Cette étude, intitulée “Les risques d’apatridie au Mali et pour les Maliens vivant à l’étranger”, examine les législations et pratiques relatives à la nationalité au Mali et dans les pays d’accueil des Maliens. Elle analyse les causes et les conséquences de l’apatridie, les défis pratiques rencontrés par les populations à risque et propose des recommandations pour prévenir et réduire l’apatridie.
L’étude met en lumière les lacunes du cadre légal malien, les difficultés d’enregistrement des naissances, et les obstacles à l’acquisition de la nationalité, tout en soulignant l’importance de la coopération régionale et internationale pour éradiquer l’apatridie.
“Les Maliens vivant à l’étranger rencontrent plusieurs défis, notamment, la difficulté d’accès aux documents valides, ce qui expose leurs enfants à l’apatridie. Les lois de nationalité dans les pays d’accueil sont souvent restrictives et les procédures d’acquisition de la nationalité sont complexes et coûteuses. Les enfants nés à l’étranger ne sont pas toujours enregistrés dans les représentations diplomatiques maliennes, ce qui complique la preuve de leur nationalité”, souligne l’étude.
Les Maliens expulsés ou rapatriés arrivent souvent sans documents d’identité, ce qui rend difficile la confirmation de leur nationalité malienne. Après de longs séjours à l’étranger, certains Maliens ont adopté la nationalité du pays d’accueil de manière informelle, ce qui peut poser des problèmes de reconnaissance officielle. Les enfants victimes de trafic, notamment vers la Côte d’Ivoire et le Ghana, sont souvent sans documents d’identité, les exposant à l’apatridie.
Les risques d’apatridie pour les Maliens incluent les enfants nés au Mali ou à l’étranger qui ne sont pas enregistrés à l’état civil et qui risquent de devenir apatrides, surtout si leurs parents n’ont pas de documents d’identité valides. Les enfants trouvés au Mali, surtout ceux âgés de plus de 15 jours, peuvent rester apatrides si leur naissance au Mali n’est pas prouvée.
Les enfants nés de parents inconnus ou apatrides peuvent ne pas acquérir la nationalité malienne, les exposant à l’apatridie. Les personnes déplacées internes (PDI), qui ont perdu leurs documents d’identité durant les déplacements, peuvent avoir des difficultés à prouver leur nationalité.
Les Maliens rapatriés ou expulsés sans documents d’identité peuvent avoir du mal à prouver leur nationalité malienne. Les enfants vivant dans la rue ou de la rue, souvent sans acte de naissance, sont à risque d’apatridie.
Les populations nomades, qui ne s’identifient pas toujours à l’Etat malien et n’ont pas de documents d’identité, sont également à risque. Les habitants des zones frontalières dont la nationalité est incertaine en raison de la démarcation des frontières peuvent devenir apatrides.
Risques multiples
Les défis de l’état civil au Mali incluent, malgré l’augmentation du taux d’enregistrement, les éloignements. “Les centres sont souvent éloignés des populations, notamment dans les régions du Nord, ce qui complique l’enregistrement des naissances. Les agents de l’état civil sont souvent mal formés, non rémunérés et démotivés, ce qui affecte la qualité des enregistrements. Bien que l’enregistrement soit officiellement gratuit, des frais illégaux sont souvent demandés, ce qui dissuade les parents de faire enregistrer leurs enfants”.
A tout cela, l’étude ajoute les conflits armés qui ont détruit de nombreux registres d’état civil, rendant difficile la reconstitution des actes de naissance ; le délai de 30 jours pour déclarer une naissance est souvent trop court, surtout dans les zones éloignées.
Les populations ne sont pas suffisamment informées de l’importance de l’enregistrement des naissances. La transmission des déclarations de naissance et la conservation des registres sont souvent mal gérées. Le manque de décret d’application du Code des personnes et de la famille laisse de nombreux aspects pratiques indéfinis.
Procédures administratives inadaptées
Pour améliorer l’enregistrement des naissances au Mali, l’étude propose d’améliorer les infrastructures, de fournir les registres nécessaires et d’assurer la formation et la rémunération adéquate des agents de l’état civil. Pour ses auteurs, il faut informer les parents sur l’importance de l’enregistrement des naissances via les médias, le système scolaire, les leaders communautaires et religieux, et les organisations de la société civile.
“Il faut étendre le délai légal de 30 jours pour déclarer une naissance afin de tenir compte des réalités socio-économiques et géographiques du Mali ; faciliter et réduire les coûts des jugements supplétifs pour les enfants non enregistrés dans les délais légaux, notamment ceux affectés par la crise et mettre en place des équipes mobiles pour enregistrer les naissances dans les zones éloignées et touchées par les conflits”.
En plus, pour les auteurs, il faut accepter la base de données du Recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec) comme source pour la délivrance des actes de naissance et surtout permettre aux ambassades maliennes à l’étranger de transcrire les actes de naissance étrangers et d’enrôler les enfants dans le Ravec ; prêter une attention particulière aux enfants de la rue, aux enfants déplacés internes non accompagnés, et aux enfants trouvés pour assurer qu’ils possèdent un acte de naissance.
Le gouvernement doit adopter un moratoire pour faciliter l’enregistrement des naissances survenues dans les régions affectées par la crise et veiller au respect de la gratuité de l’enregistrement et des coûts officiels pour éviter les frais illégaux.
Alexis Kalambry
Source: Mali Tribune