Le Centre Carter, qui assure la mission d’Observateur indépendant dans le suivi de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix de 2015 issu du processus d’Alger, a rendu public, ce 13 avril 2020, son septième rapport sur l’état de la mise en œuvre de ce document de paix. Il souligne deux obstacles majeurs persistants : le retardement d’un nouveau découpage administratif et électoral et la question du redéploiement complet des unités intégrées de l’armée.
Le rapport exhorte les Parties signataires et les garants internationaux de l’accord pour la paix à s’attaquer aux problèmes de longue date du redécoupage administratif et électoral ainsi qu’à parvenir à un accord quant à la structure de commandement de l’armée nationale nouvellement reconstituée.
Il signale l’écart important entre l’attention accrue accordée au processus de redéploiement des forces intégrées, et la faible mobilisation autour des questions de redécoupage administratif et électoral.
Depuis 2015, les Parties débattent, et le Gouvernement a maintes fois promis de parachever, de manière inclusive, la réorganisation territoriale, sans pour autant en donner suite.
En ne s’attaquant pas à la sous-représentation des populations du nord au sein des institutions nationales, les Parties et les garants internationaux perpétuent l’une des causes politiques fondamentales de la rébellion de 2012.
Les législatives violent l’APR
Le rapport souligne également que les conditions du déroulement des élections législatives de 2020 portent atteinte aux engagements pris dans l’Accord et inscrits dans la loi malienne. Comme prévu à l’Article 6 de l’Accord, l’Assemblée nationale a institué les régions de Taoudénit et Ménaka comme collectivités territoriales. Cependant, en l’absence de redécoupage, leurs populations ne pourront pas élire les représentants qui leur sont accordés par la loi.
L’Observateur indépendant recommande que le Comité de suivi de l’Accord pour la paix place le redécoupage administratif et électoral au cœur de ses priorités et soutienne les Parties dans leur dialogue actuel à ce sujet.
Le rapport salue le récent redéploiement de 1000 soldats nouvellement intégrés (ex-combattants des Mouvements signataires faisant désormais partie de l’armée nationale malienne) à Kidal, Gao, Tombouctou et Ménaka. Il déplore cependant les six mois de négociations supplémentaires qui ont été requis pour le redéploiement. En particulier, le rapport souligne la lenteur du Gouvernement ainsi que son impréparation pour le redéploiement, mais aussi la réticence des commandants des Mouvements à rompre complètement les liens de commandement avec leurs anciens combattants.
La CMA indexée
L’Observateur indépendant constate avec inquiétude que le redéploiement des unités intégrées a eu lieu au moment même où la Coordination des mouvements de l’Azawad étendait ses opérations sécuritaires et sa présence territoriale dans le nord du Mali.
Le rapport souligne que, les Parties n’ayant pas encore trouvé d’entente sur la question du commandement des unités intégrées redéployées, celles-ci ne sont toujours pas pleinement opérationnelles. Les Parties sont également en désaccord quant à la structure globale et les besoins de l’armée reconstituée.
Au vu des difficultés observées, auxquelles vient s’ajouter la pandémie de COVID-19, il est peu probable que les Parties atteignent l’objectif fixé par le Conseil de sécurité des Nations unies, consistant à former et redéployer 3000 soldats nouvellement intégrés d’ici à juin 2020.
L’Observateur indépendant prévient qu’à moins que les Parties accordent autant d’attention à la réforme politique qu’à la question de sécurité. Au cas contraire, la mise en œuvre de l’Accord restera butée à d’importants blocages au risque d’échouer.
Pour rappel, le Centre Carter fut désigné comme Observateur indépendant fin 2017. Selon l’article de l’Accord de 2015, le rôle de l’Observateur indépendant consiste à identifier les blocages dans le processus de mise en œuvre.
Par Abdoulaye OUATTARA
INFO-MATIN