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RDC/ONU : Chronique d’un désamour

Le fossé entre les casques bleus, la population et les autorités ne cesse de se creuser

 

Avec un plafond autorisé de 16 000 hommes en uniformes et un budget annuel d’environ 1 milliard USD, la mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) est un Etat dans l’Etat. Elle est mieux financée que toutes les institutions congolaises.

C’est l’une des plus importantes missions de maintien de la paix pour les Nations Unies. A son déploiement en 1999 sous le nom de « MONUC », elle n’est qu’une simple mission d’observation d’un cessez-le-feu signé en juillet 1999 à Lusaka entre les parties prenantes à la première guerre du Congo.

Ce conflit avait impliqué la RDC et cinq États de la région (Angola, Namibie, Ouganda, Rwanda et Zimbabwe) ayant aidé les rebelles de l’alliance des forces démocratiques et alliés (AFDL) pour chasser le dictateur Mobutu au pouvoir en 1997. Les casques bleus devraient s’assurer du désengagement des forces et de maintien de liaison avec toutes les parties à l’accord. La mission n’est pas contraignante.

MONUSCO

L’essentiel de sa force est déployé dans l’est du pays, toujours instable en raison de la présence persistante de plusieurs groupes armés, contre lesquels l’armée congolaise mène des opérations depuis début 2009, avec le soutien logistique de la mission onusienne.

Vingt – trois ans après, les choses s’emballent pour la Mission qui a fait l’objet de plusieurs manifestations des populations de la RDC qui ont exigé son départ du pays.

La mission est accusée d’inefficacité : le nombre des groupes armés a augmenté au point d’atteindre la centaine, les civils ne cessent d’être victimes des massacres et autres violences, le pays cumule plus de 5 millions de déplacés dans les provinces du Nord – Kivu, Ituri et Sud – Kivu. Entre gouvernants congolais et la Monusco, la défiance n’a pas toujours été de mise. La mission a amené avec ses moyens, le Congo – Kinshasa à ses premières élections démocratiques, en 2006.

Essentiel, mais encombrant

« Nous n’avions jamais connu un tel partenaire, la MONUSCO était d’un apport inégalable pour la logistique », confie Célestin Mbuyu, ancien ministre de l’intérieur. « Beaucoup l’ont toujours considérée comme un partenaire à la fois essentiel pour la logistique, mais accombant sur des questions politiques et droits de l’homme », estime-t-il.

Bien avant 2010, la mission était méprisée pour son rôle inactif. Même en 2003, c’est une force internationale sous commandement français qui avait mis fin à la guerre civile en Ituri. « Nous nous étions rendus compte que les casques bleus étaient devenus des observateurs, ils assistaient aux massacres comme des téléspectateurs d’un match de football », témoigne le général congolais Isambwe Thierry, à la retraite.

« Nous avions demandé clairement au secrétaire général des Nations de l’époque Ban Ki – Moon soit de retirer la MONUC, soit d’amender son mandat », explique-t-il.

Sous pression, l’ONU requalifie sa mission et en 2010, MONUC devient MONUSCO avec un mandat axé principalement sur la protection des civils et le monitoring de la situation des droits de l’homme dans le pays. Mais cela n’a pas suffi. « La mission n’avait qu’un rôle défensif, pas offensif », poursuit l’officier qui a longtemps évolué dans l’administration et les opérations militaires.

Les tensions se sont accrues tout au long du deuxième mandat du Président Joseph Kabila (2011 – 2018). « À plusieurs reprises, nos équipements et ceux de certaines agences du système des Nations Unies sont restés bloqués aux douanes congolaises », témoigne un ancien commandant des forces de la MONUSCO. L’expiration du dernier mandat de Joseph Kabila, fin 2016, n’a fait que ­renforcer la tension.

En 2017, alors que la mission s’apprêtait à apporter son soutien pour les troisièmes élections générales en RDC, les autorités refusent l’aide de la MONUSCO.

La Mission connaitra ensuite une page sombre avec l’assassinat en mars 2017 dans la région du Kasaï, de deux experts de l’ONU, Zaida Catalan et Michael Sharp. Au cours de la même année, la mission subit le plus lourd bilan d’une attaque contre les casques bleus depuis 1993 : quinze Casques bleus tanzaniens meurent dans l’attaque de la base de Semuliki, dans l’Est, par des rebelles ADF

Chronologie

Octobre 2014 : Kinshasa expulse le directeur du bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, Scott Campbell, après avoir publié un rapport dénonçant des bavures policières pendant une grande opération anti banditisme à Kinshasa entre novembre 2013 et février 2014, dont neuf meurtres et 32 disparitions forcées.

Février 2015 : La MONUSCO suspend sa coopération avec l’armée congolaise accusant Kinshasa d’avoir nommé deux généraux ayant été fortement impliqués dans des violations massives des droits de l’homme et étaient placés sur une liste d’officiers indésirables.

Février 2016 : Reprise de la coopération, mais Kinshasa interdit à la MONUSCO de communiquer sur opérations.

Mars 2017 : Kinshasa demande à l’ONU de réduire de moitié le contingent des casques bleus opérant sur leur territoire.

 

Novembre 2017 : Le Président Joseph Kabila, du haut de la tribune des Nations Unies, demande le retrait de la mission accusée d’ingérence et d’inefficacité

Septembre 2018 : Kabila revient à charge et dénonce des résultats « largement mitigés sur le plan opérationnel » de la MONUSCO. Il fixe une date butoir : l’année 2020.

Novembre 2021 : Kinshasa et MONUSCO signent un accord pour le retrait des casques bleus en 2024 sous conditions d’une certaine stabilité au pays.

Aout 2022 : Kinshasa expulse le porte –parole de la MONUSCO Mathias Gillmann, en lui reprochant des « déclarations indélicates et inopportunes » dans un contexte de tensions entre l’ONU d’une part et les autorités et la population de l’Est congolais d’autre part.

Aout 2022 : Kinshasa demande de « réévaluer » le délai du retrait de la MONUSCO

D’après un ancien haut responsable de la MONUSCO qui s’est confié à Anadolu, la RDC, contrairement au Soudan, au Liban (avec une présence du Hezbollah au gouvernement), le Mali, la Centrafrique, a été fait un hôte « plutôt conciliant ».

Pour ce haut fonctionnaire, les différentes autorités tapent sur l’ONU pour différentes raisons : « masquer des insuffisantes en matière de gouvernance, prolonger des pratiques institutionnelles ou ad hoc qui profitent à des intérêts particuliers, influencer sur le calendrier électoral et la nature des élections dans le but de maintien ou d’accès au pouvoir », explique-t-il.

Michel Luntumbue, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), spécialiste des questions sécuritaires en Afrique estime que les calculs politiques des dirigeants pourraient affecter la MONUSCO.

Le président Félix Tshisekedi, favorable à la collaboration avec la MONUSCO, se trouve aujourd’hui dans une position délicate. « Son positionnement sur cette question va avoir un impact lors de l’élection de 2023 car les deux provinces du Kivu où des populations exigent le départ effectif de la MONUSCO sont de grands électorats. Il est désormais contraint de taper du poing sur la table ».

Source : Anadolu Agency

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