Depuis plus d’une semaine, beaucoup de citoyens maliens entrés récemment en possession de passeport sont confrontés à un sérieux problème d’obtention de visa dans les différentes ambassades européennes. La raison invoquée, l’Etat malien délivre des passeports portant des erreurs dans leur confection et veut se cacher derrière une correspondance pour faire passer sa bourde. Niet ! Disent les ambassades. Pendant ce temps, le citoyen trinque et sent le coup comme une arnaque car il a dépensé son argent pour se voir fourguer du toc et l’Etat ne fait aucun effort pour remplacer ces vrais faux vrais passeports.
L’Ambassade de France au Mali a fermé ses portes à tous les citoyens maliens en possession d’un passeport malien récemment délivré par les services compétents. Fournis contre une somme comprise entre 50 000 et 75 000 Fcfa, ces nouveaux contiendraient un défaut de fabrication. Plus exactement, les autorités maliennes ont omis, volontairement ou involontairement, de faire porter la mention « Cédéao » (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) sur la couverture du document de voyage. Le hic, c’est que malgré le rejet massif de ce passeport douteux par plusieurs consulats, le gouvernement du Mali continue de le délivrer aux citoyens. Conséquence : des milliers de Maliens se voient refouler lors de la demande de visa à l’Ambassade de la France et au niveau d’autres représentations diplomatiques européennes. Une arnaque qui coûte cher aux citoyens, surtout qui doivent se rendre nécessairement à l’extérieur.
Pour avoir des explications, Le Prétoire s’est rendu au service des immigrations. Si son reporter n’a pas pu rencontrer le directeur du Service de l’immigration, il a été reçu par le contrôleur général, Moumoune Seri, chef de division au service de l’immigration. Ce dernier explique que les passeports maliens en vigueur sont délivrés conformément aux règles applicables en la matière. Selon lui, «le ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale de la République du Mali a adressé une lettre, en date du 30 avril 2013, aux missions diplomatiques et consulaires accréditées au Mali pour leur signaler une erreur sur la couverture du passeport».
Aux dires du contrôleur général de police, ladite correspondance signalait bien l’erreur concernant les écriteaux sur la couverture supérieure, notamment l’omission en haut de la page de la mention «Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao)» ; la présence au milieu de la page du sceau de la République du Mali au lieu de celui de la Cedeao et en bas de page, la mention «passeport».
A travers cette correspondance, le Ministère voulait informer les missions diplomatiques accréditées dans notre pays que les autorités maliennes souhaitaient quand même mettre ledit passeport en circulation, que l’utilisation du stock concerné ne met pas en cause la validité du passeport Cedeao en vigueur.
En clair, à travers cette lettre, le gouvernement du Mali reconnait qu’il met en circulation, temps un passeport litigieux et un passeport valide. En outre, le responsable explique que le spécimen du nouveau passeport est au niveau de toutes les ambassades et de tous les consulats au Mali. Il poursuit en disant que la France est un pays souverain, disposant donc du droit de refuser le visa à qui elle veut. Ce que le gouvernement du Mali a oublié, c’est qu’en réalité la correspondance n’est pas suivie de réponse. En clair, le gouvernement du Mali devait attendre en toute logique la réponse des missions diplomatiques et consulaires accréditées au Mali avant de continuer à délivrer ces passeports portant des erreurs de confection.
Méfiance des autorités françaises
Il suffit de se rendre devant les locaux du Consulat de France à Bamako pour constater la frustration des demandeurs de visa, refoulés à cause de ces erreurs. En tout cas, le rédacteur en chef adjoint du journal «Le Prétoire», Nouhoum Dicko, ne peut pas dire le contraire. Muni d’un passeport issu de ce lot, délivré le 30 avril 2013 par les services compétents, il s’est vu refuser le visa le 08 mai, alors qu’il voulait prendre part à un stage à Paris, sur invitation des autorités françaises. A noter qu’il n’est pas le seul journaliste à être victime de cet amateurisme des autorités maliennes. Et plusieurs de nos compatriotes ne comprennent pas pourquoi nos autorités devraient continuer à délivrer des passeports, sachant qu’ils ne sont pas reconnus par la France et d’autres pays qui, par conséquent, refuseraient le visa au porteur de ce document de voyage. Quel sera en réalité le sort des détenteurs des passeports non reconnus dont le nombre est estimé, selon la correspondance du ministère des Affaires étrangères à au moins 15 594 personnes? Il est grand temps que le gouvernement se penche sur la question.
Seulement, la méfiance des autorités diplomatiques françaises, n’est-elle pas la conséquence de la grande magouille dans la délivrance du passeport malien ? L’on se rappelle que Charles Blé Goudé a été arrêté avec une carte d’identité et un passeport maliens. Aussi, le chef du Service de renseignements de Mouammar Kadhafi détenait par devers lui un passeport malien lors de son arrestation en Mauritanie. Après les tristes événements de Ceuta et Melilla (aux portes de l’Espagne), il a été prouvé que beaucoup d’aventuriers arrêtés par la police marocaine portaient un passeport malien sans en avoir droit, parce que citoyens d’autres pays de l’Afrique de l’ouest.
Ces tristes exemples témoignent du manque de sérieux dans la délivrance des documents officiels du Mali car un véritable marché du passeport s’est établi, avec naturellement de l’escroquerie et de la corruption. Il est temps de préserver l’honneur et la crédibilité de notre pays par rapport à la délivrance des papiers administratifs maliens. Pour ce faire, commençons par nettoyer les écuries d’Augias.
Ibrahim M. GUEYE
Source: Le Prétoire