Le président sénégalais Macky Sall a décidé de reporter l’élection présidentielle qui devrait se tenir le 25 février prochain. Une décision adoubée lundi par les députés sénégalais. Ceux-ci ont ouvert la voie à Macky Sall de prolonger son mandat jusqu’au 15 décembre 2024, date à laquelle un nouveau président sera élu. Cette décision a ouvert une ère d’incertitude et de chaos dans tout le pays. Dans ce contexte, qui peut rappeler Macky Sall à l’ordre ?
Douze ans après, Macky Sall a été pris par les mots quand il disait ceci à Abdoulaye Wade : “Des élections locales, on peut les repousser, ça passe. Des élections législatives à la limite ça passe. Parce que c’est toujours des députés on prolonge. Mais le président de la République ne peut pas prolonger son mandat, ce n’est pas possible. Moi, Macky Sall, je refuserai que le pouvoir use de subterfuges pour reculer les élections. Je ne l’accepterai pas et je mettrai tout en œuvre pour faire face à cette imposture”.
Pour l’heure, analystes et observateurs restent formels. Ce report est une situation inédite dans toute l’histoire du Sénégal. Car, depuis 1963 une présidentielle au suffrage universel direct n’a jamais été reportée au Sénégal. Dans la sous-région, le pays n’a par ailleurs jamais connu de coup d’Etat, une rareté sur le continent.
En annonçant le report de l’élection présidentielle du 25 février, le président Macky Sall a provoqué un véritable séisme, voire un tsunami politique dans le pays de la Teranga reconnu par son modèle de démocratie et de bonne gouvernance.
Depuis samedi, la capitale sénégalaise, Dakar, est émaillée de heurts. Le report de cette élection qu’une partie de l’opposition sénégalaise qualifie déjà de “coup d’Etat constitutionnel”, a déclenché une véritable guérilla urbaine entre manifestants anti-report et les forces de l’ordre avec la coupure d’internet dans toute la capitale. D’après des défenseurs des droits de l’Homme, cette décision sonne comme un coup de poing sur la démocratie sénégalaise et en privant ses citoyens d’un accès libre à l’information, Macky Sall semble vouloir museler toute contestation et asseoir son pouvoir.
Soutenu lundi par les députés sénégalais, Macky Sall reste au pouvoir jusqu’au 15 décembre 2024. C’est une nouvelle ère d’incertitude et de chaos qui s’ouvre dans tout le pays comme analysent des confrères et analystes politiques.
“Les populations sont dehors, il y a des arrestations, nous sommes vraiment inquiets et préoccupés par la violence qui a commencé. On ne sait pas comment cela va se terminer. Cela ouvre une ère d’incertitude et de chaos au Sénégal”, a déclaré un analyste politique sénégalais.
Dans ce contexte de forte tension, qui peut rappeler Macky Sall à l’ordre pour sauvegarder la démocratie ? Les condamnations stériles affluent de partout depuis samedi pour lever les incertitudes créées par le report de la présidentielle et tenir un scrutin dans le meilleur délai possible.
Mais il se trouve que personne ne semble avoir sur ce jeune continent le pouvoir nécessaire pour attirer l’attention des dirigeants sur ce qui n’est pas juste et sur ce qui est inacceptable dans la façon dont ils gèrent leur pays. Aucun dirigeant africain ne veut vexer son homologue par des observations sur les risques qu’il peut faire courir à son pays, voire ses voisins.
Mais à force de se taire là où il aurait fallu parler, on assiste à des roitelets. Chacun dans son coin tout petit dictateur fait soumettre son peuple à des méthodes inacceptables comme soi-disant au nom de la souveraineté de chacun alors on ferme les yeux laissant tramer les risques majeurs comme ce qui se passe sous nos yeux au Sénégal. C’est quand la situation échappe à tout contrôle que tout le monde se mêle de tout et l’on perd des années à tenter en vain de ramener la paix là où l’on n’aurait pas dû l’avoir perdue.
Autrefois dans l’Afrique des dictateurs, il existait des pôles de médiation des chefs d’Etat qui avaient suffisamment d’autorité pour raisonner certains de leurs pairs. Mais aujourd’hui, c’est comme si toutes ces boussoles avaient disparu.
Le salut, pour l’Afrique, se situerait dans un sursaut collectif pour que la politique cesse d’être un jeu à somme nulle. Ou le perdant perd tout, tandis que le gagnant confisque et contrôle tous les leviers de la richesse nationale.
Un premier mandat appelant généralement un second, puis un troisième. Car pour certains, le pouvoir est le lieu où l’on met la main sur le coffre-fort de la République pour vivre et bien vivre. Et celui qui accède au pouvoir contrôle la manne qui permet de s’y maintenir, parfois longtemps, aussi longtemps qu’il saura bien manœuvrer.
Ousmane Mahamane