Le choix de M N’Daw a surpris les maliens parce que l’homme n’était pas connu dans l’arène politique. C’est un choix qui a séduit la majorité des citoyens même si certains y voient la continuité de l’ancien régime et d’autres une mainmise des militaires sur le pouvoir. Bah N’Daw étant un ancien colonel à la retraite qui a servi sous les trois derniers régimes, on peut légitimement s’interroger à son propos. Mais son indépendance et sa probité (une réputation qu’il s’est forgée au fil du temps) plaident en sa faveur. Le citoyen malien lui souhaite bon vent.
Toutefois, certaines déclarations de politique générale faite par le Sir N’Daw attirent l’attention. Il s’est engagé à lutter contre la corruption, l’impunité, à respecter la Constitution, la charte de Transition et à tout faire pour réaliser l’unité africaine. Des déclarations, pleines d’espoir pour le peuple malien, mais aussi des ambitions démesurées.
En effet, la lutte contre la corruption et l’impunité en dix-huit mois de transition, un peu comme les travaux d’Hercule, relève de l’impossible. S’agissant particulièrement de la corruption, ce fléau dévastateur de toute l’Afrique, une lutte ouverte peut être initiée mais elle n’atteindra pas le résultat escompté. La corruption est ancrée dans nos mœurs, et c’est tellement regrettable pour un peuple dont la noblesse était connue de par le monde. Elle sévit à tous les niveaux, les milieux sociopolitiques et même dans nos lieux de culte.
L’ampleur du phénomène est telle que seul un changement de mentalité pourrait venir à bout. Pour y parvenir, il faut rééduquer le malien. Avec l’éducation civique, la morale républicaine prendra le dessus. La nature ébauche mais l’éducation l’achève. Tant que les pouvoirs publics continueront à traiter l’éducation nationale en seconde priorité, tous les chantiers entrepris s’écrouleront tels des châteaux de sable. La déliquescence de la morale, cause principale de la corruption, ne peut permettre la reconstruction d’une nation divisée, appauvrie et meurtrie.
L’éducation demeure donc le premier rempart contre ce mal sexagénaire. Aussi le président de la Transition aurait dû insister sur son engagement à faire son fer de lance, sa priorité du moment le rétablissement de la morale républicaine par celui de la lettre de l’école de la république. S’agissant de la lutte contre l’impunité, l’engagement ferme pris par le président de la transition doit être accompagné des actions fortes. Les maliens doivent apprendre la vertu du respect des lois au besoin par la contrainte.
Le Vérificateur général dispose de nombreux dossiers de détournements et de malversations en tous genres. Le traitement imminent, la poursuite au pénal des fonctionnaires concernés, serait un signal fort et audible. En outre, un audit, dans un délai très court, de tous les services financiers de l’État s’impose. Il permettra de donner un sens à cette lutte contre l’impunité.
Le président de la Transition a les moyens de cette ambition et devra en user pour être en phase avec son serment. Il est désormais le bras armé et le justicier des pauvres. Il ne peut se détourner de l’urgence de rétablir l’ordre social et économique, au besoin par la contrainte. Avec le concours des forces armées, la lutte contre l’impunité, l’insécurité et le désordre ne relève pas de l’impossible.
L’ancien militaire, devenu président civil d’une république en chute libre, devra faire preuve de discipline et de discernement car le peuple souverain a atteint les limites de sa patience.
Vive la république
Vive le Mali
Dr Moussa Dougouné, depuis Paris