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Rupture consommée, dialogue possible ? Les enjeux du sommet CEDEAO-AES à Accra

Les 22 et 23 avril 2025, la capitale ghanéenne, Accra, s’apprête à accueillir un sommet régional d’une portée sans précédent. À l’initiative du nouveau président ghanéen, John Dramani Mahama, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Mali du Colonel Assimi Goïta, le Burkina Faso du Capitaine Ibrahim Traoré et le Niger du Général Abdourahamane Tiani – seront réunis autour d’une même table, pour la première fois depuis la rupture diplomatique entre les deux blocs.

Bamada.net-Ce rendez-vous hautement symbolique se tient à un moment charnière : le cinquantenaire de la CEDEAO. Cinquante années d’intégration économique, de coopération politique, mais aussi de controverses, de tensions et de défis sécuritaires. Ce sommet pourrait ainsi marquer le début d’une redéfinition profonde des rapports entre les États ouest-africains, fondée non plus sur l’uniformité, mais sur une reconnaissance sincère de la diversité des trajectoires et des souverainetés nationales.

Une rencontre sous haute tension diplomatique

La CEDEAO, créée le 28 mai 1975 à Lagos, comptait parmi ses membres fondateurs le Mali, représenté à l’époque par le Général Moussa Traoré. Le rêve panafricain de l’époque reposait sur une convergence des politiques économiques et une solidarité régionale en matière de développement. Aux côtés de feu Sangoulé Lamizana (Haute-Volta), Mathieu Kérékou (Bénin), Seyni Kountché (Niger), Yakubu Gowon (Nigeria) ou encore Ignatius Kutu Acheampong (Ghana), tous militaires comme Moussa Traoré, les pères fondateurs espéraient bâtir un bloc solide et prospère.

Cinquante ans plus tard, l’unité régionale est mise à rude épreuve. La création, en septembre 2023, de l’Alliance des États du Sahel par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, marque un tournant. Cette alliance militaire et politique revendique une approche réaliste face aux menaces sécuritaires endémiques que subit le Sahel. Elle s’inscrit également comme une réponse à ce que ses membres considèrent comme des ingérences extérieures et une incompréhension des réalités sahéliennes de la part de la CEDEAO.

L’AES : un projet alternatif, pas un rejet pur et simple

À Bamako, Ouagadougou et Niamey, les discours sont clairs : il ne s’agit pas de saborder l’intégration régionale, mais d’en redéfinir les contours. L’AES n’a pas été créée pour s’opposer frontalement à la CEDEAO, affirment les dirigeants sahéliens, mais pour répondre aux défis spécifiques qui secouent leur région. Dans cette optique, la lutte contre le terrorisme, la maîtrise des transitions politiques et la résilience climatique sont des priorités majeures, trop souvent ignorées selon eux par les anciennes structures régionales.

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Le Colonel Assimi Goïta, le Capitaine Ibrahim Traoré et le Général Tiani ne cachent pas leur volonté d’affirmer une souveraineté pleine et entière, loin des conditionnalités imposées par certaines institutions régionales ou internationales. Ils ont martelé à plusieurs reprises que le retour à la CEDEAO n’est ni à l’ordre du jour, ni envisageable. « C’est fini, et c’est irréversible », entend-on dans les cercles proches des pouvoirs sahéliens. Mais cela n’exclut pas la coopération, ni même un partenariat redéfini sur la base d’un respect mutuel.

Accra : la diplomatie du possible

C’est dans ce climat délicat que s’inscrit l’invitation du président ghanéen, John Dramani Mahama. Fin connaisseur des équilibres ouest-africains, l’ancien chef d’État, récemment revenu au pouvoir, entend relancer la diplomatie régionale par le dialogue et non par la confrontation. Le sommet d’Accra, qui coïncide avec le lancement officiel des festivités du 50e anniversaire de la CEDEAO, représente une véritable tentative de relance d’un dialogue de haut niveau.

Le Ghana, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a rappelé que l’initiative vise à « restaurer les liens, relancer le dialogue et favoriser une coopération face aux divisions croissantes dans la sous-région ». L’invitation aux trois leaders de l’AES en est la preuve. Pour Accra, cette démarche s’inscrit dans un esprit de réconciliation lucide, sans naïveté, mais avec une foi renouvelée dans les vertus de la concertation.

Réconcilier sans uniformiser

Si la participation des dirigeants de l’AES au sommet d’Accra reste incertaine à l’heure actuelle, leurs relations bilatérales avec le Ghana sont jugées bonnes. Ce lien personnel pourrait jouer en faveur d’une présence physique ou d’une représentation de haut niveau à cette rencontre.

Pour autant, une chose est claire : le retour dans la CEDEAO n’est pas à l’ordre du jour pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ce sommet ne vise donc pas à les faire revenir dans le giron communautaire, mais plutôt à poser les bases d’une nouvelle architecture de coopération. Une CEDEAO réinventée, plus souple, plus ouverte à la pluralité des trajectoires nationales, pourrait voir le jour si le dialogue d’Accra débouche sur des engagements concrets.

Vers un nouveau pacte régional ?

Les enjeux sont énormes. La CEDEAO, traversée par des contradictions internes, a besoin d’un second souffle. L’AES, encore jeune, cherche à consolider sa légitimité et sa stabilité. Accra pourrait offrir un espace neutre pour imaginer un nouveau pacte ouest-africain, où l’autodétermination des peuples ne serait plus incompatible avec l’intégration régionale.

Le succès du sommet dépendra de la capacité des participants à écouter, à reconnaître les erreurs passées, et à s’engager sur la voie d’une coopération fondée sur le réalisme, la solidarité et le respect. C’est à ce prix que l’Afrique de l’Ouest pourra relever les défis colossaux qui l’attendent : insécurité, pauvreté, instabilité climatique, migrations…

Au moment où Accra se prépare à écrire une nouvelle page de l’histoire régionale, le regard des peuples sahéliens est tourné vers leurs dirigeants, dans l’espoir que la voix de la paix et de la dignité triomphera enfin des querelles d’appareils.

 

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Ladji Djiga Sidibé

 

Source: Bamada.net

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