On pensait que des villages comme Sobame Da, qui vient de perdre environ 95 personnes en une nuit d’horreur, allaient être plus sécurisés avec la dissolution des milices dans la région de Mopti. Le gouvernement avait pris la décision de mettre fin à l’existence des milices après le massacre de civils dans le village d’Ogossagou en mars dernier. Mais aucune force n’a été déployée sur le terrain pour désarmer ces groupes armés prétendant défendre leurs terroirs.
On aurait probablement sauvé la vie des habitants de Sobame Da, si la décision d’interdiction des milices avait été suivie du déploiement rapide de troupes pour quadriller les villages. Les forces armées maliennes et les forces internationales auraient dû être mises en commun pour sécuriser les villages dès l’annonce de l’interdiction des milices par le gouvernement malien agissant sous le choc du drame d’Ogossagou.
Les consignes du président IBK étaient claires lorsqu’il s’adressait au nouveau chef d’Etat major des armées : « Je vais vous démettre de vos fonctions si un drame de ce genre se reproduisait ». Reste à savoir pourquoi il n’y a pas eu une présence militaire suffisante pour désarmer les civils qui circulent en groupe pour, dit-on, sécuriser les villages contre les attaques dont s’accusent mutuellement Peulh et Dogon.
La MINUSMA avait elle aussi promis de déployer ses combattants dans la zone grise afin de protéger les civils. C’est le chef de la mission au Mali en personne, Mahamat Saleh Anadif, qui s’était prononcé sur le déploiement des casques bleus dans la région de Mopti, particulièrement dans les cercles sous tension comme Bandiagara, Koro et Bankass. Cette promesse avait également été faite dans la foulée des évènements d’Ogossagou.
Ce n’est pas tout : l’armée française avait aussi pris l’engagement de s’impliquer davantage pour sécuriser le centre du Mali. Là aussi, c’était une réaction spontanée à l’émotion internationale après le drame ayant ôté la vie à plus de 150 personnes en mars dernier à Ogossagou. Mais rien ne fit entrepris par Barkhane pour traduire en acte concret la promesse de secourir les civils en danger dans le centre du pays.
Ainsi, les forces qui ont pris l’engagement de porter secours à la population civile de la région de Mopti ne se sont pas mises rapidement ensemble dans le but de réussir leur mission de prévention. Pourtant, la milice Dan Na Amassagou visée par un arrêté d’interdiction, avait émis comme condition le déploiement rapide de l’armée nationale pour sécuriser les civils dans les villages du Pays Dogon.
Et deux mois plus tard, le Pays Dogon est toujours à la merci des groupes armés abandonné par tous ceux qui avaient promis d’être à son chevet. Dan Na Amassagou annonçait la reprise de ses patrouilles en évoquant l’incapacité du gouvernement à sécuriser la population civile.
Début mai 2019, on apprenait qu’à l’issue d’une rencontre dans la zone, tous les maires des 4 cercles du Pays Dogon ont affiché leur soutien au mouvement d’autodéfense Dan Na Amassagou jusqu’à ce que leur localité soit totalement sécurisée.
C’est dire que le vide créé par l’absence de l’Etat et d’autres forces de protection créée les conditions de la violence qui déchire les communautés vivant dans le Pays Dogon. Le massacre des habitants de Sobanoucou pose la question de savoir où est passée l’interdiction des milices dans le centre du pays. C’est l’une des conséquences de la léthargie des forces maliennes et étrangères qui peinent à coordonner leurs actions sur le terrain.
Soumaila T. Diarra
Le Républicain