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Riz local : le défi de sa valorisation

En l’Afrique de l’Ouest, le riz constitue la denrée de consommation de base. Elle occupe une place prépondérante dans la sécurité alimentaire des populations rurales et urbaines de la région. Sa production est en grande partie assurée par de petits exploitants agricoles. Leurs moyens de subsistance et les revenus demeurent très faibles. La demande en riz dans la région est en hausse constante.

Tirée par notamment la croissance démographique entraînant l’accroissement de la consommation, elle dépasse souvent la production. Ce déficit au niveau local entraîne une hausse constante des importations de riz. Cette situation semble avoir un impact réel sur les budgets publics. Aussi, expose-t-elle la région à la volatilité des prix du marché mondial.

C’est ce que soutient le coordinateur national de la Plateforme des riziculteurs du Mali. Rencontré à son bureau, Abdoulaye Koureissy estime que la production locale de riz est fortement impactée par l’importation. Les riz étrangers, importés à moindre frais des Philippines, du Vietnam, de la Birmanie, de la Thaïlande, du Pakistan, etc. inondent le marché malien, déplore le producteur. Ces riz sont pourtant généralement conservés dans des entrepôts durant cinq, sept, voire dix ans. Ils subissent pour ce faire des traitements chimiques.

Le riz local, lui, est plus vertueux comparé à ces conserves en terme de qualité et de coût. Il est celui de la campagne, c’est-à-dire produit durant l’année de consommation et utilise peu d’engrais, explique Abdoulaye Koureissy. En la matière, précise l’expert, il existe cinq systèmes de productions de riz au Mali : la maîtrise totale de l’eau en zones Office du Niger, la submersion contrôlée où la maîtrise partielle de l’eau, la submersion libre, les systèmes bas-fonds et le système pluvial.

50% de la production rizicole nationale provient de l’Office du Niger où les superficies sont très grandes. Également en maîtrise totale de l’eau, les Offices de Baguinéda, riz Mopti, du Moyen Bani, du développement rural de Sélingué, l’Agence pour la mise en valeur de la haute vallée du fleuve Sénégal (ADRS) couvrant les localités de Kita, Manantali, Bafoulabé et Mahina participent également à la production nationale. Grâce à ces superficies aménagées au prix de durs labeurs avec des pertes en vies humaines (comme les travaux forcés à l’Office du Niger), le riz va prendre l’ascendant avec le projet «Initiative riz».

Le déclic est venu de la crise économique de 2008 ayant entraîné une flambée des prix dans le monde et une rareté en denrées alimentaires notamment le riz. À partir de là, les différents pays ont mis en place des politiques pour promouvoir la production locale et subvenir à leurs besoins alimentaires.

«L’Initiative riz» entre dans ce cadre. Elle est soutenue par des mesures d’accompagnement relatives à la subvention des engrais, des équipements agricoles et l’aménagement de superficies. Résultat : la production dépasse plus d’un million de tonnes en 2008 avant d’atteindre plus de trois millions de tonnes de riz paddy en 2019. Depuis, le Mali est le deuxième pays producteur de riz en Afrique de l’Ouest après le Nigeria.

Cette hausse fulgurante de la production et de la productivité entraîne un changement dans les habitudes alimentaires. «Auparavant, on mangeait plus le mil, sorgho, maïs. Mais compte tenu de la baisse de productions au fil des ans, le riz a gagné du terrain. Les gens ont commencé à aller vers le riz qui demande moins de travail pour la cuisson comparé aux maïs, sorgho et mil», analyse le coordinateur national de la Plateforme des riziculteurs du Mali. Le volume de consommation du riz blanc par personne sur une année a augmenté. Il s’élève à plus de 75 kg, contre moins de 13 kg à l’accession du pays à l’indépendance, rappelle Abdoulaye Koureissy.

Lorsque l’on essaie de faire une extrapolation, le besoin national en riz pour les 20 millions de Maliens (en raison de 75 kg par personne par an) est de moins de 1,5 million de tonnes de riz graine. Ce, sans tenir compte des capacités de consommation des enfants et des personnes âgées. Décortiquées, les 3 millions de tonnes de riz paddy produites chaque année valent 1,5 million de tonne de riz gaine. En zone Office du Niger, deux sacs de riz paddy font près de 100 kg pour le Gambiaka et plus de 100 kg pour la variété Adny.

Malgré cette disponibilité, nos institutions qui achètent le riz, notamment l’armée, les cantines scolaires, les hôpitaux, le Stock national de sécurité de l’état géré par l’Office des produits alimentaires du Mali (Opam), sont essentiellement approvisionnés en riz importé.

Une étude de la Plateforme nationale des riziculteurs du Mali datant de 2014 a montré clairement que la production locale de riz peut satisfaire le besoin des Maliens à hauteur de 90 à 93%. Le besoin en importation tourne autour de 7 à 10%. Il est très courant de voir les autorités en charge du commerce autoriser l’importation d’environ 200.000 tonnes de riz exonérés pour faire, pour dit-on, baisser les prix à l’approche du ramadan. Nos importations normales de riz tournent autour de 180.000 tonnes de riz blanc.

Toute chose qui, selon Abdoulaye Koureissy, étouffe la production locale. S’y ajoutent la distribution et l’exportation non maîtrisée du riz malien par nos autorités. «Le riz local, ne sort pas par les corridors officiels de la douane. Aujourd’hui, il n’existe aucun dispositif pour maîtriser l’exportation de la production locale. C’est pourquoi, de plus en plus de Maliens se demandent où se trouve le riz malien», déplore Abdoulaye Koureissy.

Pour mieux valoriser le riz local, l’état doit maîtriser la production et la distribution, suggère le secrétaire exécutif de l’Interprofession de la filière riz (Ifriz) au Mali. Pour y arriver, propose Seydou Keïta, l’exécutif doit obliger ces institutions à acheter le riz local. «Aujourd’hui, il suffit que toutes les institutions de l’état s’engagent à acheter le riz local pour que la production locale puisse être valorisée», estime-t-il.

Approchées à cet effet, sur les 75 institutions identifiées et qui achètent du riz au Mali, au moins 25 ont répondu, selon lui. Les besoins de celles-ci (les 25) sont estimés à plus de 25.000 tonnes de riz grains et de 10.000 tonnes de riz paddy par an, évalue Seydou Keïta. Ce qui ne s’explique pas au regard de l’apport du riz à l’économie nationale. Le riz y apporte près de 300 milliards de Fcfa par an, affirme-t-il, précisant que le secteur reçoit moins de 20 milliards de Fcfa d’investissement de l’état par an.

Toutefois, la filière promet de produire plus de 5 millions de tonnes de riz d’ici 2025. Le pays dispose de plus de 2 millions d’hectares de terres irrigables pour ce faire, dont seulement 20% sont aménagées, assure le spécialiste. Avant d’interpeller : «L’Office du Niger est la chance que le Mali a que d’autres pays n’ont pas. C’est un pays où l’on ne doit pas parler de crise alimentaire».

La recherche a fait des prouesses qui peuvent être mises à profit, selon le chercheur à l’Institut d’économie rurale (IER) et non moins sélectionneur de riz basé à Sikasso. «Nous avons développé beaucoup de variétés. L’IER qui est la principale institution de recherche au Mali a deux stations qui s’occupent du développement du riz à savoir, le riz irrigué principalement basé en zone Office du Niger, le programme riz de bas-fond ou fluvial basé à Sikasso et le programme riz flottant ou d’immersion contrôlée qu’on retrouve au Centre et au Nord du pays», détaille Fousseyni Cissé, précisant que d’excellentes variétés ont étés développées, notamment le Gambiaka, le Nerica, le Wassa dounkafa et le Beka. Pour booster la production à souhait, il faudra relever le défi du financement de la recherche qui, selon lui, demande beaucoup de moyens.

Abondant dans le même sens, la direction nationale de l’agriculture (DNA) déplore la faible quantité de riz étuvé (riz traité après récolte), l’insuffisance de matériels adéquats de transformation (décortiqueuse, étuveuse, etc.) La DNA regrette aussi le coût élevé de la production, des problèmes d’emballage et d’étiquetage. Elle regrette l’insuffisance de cadre règlementaire protégeant la production interne.

Il faut ici rappeler que la zone Office du Niger disposait d’usines à cet effet à Molodo, N’Débougou, Dogofri et Kolongo qui ont été toutes démantelées depuis la fin de première République. L’entretien des machines de ces usines, des véhicules, des Caterpillar et autres engins lourds d’aménagement de l’ON était fait à Markala dans un atelier dédié comprenant le garage, les ateliers et les magasins. Il employait des centaines d’ouvriers qualifiés venus d’un peu partout à travers le pays. Les fonderies des Ateliers militaires centraux (AMC) fabriquaient de nouvelles pièces adaptables à toutes ces machines, engins et autres. Les Programmes d’ajustement structurels sont passés par là. Ouvriers compressés ou partants volontaires à la retraite…

Pour y faire face, la DNA prévoit des mesures pour accompagner les producteurs, en appui conseil, mise en valeur des aménagements hydro agricoles, formation des producteurs sur les techniques d’étuvage du riz et la vulgarisation de nouvelles technologies. Elle préconise de sensibiliser les consommateurs pour encourager le patriotisme économique et éviter les importations en masse afin «de valoriser et consommer ce que nous produisons».

Makan SISSOKO

Source : L’ESSOR

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