de l’ambassade de France à Bamako.

Le 11 décembre, lors d’une conférence de presse, à l’occasion du 59e anniversaire de la commémoration de l’indépendance du Burkina Faso, le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, par ailleurs président du G5 Sahel, a déploré le «manque de tact» du chef de l’Etat français.

«La forme et le contenu ont manqué de tact. Nous ne sommes pas dans une guerre entre le G5 Sahel et la France. Nous estimons que le partenariat doit être revu pour une meilleure efficacité sur le terrain. Il est important que le partenariat avec la France soit équitable et efficace dans l’intérêt partagé de nos populations respectives» avait déclaré le président burkinabè.

Une critique qui, quoique diplomatique, sonne comme une première chez des chefs d’Etats africains souvent critiqués pour leur soumission aveugle à la France.

Qu’on dise «Invitation» pour les uns ou «convocation» pour les autres, les propos de Macron sont mal passés aux yeux des observateurs ouest africains. Figure bien connue de la société civile nigérienne Moussa Tchangari parle d’une sortie «mal inspirée».

Le président Macron veut que «les chefs d’Etats lui donnent les garanties qu’ils prendront des dispositions pour empêcher les critiques contre la présence des forces militaires françaises. Donc c’est un défi et un recul sur le plan démocratique. De ce point de vue, c’est grave», souligne M. Tchangari le président de l’association Alternative Espaces Citoyens, cité par la DW à Niamey.

Au Niger une partie de l’opposition politique réclament d’ailleurs le départ des forces étrangères, en plus de la présence de Barkhane. Ce pays est devenu ces dernières années une arrière-cour des forces occidentales avec les bases militaires américaines et allemandes.

Dans la foulée, des intellectuels et organisations africaines de la société civile, ont dans une déclaration commune lancé un appel à une «redéfinition» des rapports avec l’ancien colonisateur français afin de mettre fin à l’«impérialisme» de ce denier.

«Nous croyons, en effet, que l’heure du choix décisif du rejet définitif de la domination historique de l’Etat français sur nos terres et sur nos Etats a sonné », peut-on lire dans ce texte signé par des organisations comme le Groupe de travail du Rapport Alternatif Sur l’Afrique (RASA – Afrique) et des intellectuels comme l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop.

En attendant la rencontre de Pau, désormais annoncée pour début 2020, les chefs d’Etats du G5 Sahel ont convenu de se concerter le 15 décembre prochain au cours d’un sommet sur le partenariat avec Barkhane, pour s’exprimer d’une même voix, annonce un tweet du président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré.

MN-ON

 

Source: ouestaf

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