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Réformes politiques et institutionnelles au Mali : Dr Fousseyni Doumbia dépeint les tares de la Cour constitutionnelle

Lors de la journée d’échange entre les médias et la Cour constitutionnelle, à travers le Cadre de Concertation des Directeurs de Publications (CCDP) le mardi 24 août 2021, Dr Fousseyni Doumbia, constitutionnaliste, a dévoilé beaucoup de lacunes de la Cour Constitutionnelle du Mali. L’évènement était placé sous le thème : « les pouvoirs des cours constitutionnelles africaines en matière électorale ».

Les réformes politiques et institutionnelles sont une recommandation forte  de la gouvernance actuelle au Mali. D’ailleurs, toutes les dernières assises qui ont réuni l’ensemble des forces vives de la nation ont fait cette recommandation pour la stabilité du système de gouvernance au Mali.

Des spécialistes du droit ont souligné que l’organe de contrôle de la constitutionnalité des textes et des règlements (la Cour constitutionnelle) ne fait pas, lui aussi, exception à cette règle. Donc, les textes doivent être soumis aux réformes majeures proposées au niveau de la scène politique et institutionnelle, surtout que c’est cette Cour qui valide les résultats des élections présidentielles et législatives au Mali.

Pour rappel, plusieurs fois, le Mali a été confronté à de nombreuses crises liées aux contestations des résultats proclamés par la Cour constitutionnelle. D’ailleurs, c’est l’une des causes des contestations qui ont conduit au coup d’État contre l’ancien président Ibrahim Boubacar, le 18 août dernier.

Au-delà de son intervention aux élections législatives, la Cour constitutionnelle intervient aussi dans des élections présidentielles dont les enjeux peuvent être souvent graves pour la stabilité d’un pays.

C’est pourquoi d’ailleurs, pour éviter des crises après chaque élection au Mali, les acteurs de cette Cour constitutionnelle et le Cadre de Concertation des Directeurs de Publications ont organisé cette journée d’échanges afin de d’édifier sur toutes problématiques liées à la question des prérogatives de cette Cour en période électorale.

Il a été conçu que la Cour constitutionnelle a besoin d’une « réédition des comptes », pour qu’un certain nombre de ses textes puissent répondre non seulement à l’évolution du droit électoral, mais aussi et surtout à l’évolution des circonstances du moment.

L’article 10 du règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle

Selon le constitutionnaliste, DR Fousseyni Doumbia, enseignant chercheur, en matière électorale, les dispositions de l’article 94 stipule que quand le juge constitutionnel prend une décision, il ne doit y avoir aucune autre voie de recours, sauf erreur matérielle attachée à la décision (Art 10 du règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle).

Définissant l’erreur matérielle comme une simple erreur de plume ou de dactylographie, d’orthographe d’un nom, de terminologie ou d’une omission dans la décision qu’elle ne saurait être confondue avec l’erreur de droit, selon la Cour constitutionnelle en 1997, Dr Fousseyni Doumbia estime que cette définition doit  évoluer en fonction de l’évolution du droit et des circonstances du moment.

A travers ses explications, on comprend  que l’arrêt controversé de la Cour constitutionnelle lors des législatives de 2020 découle de cette définition. A cette époque, l’erreur matérielle ne prenait pas en compte l’erreur de calcul alors que beaucoup de jurisprudence en Afrique ont « étendue l’erreur matérielle à l’erreur de calcul », selon le constitutionnaliste.

A cela, les juristes ont souligné d’autres difficultés que fait face la Cour Constitutionnelle dont, l’insuffisance du délai de (15 jours) pour examiner l’ensemble des bureaux de vote par seulement 9 membres de la Cour constitutionnelle.

Une occasion pour soulever la question de la nécessité d’assistants juridiques comme dans beaucoup d’autre pays pour palier à l’insuffisance de ressources humaines lors du traitement des dossiers liés aux élections ; la question de l’outil informatique pour une vérification fiable et sans reproche ; la question de l’autonomie de gestion financière etc.

Au-delà de ces aspects, les constitutionalistes ont attiré l’attention que la Cour constitutionnelle n’est saisie que pour des lois organiques alors que qu’il y a des lois ordinaires aux dispositions essentielles comme l’article 39 des enseignant qui méritent un contrôle de constitutionnalité de la Cour constitutionnelle. La procédure devant la Cour définie par l’Art 25 a aussi été décriée au profit des débats publics associant tous les acteurs concernés.

Les réformes au niveau du contrôle de constitutionnalité

Au Mali, il y a deux systèmes de contrôle, à savoir le contrôle à priori et le contrôle à posteriori qui intervient après que la loi a été promulguée ou entrée en vigueur. Si le Mali dispose du premier contrôle, c’est-à-dire par voix d’action, il faut noter qu’il souffre d’un système de contrôle par voie d’exception qui s’exerce après que la loi est entrée en vigueur. Dr Fousseyni Doumbia a souligné que plusieurs tentatives de révision constitutionnelle voulaient l’institutionnalisation de ces deux formes de contrôle, à l’instar de beaucoup de pays.

A travers ce contrôle à posteriori, selon lui, si un tribunal veut appliquer une loi en vigueur qui semble contraire à la constitution, on peut attirer l’attention du juge sur l’aspect anticonstitutionnel de la loi. « Dans cette dynamique, le juge devant lequel vous vous retrouvez va sursoir à statuer et soulever ce qu’on appelle l’exception d’inconstitutionnalité auprès de la Cour constitutionnelle qui est compétente pour connaitre les questions de constitutionnalité des lois » a indiqué Fousseyni Doumbia, avant de citer les deux sanctions possibles, notamment l’abrogation pure et simple de cette loi de l’ordonnancement juridique, ou  son retrait du procès devant juge.

La séparation des pouvoirs

Lors de ces échanges, la question de la séparation des pouvoir est revenue plusieurs fois. Il a été a souligné que le respect des décisions de la Cour constitutionnelle repose sur la volonté des pouvoirs politiques en place. Selon le président de la Cour constitutionnel du Mali, partout dans le monde, quand une décision de la Cour constitutionnelle est déformable aux pouvoirs en place, dans la plupart des cas, ils ne s’en soumettent pas. Ils usent toujours leur force politique au sein de l’assemblée nationale ou leur pouvoir exceptionnel  pour contourner la décision. Selon le président de la Cour constitutionnelle, ce n’est pas le pouvoir exécutif ou législatif qui va donner cette indépendance totale à la Cour Constitutionnelle, mais plutôt les pouvoirs de pressions comme la presse.

Selon lui, de la mesure où le pouvoir exécutif a toujours le pouvoir législatif à sa disposition, Il faut donc renforcer le troisième qui est le pouvoir judiciaire.

Issa Djiguiba

Source: LE PAYS

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