Pour renforcer la coordination et accroître le consensus en vue d’assurer la mise en œuvre des actions de suivi, la réunion des coordinateurs de la mise en œuvre des actions de suivi du Sommet du Forum sur la coopération sino-malienne s’est tenue les 24 et 25 juin à Beijing. Le succès de ladite réunion a fait accéder les relations sino-africaines, surtout celles sino-maliennes, à une nouvelle hauteur historique.
Dans ce cadre, ZHU Liying, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de Chine au Mali, a accepté des interviews des médias maliens, afin de mieux revenir sur le passé glorieux et d’envisager l’avenir potentiel des coopérations sino-maliennes. Le texte intégré est comme ci-dessous:
1. Le Mali et la Chine entretiennent des relations de coopération depuis le début des années 1960. Après avoir été dynamique et fructueuse une certaine période, cette coopération tend à se tasser. Quelle explication en donnez-vous?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: Les relations de coopération amicale entre la Chine et le Mali ont su toujours maintenir un élan fort. Depuis l’établissement de nos relations diplomatiques en 1960, la Chine se met toujours aux côtés du Mali pour son développement économique, social et culturel. Vous pensez naturellement à toutes les grandes infrastructures: ponts, routes, hôpitaux, écoles, stades… Mais n’oubliez pas que ça continue dans la durée, sans interruption! Il y a deux ans, nous avons inauguré la Cité universitaire à Kabala (phase I). L’an dernier, nous avons inauguré le Centre de Formation professionnelle et le Centre pilote de la Technologie agricole. Cette année nous avons inauguré le CICB rénové, et nous allons commercer les travaux de la Cité universitaire à Kabala (phase II), et les travaux du grand projet “Mali numérique”… En septembre dernier lors du sommet de Beijing sur la coopération Chine-Afrique, la partie chinoise a pris 8 grandes initiatives afin de renforcer encore plus la coopération avec l’Afrique, en général, et avec le Mali, en particulier. Ces initiatives sont en cours de mise en application, notamment dans l’infrastructure, le commerce, l’investissement, les ressources humaines, la paix et la sécurité. En un mot, la qualité de la coopération sino-malienne est à la satisfaction des dirigeants de nos deux pays, et à la hauteur de la demande de nos deux peuples.
2. Le président du Mali a rapporté de son premier déplacement en Chine en 2014 des conventions pour plus 5 000 milliards de FCFA. Depuis on n’a pas observé un début d’exécution de ces conventions. À quoi attribuez-vous cet état de fait?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: À mon avis l’on ne juge pas les visites présidentielles uniquement par les chiffres des contrats et des conventions. L’essentiel c’est que les dirigeants des deux pays établissent et renforcent des liens aussi bien officiels que personnels. C’est le cas entre le Président chinois Xi Jinping et le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Xi Jinping a tenu à inviter son homologue malien à venir à Beijing tout de suite après sa réélection en août dernier, avant même son investiture, pour préparer ensemble le terrain du développement de la coopération sino-malienne dans les années à venir. Dans ce contexte de bonne entente, je ne doute pas que les affaires vont suivre et vont bon train. Il faudrait souligner que les conventions officielles entre États se concrétisent sans jamais tarder, comme les projets publics susmentionnés. Chose promise, chose due. Ceci constitue l’exemplarité de la coopération entre nos deux pays.
En ce qui concerne les intentions d’investissements chinois au Mali, cela dépend en effet de nombreux d’éléments, notamment la loi du marché, la politique d’attraction des investissements, les conditions de sécurité, entre autres. En tout cas je suis convaincu qu’au fur et mesure que le Mali améliore sans cesse son environnement des affaires, les investissements internationaux vont venir encore plus massivement pour la coopération mutuellement avantageuse.
3. Pouvez-vous nous faire le point de la coopération sino-malienne dans le secteur privé?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: Il suffit de voir le changement de comportement des Maliens quand ils téléphonent et quand ils circulent pour constater que le secteur privé occupe une place très importante dans la coopération sino-malienne. En effet les téléphones portables “Tecno” ainsi que les motos “Power K” ou “Apsonic” ont complètement changé la vie des Maliens. Ces produits, accessibles à tout le monde, ont énormément augmenté le niveau de vie des Maliens. Ceci, grâce au secteur privé. D’ailleurs les Maliens partent nombreux en Chine pour faire des affaires, non seulement pour ramener des produits de la vie courante, mais aussi monter ensemble avec des partenaires chinois des projets économiques: la production des carreaux, le montage des chambres froides…Quand je mets l’accent sur la coopération mutuellement avantageuse, je pense tout de suite à ce genre de partenariat privé qui, quotidiennement, apporte une contribution importante aux relations entre nos deux pays.
Prenons aussi l’exemple de l’entreprise chinoise Huawei, championne dans le secteur privé. Depuis plus de 10 ans, Huawei est présente au Mali pour le service de technologie de l’information et de la communication (TIC). Le Mali ne tardera pas à entrer dans l’âge du 5G. Huawei est là pour vous accompagner déjà, avec ses projets de modernisation du réseau fibre optique, de large bande nationale, et enfin avec son projet “Mali numérique”. De très nombreux techniciens et ingénieurs maliens ont été formés au cours de la réalisation de ces projets.
4.La difficulté d’acquérir le visa commercial chinois a créé un moment une certaine tension entre la représentation diplomatique chinoise et les milieux d’affaires maliens. Le problème a-t-il été résolu?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: J’avoue que la question du visa constitue un grand sujet d’intérêt pour les commerçants et les hommes d’affaires maliens. Il faut souligner que nos deux pays font tout pour encourager et faciliter le commerce bilatéral. Ceci est la base indispensable de notre coopération gagnant-gagnant. Depuis près d’un an, la situation d’octroi de visa aux Maliens s’est considérablement améliorée, grâce aux efforts de nos deux côtés. Vous trouverez le même constat auprès de la Chambre de commerce. En réalité, dans le monde d’aujourd’hui, tout pays ne cesse de renforcer le contrôle du dossier de demande de visa, avec l’application de nouvelles technologies, notamment numérique et biométrique. Situation internationale oblige. Il n’y a pas de problème particulier entre la Chine et le Mali. Sauf que, dans beaucoup de dossiers de demande de visa, nous constatons des documents irréguliers, et des formulaires mal remplis, ce qui cause des cas de retard et même de refus. Je voudrais bien qu’à travers la presse, l’information passe au maximum de demandeurs de visa: “avec votre dossier correct, vous aurez votre visa”.
5.À quand un retour en force des investissements publics chinois au Mali à l’instar de ce qu’on observe dans d’autres pays africains comme l’Éthiopie, le Kenya, le Ghana?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: J’ai fait plusieurs voyages à Ségou et à Sikasso. Vous avez une potentialité énorme dans l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire! Il suffit de mettre en œuvre une politique d’attraction et d’encouragement des investissements internationaux pour que les entreprises viennent spontanément investir. Sans oublier la paix et la stabilité. Si je me mets à la place d’un entrepreneur, je préfère bien un pays ami de longue date comme le Mali, dont la population est accueillante et chaleureuse. Grâce à cette qualité exemplaire des relations sino-maliennes, je suis sûr que le Mali deviendra le premier choix dans la région pour les investisseurs chinois.
6.Où en est la coopération chinoise au Mali au double plan sécuritaire et de l’éducation?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: Sur le plan sécuritaire, dès le début de la Minusma en 2013, la Chine est présente au Mali par 395 militaires à Gao. Au moment où le Conseil de Sécurité des Nations Unies discute sur la prolongation du mandat de la Minusma, la Chine, non seulement préconise positivement cette prolongation, mais aussi, augmente son effectif. À partir de cette année, l’effectif s’est élevé à 413 personnes. On voit par là le rôle de la Chine à la fois à New York et sur le terrain. Mais la coopération chinoise au Mali sur le plan de sécurité ne se limite pas à Gao. Une équipe des officiers chinois est en permanence à Bamako pour la formation technique des militaires maliens. De plus, des boursiers militaires maliens partent en Chine pour diverses formations. Chose nouvelle, c’est qu’au niveau du G5 Sahel, la Chine a annoncé une série de mesures d’assistance militaire dans la lutte anti-terroriste, aussi bien pour la force conjointe que pour les 5 pays respectifs.
Sur le plan de l’éducation, le plus grand projet déjà réalisé dans la région de l’Afrique de l’Ouest dans le domaine de l’éducation, c’est la Cité universitaire à Kabala. Mais l’on ne s’arrête pas là. La phase II de la Cité commencera bientôt. Ceci contribuera fortement à l’éducation du pays, même de la région! De plus, vous avez certainement entendu parler de l’Institut Confucius et de la Classe Confucius à Bamako, qui organisent chaque année les concours de la langue chinoise. Les lauréats partent en Chine. Je tiens à féliciter les jeunes maliens qui sont très doués en chinois et qui montrent surtout un enthousiasme toujours plus élevé vis-à-vis du chinois, parce qu’ils savent de plus en plus que l’avenir se trouve là-bas, en Chine.
7. Il y a quelques semaines, l’Ambassade de Chine au Mali a organisé une conférence-débat sur la coopération sino-malienne à l’ère d’une ceinture, une route. Qu’est-ce que cette initiative peut apporter au peuple malien ?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: Le Mali se situe au carrefour de l’Afrique de l’Ouest. Dans son histoire, il y a “la route de l’or” et “la route du coton”. À mon sens les Maliens savent très bien comment mettre en valeur leur ressource naturelle par la voie du commerce. À l’époque, les Chinois faisaient aussi beaucoup de commerce à travers “la route de la soie”. Les grands esprits se rencontrent. À l’heure actuelle, nous voudrions que nos pays joignent leurs efforts pour construire, non seulement la voie la plus solide du commerce, mais aussi, et surtout, coordonner nos politiques du développement, des investissements, des ressources humaines, de la culture et de l’éducation. Dans le contexte actuel, l’on risque de tomber dans le cercle vicieux de l’unilatéralisme, du protectionnisme et de l’égoïsme. Alors que la Chine préconise la mondialisation, l’ouverture et le partage. La Chine souhaite que le monde entier partage les fruits de la croissance de l’économie chinoise. Avec le gâteau plus grand, chacun trouvera sa part plus grande. C’est ça la philosophie de la nouvelle route de la soie. En ce qui concerne le Mali, nos deux pays sont en train de réfléchir ensemble sur la modalité de la participation malienne dans cette nouvelle route de la soie. En tout cas, nous voulons établir et renforcer une nouvelle coopération gagnant-gagnant sur cette nouvelle plateforme.
8. La Chine, le plus grand pays en voie de développement du monde, va fêter son 70è anniversaire de sa grande fondation. Pendant ces 70 années, est-ce que vous avez des expériences précieuses dont nous pourrions nous inspirer ?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: À Beijing, devant l’entrée du Comité permanent du Parti communiste chinois, un grand panneau de la calligraphie de l’ancien président Mao Zedong nous frappe l’esprit tous les jours: “Chercher la vérité dans les faits.” Dans l’histoire récente, les Soviétiques nous ont demandé de suivre une telle voie, et les Occidentaux n’ont jamais cessé de nous demander de suivre une telle voie. Mais est-ce que ces voies dictées de l’extérieur nous conforment? Pas du tout. Nous avons finalement trouvé par nous-mêmes une voie du socialisme à la chinoise, sous la direction du Parti communiste chinois. La vérité s’est trouvée dans les faits: un grand pays avec une histoire cinq fois millénaire, avec une population de plus d’un milliard d’habitants. Pour que le grand navire chinois voyage bien dans ce monde de turbulence, il faut que le capitaine, le Parti communiste chinois, voit clair et tienne bon. L’essentiel, c’est de chercher la vérité toujours dans les faits, et jamais dans ce qu’on nous dit.
L’esprit de la réforme et de l’ouverture est tout aussi quelque chose de très important pour nous, depuis plus de 40 ans, et jusque dans les années à venir. Le décollage de l’économie chinoise a été dû à sa participation active à la mondialisation. Aujourd’hui, comme un des acteurs principaux de la mondialisation, nous voulons que le monde entier partage les fruits de notre croissance économique. La Chine, non seulement c’est un pays qui accueillit plus d’investissements internationaux, mais aussi un pays qui importe plus de biens et de services internationaux. En novembre dernier nous avons organisé avec grand succès à Shanghai la première édition de la Foire internationale d’importation. Jamais aucun d’autres pays n’a fait pareillement. La deuxième édition s’organisera en novembre prochain, ainsi de suite. L’ouverture de la Chine s’élargit toujours davantage. La politique chinoise s’inspire de la philosophie ancienne, à savoir, “si l’océan est grande, c’est parce qu’il accueille tous les fleuves. ”
9. La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis est devenue l’une des questions les plus brûlantes du monde, comment vous en jugez ?
L’Ambassadeur de Chine au Mali: Confucius disait il y a 2000 ans: “L’harmonie est primordiale.” À l’heure actuelle, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine inquiète le monde entier. Dans ce monde d’interdépendance où il est difficile de préciser le pays d’origine d’un tel produit, la guerre commerciale est une épée à double tranchant. Une grande partie d’Apple est finalisée en Chine. Tandis que quand on pénalise Huawei, c’est Qualcomm qui en souffre en même temps. Quand le Président Trump appelle les industriels américains à rentrer chez eux, Tesla installe à Shanghai la plus grande usine au monde pour fabriquer des voitures électriques… Entre la Chine et les États-Unis, les deux plus grandes économies du monde, les relations dépassent largement le niveau bilatéral pour devenir l’enjeu d’importance majeure pour la prospérité et la stabilité du monde entier. Il faut donc que les deux parties règlent le problème dans l’esprit de confiance, de respect et de coopération. Seule la solution gagnant-gagnant sera le meilleur choix, alors qu’un jeu à somme nulle n’aura pas d’avenir. Côté chinois, nous n’avons aucune intention de nous engager dans la guerre commerciale avec les Américains. Mais à un moment venu, nous sommes obligés de nous y engager sans aucune crainte, pour défendre nos intérêts fondamentaux. Dans le passé comme dans l’avenir, aucun élément étranger ne constitue l’obstacle au développement de la Chine. Le Président chinois Xi Jinping disait fermement au monde entier: “La tempête pourra renverser un étang, mais jamais un océan.”