La Revue Africaine des Sciences Juridiques, Administratives et Politiques (RASJAP), dans son bulletin de mars 2025, a relevé que la décision de maintenir en détention Mohamed Youssouf BATHILY, dit Ras Bath, bien qu’elle semble légalement fondée, souffre cependant d’un manque de motivation individualisée, remettant en question sa légitimité et sa conformité aux normes internationales.
La Revue Africaine des Sciences Juridiques, Administratives et Politiques (RASJAP) est une revue mensuelle consacrée à la recherche approfondie sur les Sciences Juridiques, Administratives et Politiques.
Elle s’est penchée, dans son dernier rapport, sur la prolongation de la détention du chroniqueur Mohamed Youssouf BATHILY, dit Ras Bath, actée par le tribunal de la commune IV le 29 avril dernier pour une durée d’un an.
La décision, ayant suscité une polémique, est analysée par RASJAP qui a relevé que l’ordonnance de maintien de Ras Bath en détention manque d’une ’’réelle nécessité et d’une motivation détaillée’’ pour chaque prolongation.
La RASJAP précise que cette situation est en contradiction avec l’article 135 du Code de procédure pénale, qui souligne que toute décision de placement ou de prolongation en détention doit être motivée de manière précise, individualisée et fondée sur des critères légaux stricts.
Dans le cas d’espèce, soutient la revue, ’’L’ordonnance ne fournit pas de justification spécifique à la prolongation au-delà de la simple référence à l’ordre public et à la gravité des faits’’, avant de déduire : “Si la base légale de la détention provisoire peut sembler respectée en apparence, le défaut de motivation individualisée constitue une faille majeure au regard des standards nationaux et internationaux en matière de privation de liberté.”
Inculpé depuis mars 2023, l’ordonnance de maintien de Ras Bath, selon l’analyse de la RASJAP, se limite à une motivation stéréotypée, fondée sur la seule gravité des infractions reprochées et un hypothétique trouble à l’ordre public.
La Revue ajoute qu’elle ne démontre ni un risque avéré de fuite, ni une possibilité réelle de subordination de témoins, ni un danger concret de récidive.
L’absence de mesures alternatives à la détention, prévues par l’article 137 du Code de procédure pénale, est une violation du principe de proportionnalité, au cœur des droits de l’homme, affirme la Revue, tout en rappelant une jurisprudence de la Cour de justice de la CEDEAO consacrant que la détention doit rester une mesure de dernier ressort, strictement encadrée dans le temps et fondée sur une analyse rigoureuse des circonstances individuelles.
’’Cette insuffisance de motivation, conjuguée à une lecture formelle du droit, contribue à donner à la détention une allure préventive ou punitive, plutôt que procédurale et temporaire, comme l’exige pourtant le droit’’, affirme le document.
Au-delà des lacunes procédurales, la détention prolongée de Mohamed Youssouf BATHILY soulève des enjeux plus larges liés à la protection des libertés fondamentales, au premier rang desquelles figurent le droit à la liberté individuelle et la liberté d’expression.
Selon la Revue, sa détention prorogée en mars 2025 par le tribunal de la commune VI, selon la Revue, en l’absence d’éléments nouveaux, ’’pourrait être assimilée à une forme de détention arbitraire, au mépris du droit à un procès dans un délai raisonnable’’.
En tant que mesure exceptionnelle, la détention provisoire ne doit ni se prolonger indéfiniment, ni devenir un moyen de pression psychologique, encore moins une peine avant jugement.
‘’Dans le cas de Mohamed Youssouf BATHILY, l’extension de la détention jusqu’au 28 mars 2025, sans nouveaux éléments à charge ni évolution substantielle de l’enquête, laisse craindre une dérive vers une sanction déguisée’’, alerte le document.
Par ailleurs, la Revue a également souligné que le retard observé dans la procédure et l’absence d’avancées judiciaires significatives malgré le maintien de la détention tend à transformer une mesure temporaire en un instrument de punition avant tout jugement. Ce qui porte, commente-t-il, gravement atteinte au principe fondamental de présomption d’innocence, pourtant garanti tant par la Constitution malienne que par les engagements internationaux du pays…
’’Le recours à des chefs d’accusation liés à la cybercriminalité et à l’atteinte à l’autorité de l’État, lorsqu’ils sont appliqués à des discours publics diffusés sur les réseaux sociaux, soulève la question de la frontière entre infraction pénale et opinion légitime. En l’absence d’une analyse fine des propos tenus de leur contenu, de leur contexte, et de leur finalité la qualification pénale risque de criminaliser des expressions critiques, pourtant constitutives du débat démocratique’’, a affirmé la Revue.
Appelant les juridictions supérieures de faire prévaloir les principes fondamentaux, pour la RASJAP, « il n’y a pas de démocratie sans respect des droits de l’homme», ajoutant que l’affaire Ras Bath met en tension les fondements mêmes de l’ordre juridique et rappelle que la légitimité de l’action publique repose d’abord sur le respect scrupuleux des libertés fondamentales.
PAR SIKOU BAH