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Réquisition: test grandeur nature

En acculant le Gouvernement par leur inflexibilité quant à leurs revendications, au point de l’amener à recourir à un décret de réquisition, les magistrats grévistes viennent d’ouvrir la boîte de Pandore, avec un affrontement inédit entre l’autorité de l’État, d’une part, et une corporation qui n’entend pas lâcher du lest, d’autre part.

Face à la radiation des magistrats grévistes, la mesure se dessinait en filigrane. Le Premier ministre Soumeylou Boubeye MAIGA, s’y est résolu, mardi dernier, en prenant le Décret N°2018-0773/PM-RM du 9 octobre 2018, portant réquisition temporaire des magistrats en grèves.
Cette mesure d’autorité intervient après l’échec de toutes les tentatives des personnes de bonne volonté et même d’Institutions, de désamorcer la crise. Au-delà de cet échec flagrant des différentes médiations pour lequel chaque camp fait porter à l’autre la responsabilité, l’on se trouve en présence d’une situation qui est l’illustration la plus parfaite de la remise en cause d’une valeur essentielle de notre société : le dialogue. Ce, quand bien même, le Gouvernement, dans son Communiqué lu par la ministre de la Fonction publique, chargée des relations avec les Institution, DIARRA Racky TALLA, affirme : ‘’le décret de réquisition dont la teneur vous sera livrée après la présente déclaration n’est pas suspensive des négociations. Le Gouvernement en appelle au sens de responsabilité des magistrats et reste ouvert à tout moment au dialogue’’.
Avec l’adoption d’un décret, le dialogue qui était privilégié, jusque-là, n’est plus qu’une option. ‘’Force doit rester à la loi’’, c’est le schéma dans lequel s’est désormais inscrit le Gouvernement. Toute chose qui a des implications, notamment des sanctions en cas de non-respect du décret portant réquisition des magistrats grévistes. Jusqu’où peuvent aller ces sanctions, lorsqu’on sait que le respect d’une réquisition n’est pas facultatif et que force doit rester à la loi ? Avec cette nouvelle donne, la radiation des magistrats qui continueraient à tenir la dragée haute au Gouvernement serait tout à fait envisageable. La face du monde, pardon du Mali, n’en serait outre mesure pas changée, pas plus que cela ne l’a pas été ailleurs en Afrique où des grévistes ont été renvoyés purement et simplement renvoyés chez eux et remplacés par d’autres compétences, sans qu’aucune poule n’en soit incommodée. C’est la rançon de l’intransigeance, si ce n’est de la suffisance. Désormais, la force de l’argument cède le pas à l’argument de la force (de la loi). Hélas ! Albert Einstein disait : ‘’ce qui fait la vraie valeur d’un être humain, c’est de s’être délivré de son petit moi’’.
Dans cette crise ouverte, le Gouvernement, il faut le dire tout de suite, joue gros et même très gros. Pour lui, c’est indubitablement un test grandeur nature quant à sa capacité de faire prévaloir son autorité. Parce que, tout comme les magistrats grévistes ont catégoriquement refusé de reprendre le travail, suite aux différentes médiations, à l’issue de l’Assemblée générale tenue hier, ils ont clairement annoncé leur décision de ne pas obtempérer à la mesure de réquisition.
Après le rétablissement des rapports de force, puisque c’est à ce niveau que l’on est rendu, va-t-on retourner à la case départ, à savoir celle des négociations ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus que toutes les guerres finissent autour d’une table de discussion.
En tout état de cause, la priorité la plus pressante est la reprise du fonctionnement du service public de la justice, pour abréger les souffrances de francs citoyens qui n’ont aucun saint à qui se vouer, et permettre la bonne marche de notre démocratie qui n’est encore qu’à un stade balbutiement.

Par Bertin DAKOUO

Info-matin

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