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Rançons sur l’axe Koutiala, Sikasso, Hèrèmakono et Zégoua : Un fléau facilité par des véhicules pas toujours en règle

Les sommes d’argent collectées «illégalement» sur les camions transportant des produits d’origine malienne ou en provenance d’autres pays de la Cedeao sont énormes (http://depechesdumali.com/enquete/33194-corridor-sikasso-zegoua-le-scandale-des-quittances-qui-fait-perdre-2-milliards-au-tresor-du-mali.html). Du coup, c’est un volet important de l’agriculture locale qui est fortement pénalisé.

 

Chargé de plaidoyer à la branche locale de Koutiala de la Plateforme interrégionale de Sikasso pour la libre circulation des personnes et leurs biens, Baba Doumbia s’insurge contre les tracasseries infligées aux chauffeurs de camions de transport de maïs, de haricots et d’oignons. «Le système de rançon est tel qu’on se demande si ces produits venant de Kadiolo, Zégoua et Loulouni sont cultivés au Mali ou s’ils viennent d’autres planètes», dénonce-t-il.

Le Président de la branche locale de Koutiala de la Plateforme de Sikasso, Sidiki Badian Doumbia, raconte : «La Douane de Sikasso a arrêté l’un des camions qui venaient d’être chargés de maïs à Kadiolo. Elle a demandé au chauffeur de payer 30000 FCFA. Quand le conducteur m’a informé, j’ai refusé de payer et j’ai immédiatement alerté les gens de la Plateforme de Sikasso. Face à notre refus, les douaniers ont trouvé une autre astuce en disant qu’ils vont fouiller le véhicule pour voir s’il ne contient pas de produits de contrebande. Ils nous ont dit que le travail de fouille sera effectué par leurs manœuvres à 30000 F CFA. Or, rien n’oblige le transporteur à payer les manœuvres. J’ai été contraint de m’acquitter des 30000 FCFA que j’avais refusé de payer».

A Bla, par exemple, ajoute Baba Doumbia, faire passer un camion de haricots coûte 50000 F CFA. «Le haricot est désormais quasiment considéré comme de la drogue au Mali par les douaniers. De Koutiala à Bamako, de Sikasso à Koutiala, tu paies à tous les postes», regrette-t-il. Le pire est que, ajoute-t-il, même un camion vide paie 5.000 FCFA aux postes de Sénou, Zantiguila, Ségou.

Pour Idrissa Traoré, membre de la Cellule de veille de la Plateforme locale, le camion de transport de sables du fleuve qui quitte la région de Ségou pour Sikasso et Koutiala est obligé de payer 3.000 F CFA au poste. Néanmoins, tempère Amadou Tangara, animateur principal au Bureau AJCAD (Association des jeunes pour la citoyenneté active et la démocratie) de Koutiala, «le plus grand problème est que certains véhicules ne sont pas en règle».

Suivant de nombreux témoignages, les transporteurs, lassés, se sont déjà habitués eux-mêmes à ce «racket» de 1. 000 ou 2. 000 F CFA au niveau des postes même si le véhicule est en règle. «Celui qui refuse de payer ne roule pas. Si tu dois faire 2 heures entre Koutiala et Sikasso, tu feras 23 heures si tu refuses de mettre la main à la poche aux différents postes», peste Idrissa Traoré, comme pour fustiger un chantage implicite.

«Arrêter les véhicules en règle avec des produits locaux en règle est incompréhensible alors que d’autres camions hors-la loi profitent de la loi du silence moyennant paiement de quelques billets», fustige un haut responsable de la Plateforme à Koutiala.

Chantage implicite

Le 30 juin 2020, la Coordination régionale de l’AJCAP de Sikasso a envoyé une correspondance au directeur régional de la police pour dénoncer « les comportements illégaux » des agents de la police au poste de contrôle frontalier de Hèrèmakono. Les faits sont relatés dans une correspondance en date du 1er juillet 2020 sous le n° 247 au courrier ordinaire de la direction régionale de la police de Sikasso avec ampliations à différentes autorités : le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Directeur général de la Police, le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, le Gouverneur de la région de Sikasso et le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Sikasso.

«Le mardi 30 juin 2020 dans les environs de 11h05 mn, les responsables des BPC ont été témoins oculaires de la violation non seulement des mesures instaurées dans le cadre de la prévention de la Covid -19 mais aussi du code de déontologie et de la législation en vigueur au Mali. des agents au poste de contrôle de Hèrèmakono, ont escorté dans un tricycle (Katakatani) de la frontière du Burkina Faso au Poste de Hèrèmakono un nombre important d’étrangers en dépit de la fermeture des frontières décrétée par les autorités et en flagrante violation des règles sécuritaires et sanitaires, dont l’observation est gage de la protection des citoyens maliens contre l’insécurité et la pandémie du Covid-19 », nous apprend la correspondance signée d’Ibrahim Sissoko, de la Coordination régionale d’AJCAD à Sikasso.

Sans préciser le nombre de passagers, le document relève que «ces personnes ont été autorisées à entrer sur le territoire malien sous escorte de policiers moyennant le paiement, sans aucune forme de délivrance de quittance à souche du Trésor public, de la somme de 10. 000 F CFA par personne, pour celles qui étaient en règle (pièce d’identité à jour) et 20. 000 à 30. 000 FCFA par personne, pour celles qui n’étaient pas en règle (défaut de pièce d’identité)».

A la réception de la lettre, le directeur régional de la police a relevé le même jour tous les agents qui étaient en fonction au poste de Hèrèmakono. Ses services ont également demandé des explications au bureau de l’AJCAD. L’Inspection de la police a ensuite mené une série d’auditions. Le Chef de poste ainsi que les trois agents ont été sanctionnés pour trois semaines d’arrêt de rigueur avant d’être mutés. « A chaque fois que nous dénonçons, c’est avec des preuves », s’exclame le coordinateur de l’AJCAD à Sikasso.

Pour autant, il est temps que les usagers, eux aussi, se mettent en règle pour faciliter le travail de lutte contre les tracasseries, a-t-il indiqué en retour.

Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger

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