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Revalorisation salariale réclamée par les magistrats : Le moment très mal choisi !

Dans un discours prononcé à la faveur de la rentrée parlementaire de la législature de 1995-1996, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Aly Nouhoum Diallo, disait en des termes limpides que « les Maliens ont une conscience aigüe de leur droit tandis qu’ils se soucient peu de leur devoir ». A ce propos, celui du magistrat est de rendre une justice saine et équitable pour les citoyens y compris les plus démunis.

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Est-ce le cas aujourd’hui ? Pas si sûr. Ils sont nombreux les citoyens qui pleurent des décisions de justice. Et le président du Haut Conseil Islamique, Mahamoud Dicko, a dit clairement à l’ancien président de la République, Amadou Toumani Touré, lors de la cérémonie de présentation de vœux en 2010, que les pauvres souffrent des mauvaises décisions de la Justice. De ce point de vue, leur revendication apparaît dans l’opinion comme un de coup de canif dans la poitrine de la République. Et pour cause….

 

Dans le contexte malien, selon nos sources, les magistrats « les enfants gâtés de la République » et les enseignants du supérieur sont aujourd’hui les plus payés de la fonction publique au Mali avec 450 000 FCFA de salaire brut pour les membres de la Cour Suprême, notamment le Président, l’Avocat et le Procureur général et le Conseiller de l’Avocat général, 412 500 FCFA pour les magistrats de grade exceptionnel, 356 250 FCFA pour les magistrats de 1er grade et 258 750 FCFA pour les magistrats de 2ème grade. Dans leur cahier de revendications, ces montants devront passer à 5 millions FCFA pour le Président et le Procureur général de la Cour Suprême, à  4,750 millions FCFA pour l’Avocat général, 4,5 millions FCFA pour son conseiller 4 millions FCFA pour les magistrats de grade exceptionnel, 3,5 millions FCFA pour les magistrats de 1er grade et 3 millions FCFA pour les magistrats de 2ème grade. L’incidence financière de ces augmentations est évaluée à 27 991 434 264 FCFA.

Mais, le hic qui fait tilt ici, c’est que ces montants alloués aux différents grades surgissent de nulle part comme un cheveu sur la soupe. Alors que le salaire découle d’un processus de calcul de valeurs indiciaires à travers un indexe précis dans la grille des salaires. Ce qui laisse transparaître un certain amateurisme dans le travail des experts commis par le Ministère de la Justice pour organiser la concertation nationale sur les revendications des magistrats. Ceux-ci ont sorti des montants forfaitaires comme une forme d’honoraires qu’on paye à un avocat et qui ne sont pas appelés à évoluer. Or, en leur qualité de fonctionnaires, les magistrats sont soumis à un plan de carrière à laquelle correspond une grille de salaire conformément aux différents grades prévus dans le plan de carrière. Alors, à supposer que le gouvernement abdique et qu’il accepte de payer ces montants, comment fera le ministre des Finances quand il s’agira de tenir compte des avancements ? Là-dessus, le document sur lequel les magistrats se sont basés pour élaborer leur cahier de charges reste muet. Les magistrats aussi feignent d’ignorer ces détails.

La bonne intelligence leur recommandait de proposer la revalorisation des anciennes grilles. Faut-il rappeler que l’indice actuel de départ pour un magistrat débutant est de 350 rapporté à la valeur indiciaire qui est de 367 aujourd’hui, mais devant passer à 400 sous peu, suite aux accords conclus avec l’UNTM (Union Nationale des Travailleurs du Mali). Les produits de ces opérations donnent les montants bruts suivants : 128 450, qui devra passer prochainement à 140 000 FCFA de salaire brut de départ. Pour les magistrats de grade exceptionnel, ils ont 403 700 qui passe prochainement à 440 000 FCFA.

Des revendications de trop !

Dans leurs doléances, ils réclament également la revalorisation des primes et indemnité qui va nécessiter de coquettes sommes d’argent au dépens des contribuables pour des résultats mitigés. Par exemple, la prime relative au logement, qui fait actuellement un forfait de 50 000 FCFA pour tous les magistrats de grade exceptionnel, des  1er  et 2ème grades. 100 000 FCFA pour le Président et le Vice-président (Avocat général), le Procureur général et le Conseiller de l’Avocat général. Dans le nouveau cahier de revendications, les deux syndicats réclament la valorisation de ces montants pour les porter à 500 000 et 300 000 conformément aux différents grades cités dessus. L’incidence financière de cet effort du gouvernement devra coûter chaque année aux contribuables 1 905 088 320 FCFA. Ils perçoivent aussi une prime dite de judicature qui fait actuellement 250 000 FCFA pour les magistrats de la Cour Suprême et ceux de grades exceptionnels, 225 000 FCFA pour les magistrats de 1er grade et 200 000 pour les magistrats de 2ème grade. Ces montants sont également appelés pour se hisser à 750 000 FCFA pour tous les magistrats sans considération de grade. Ils veulent que les primes de monture aussi soient améliorées.

L’incidence financière de l’ensemble des points qui ont été retenus dans le rapport sur le dialogue national pour une justice de qualité se chiffre à 33 396 333 936 FCFA. Tandis qu’en termes de recettes, l’ensemble des services judiciaires dépassent à peine 15 milliards FCFA soit un gap frôlant la moitié des sommes en jeu pour satisfaire à leurs doléances. D’où l’importance de l’interpellation du professeur Aly Nouhoum Diallo, qui reste toujours d’actualité. La société réclame des magistrats une meilleure distribution de la Justice. L’observation de cette exigence entrainera facto, la bonne gouvernance des maigres ressources publiques. Mais sur ce terrain, il y a beaucoup à dire aux magistrats, qui semblent manquer au rendez-vous de la bonne gestion. Or, ils doivent serrer les vis à leur niveau pour freiner les pertes de recettes qui peuvent régler en partie la question. Il est vrai que la Justice n’est pas un service de recettes comme les Douanes, les Impôts, le Trésor, etc. mais les peux de services payant qu’elle offre aux usagers peuvent générer d’importantes ressources, susceptibles d’être améliorées pour accroître leur contribution dans le Produit Intérieur Brut (PIB).

En outre, dans le rapport sur le dialogue national pour une justice de qualité, les participants ont beaucoup insisté sur les différences de traitement entre les magistrats maliens et leurs collègues de la sous-région, en se basant sur une Résolution de la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de la CEDEAO, qui charge chaque Etat membre à consacrer à son Ministère de la Justice au minimum 3% de ses ressources budgétaires. Mais, comme on le dit, « comparaison n’est pas raison ». Heureusement, qu’eux-mêmes ont relevé un détail important. C’est le Budget du Ministère de la Justice du Burkina Faso, qui s’élevait en 2015 à 1 914 milliards FCFA soit 1,2% du budget. Au même moment, l’ensemble du budget du Mali se chiffrait à 1 828,106 milliards FCFA. C’est dire qu’on ne peut comparer que ce qui est comparable. Mais, au Mali on a pris la mauvaise habitude de faire des comparaisons linéaires des salaires avec ceux de nos voisins ouest-africains. Or, un bon économiste commence à regarder dans le coût de la vie et les efforts fiscaux qu’un gouvernement accorde à ses citoyens. En d’autres termes, il ne s’agit pas de tirer des conclusions simplistes en se disant qu’un magistrat burkinabé est payé à 3 millions FCFA, contre moins d’un million pour son collègue malien. Il faut d’abord commencer à s’interroger combien coûte la vie au Burkina Faso pour que l’Etat burkinabé paie un montant aussi élevé à son employé. Cette analyse économique recommande à nos magistrats beaucoup de pondération dans leurs revendications. Car, si l’Etat leur accorde les 5 millions FCFA qu’ils réclament, il est obligé en ce moment de revoir son système de taxation. Autrement dit, tous les produits jusque-là sous-taxés ou exonérés seront taxés au plus fort. Toute chose qui se fait dans ces pays. Par exemple le litre d’essence coûte 700 FCFA au Mali contre 800 et plus en Côte-d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, au Niger, au Togo, au Bénin, etc. Or l’essence quitte ces pays pour venir au Mali. Il faut se poser la question pourquoi cette denrée est vendue moins chère au Mali ? Parce qu’à la demande du gouvernement, les Douanes maliennes renoncent à percevoir la taxe sur le produit pétrolier (TPP) au cordon douanier. A supposer que l’Etat cède à ‘’leurs caprices’’, le prix du litre d’essence va grimper. Dans ce cas, à quoi aura servi leur augmentation ? Rien. Sachons donc raison garder. Le Mali est un pays pauvre qui vient pour peu de franchir la barre des 2000 milliards FCFA de budget. L’Etat ne peut donner que ce qu’il a. Il y a les autres citoyens qui ont besoin d’être accompagnés  aussi par l’Etat.

  1. A. Diakité

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